Bilan n° 106 du 23 février 2025 (guerre d’Ukraine)

Légère reprise des opérations russes. Sur le plan politique, l’Amérique abandonne l’Ukraine ce qui constitue un tremblement de terre géopolitique.

SOurce Poulet Volant (ici)

Déroulé des opérations militaires

Front sud : Les Russes poursuivent plein nord de Grand Novosilka (carte). Ils ont largement franchi la route allant plein ouest vers Uspenivka pour prendre Novosilka à l’ouest et Noviy Komar à l’est.

Front de Donetsk : Les Russes ont pris Andrivka et sont entrés dans Kostiantiniopil. Ils devraient poursuivre plein ouest le long de la H15 à la rencontre de la progression en provenance de Grand Novosilka, puis pousser jusqu’aux limites de l’oblast (carte).

Dans le secteur de Pokrovsk, situation stable à l’ouest. A l’est, les Russes ont atteint sans le contrôler l’échangeur de l’autoroute H32 (carte).

Toretsk sans changement selon Poulet volant (carte).

Front de Bakhmout : A Chasiv Yar, sans changement (carte).

Front de Svatove/Koupiansk. Secteur de Kremina/Siversk : sans changement (carte) même si de premières infos annoncent la prise de Bilohorivka : à confirmer. Les Russes ont un peu avancé vers Yampolivka (carte). Un peu au nord, légère progression à Makogonovka (carte)

Secteur de Pischane : Sans changement (carte).

Secteur de Koupiansk : la tête de pont de Dvorichna s’est légèrement agrandie vers le nord jusque Fiholivka. Plus au nord, l’autre tête de pont de Topoli est un peu élargie (carte).

Front de Kharkiv : RAS

Front de Soudja : Au sud-est, Fanasayevka a été repris. A l’ouest de la poche, les Russes ont pris le village de Sverdlikovo et atteint la frontière (carte).

Analyse militaire

Dans la poche de Soudja, les Russes ont repris leurs efforts. La Russie a pris 15 km² la semaine dernière, et 18 km² cette semaine (carte). L’Ukraine contrôle 409 km² de territoire russe (carte).

Dans le Donbass, les Russes ont pris aux Ukrainiens 53.5 km² la semaine dernière, 75 km² cette semaine (carte). Le rythme de progression quotidienne est remonté à 10 km² par jour.

*

Toujours un rythme assez faible d’opération, concentré en deux endroits : dans le sud (Grand Novosilka et Adrivka) et un peu à Koupiansk. La petite contre-attaque ukrainienne d’il y a trois semaines dans la poche de Soudja a été enrayée.

Les températures sont toujours négatives. Elles devaient doucement s’élever d’ici quinze jours pour franchir le zéro. On sent que les Russes continuent de préparer leurs opérations futures : au sud (atteindre les frontières de l’oblast de Donetsk) comme au nord, où les têtes de pont sur l’Oskil peuvent aussi bien signaler la volonté de coiffer Koupiansk que de progresser vers le nord-ouest en direction de Kharkiv. Il y a toujours cette volonté d’élargir sans cesses la ligne de défense ukrainienne.

Analyse politique

Dans le dernier numéro de La Vigie (LV 260, L’Europe KO), nous avons largement analysé les discussions entre Trump et Poutine. Nous réserverons à La Vigie les grandes analyses géopolitiques, les raisons possibles de la décision de Trump, les conséquences pour l’Europe et son architecture de sécurité. Disons simplement trois choses :

  • L’Ukraine n’est qu’un des sujets parmi d’autres du dialogue américano-russe, alors que tout le monde pense que c’est le sujet principal. Le conflit est évidemment beaucoup plus important pour Moscou que pour Washington mais MM. Trump et Poutine sont tombés d’accord pour parler d’autres sujets : nucléaire, pétrole, IA, Moyen-Orient, commerce…. Et donc Ukraine.
  • Cette minorisation de l’Ukraine dans la discussion explique pourquoi « elle pèse peu » : pour Trump, elle est accessoire. Selon ses vues, l’Ukraine passera par pertes et profits, elle sera abandonnée. Elle n’entre en aucune façon dans ses calculs, sinon pour se transmettre un fardeau « hérité de Biden » à des Européens qu’il n’aime pas, aussi peut-être par antipathie ou rancune envers V. Zelensky.
  • Ainsi s’explique la pression maximale mise par le président américain sur la direction kiévienne, que ce soit au sujet d’un accord sur les terres rares, les remarques sur la légitimité démocratique de V. Zelensky ou la promotion d’élections à court terme. Peu lui chaut. I veut un accord avec les Russes, sur d’autres fronts.

La déconvenue est immense pour les Ukrainiens qui savent ce qu’ils doivent à l’aide américaine, visible (matériels et munitions) ou invisible (renseignement, observation satellite, transmissions satellitaires de Starlink, …). A leurs yeux, c’est d’une reddition qu’il s’agit. Peut-on négocier quelque chose dans ce cadre ? Telle est la question qui se pose.

La surprise est totale pour les Européens, pris eux aussi à contre-pied, tout particulièrement sur la question ukrainienne. Or celle-ci engage l’architecture de sécurité qui sortira de cette guerre. Beaucoup pensent que l’enjeu consiste à donner des garanties de sécurité à l’Ukraine à l’issue d’un cessez-le-feu. Je crains que ce ne soit même plus le cas. Observons enfin que les principes fortement proclamés par les Européens depuis le début de la guerre (refus de l’agression, intangibilité des frontières, non reconnaissance de l’annexion de la Crimée, etc.) ont subitement disparu des communiqués officiels. La désillusion est terrible et constitue un bouleversement radical.

On se met à penser au Bateau ivre de Rimbaud :

  • Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
  • Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,

Nous sommes en plein maelstrom géopolitique. Nul ne sait ce qui en sortira. Car au fond, les négociations nous placent désormais devant une simple et terrible alternative : soit la guerre cesse aux conditions de Moscou, soit elle continue mais sans intervention américaine. Dans les deux cas, l’Ukraine paraît perdante.

Billet précédent : n° 105

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