Les Ukrainiens ont conduit quelques contre-attaques dans le Donbass, tandis que les Russes ont entrepris de réduire le saillant de Soudja. Sur le plan politique, l’abandon des Ukrainiens par Washington ferme les perspectives.
Source : Poulet Volant
Déroulé des opérations militaires
Front sud : Légère avancée russe au nord de Grand Novosilka bien que le front se soit calmé depuis une quinzaine de jours (carte). Ils sont établis sur une ligne entre Novoocheretuvate et Burlaske.
Front de Donetsk : Les Russes auraient pris Kostiantiniopil. Dans le secteur de Pokrovsk, stabilisation générale même si l’échangeur ne serait plus aux mains des Russes (carte).
A Toretsk, série de contre-attaques localisées des Ukrainiens qui auraient tiré profit d’une relève des unités russes dans le secteur. Quelques quartiers seraient repassés sous contrôle des Ukrainiens notamment vers le terril nord et le point 210 (carte).
Front de Bakhmout : A Chasiv Yar, sans changement (carte).
Front de Svatove/Koupiansk. Secteur de Kremina/Siversk : quelques avancées russes vers Bilohorivka (carte). La tête de pont sur la Zherebets à hauteur de Terny a été élargie (carte).
Secteur de Pischane : Sans changement (carte).
Secteur de Koupiansk : la tête de pont de Dvorichna s’est légèrement rétrécie à la suite d’une petite contre-attaque ukrainienne vers Zapadne (carte).
Front de Kharkiv : RAS
Front de Soudja : Les activités ont repris cette quinzaine avec une brusque accélération ce weekend. Au sud-ouest de la poche, les Russes ont avancé jusqu’à la frontière et sont entrés en territoire ukrainien. Un peu plus au nord, ils ont progressé vers l’est jusqu’aux abords du village de Bogdanovka. Dans le saillant nord, ils ont poussé et repris Novaya Sorochina. Les dernières unités ukrainiennes seraient en train de quitter le village de Malaya Loknya (à confirmer). Au nord-est de la poche, brutale avancée des Russes qui ont repris une large portion de terrain, jusqu’à Martynovka. De premières unités de forces spéciales russes seraient déjà dans les faubourgs de Soudja. Enfin, au sud, les Russes ont effectué une percée de 5 km à hauteur de Kurlovka, atteignant la frontière avec l’Ukraine (carte). La situation évolue d’heure en heure. Le saillant semble bientôt limité à la seule ville de Soudja, approvisionnée par une seule route désormais sous les feux indirects des Russes (distants de 3 km à l’ouest, 5 km au sud).
Maj du 9/3 à 19.21 : Au nord, Malaya Loknya serait tombée. Au nord-est, ce serait Martynovka. Cette rapidité suggère un retrait ukrainien.
Analyse militaire
Dans la poche de Soudja, les Russes ont repris leurs efforts. La Russie a pris 31 km² la semaine dernière, et 95 km² cette semaine (carte). L’Ukraine ne contrôle plus que 325 km² de territoire russe (carte).
Dans le Donbass, les Russes ont pris aux Ukrainiens 38 km² la semaine dernière, 37 km² cette semaine (carte) (les Ukrainiens ont pris 3,5 km² la semaine dernière, 7 cette semaine). Le rythme de progression russe est descendu à 5 km² par jour dans le Donbass.
*
Les opérations reprennent. Les Ukrainiens ont lancé un certain nombre de contre-attaques localisées dans le secteur du Donbass du sud, notamment vers Pokrovsk et Toretsk. Ils ont mis à profit la cessation des activités russes dans la zone. Ailleurs, de mini évolutions (Bilohorivka ou Koupiansk) ne changent pas radicalement les choses. Les Russes ont cessé de fournir un effort généralisé dans le Donbass.
En revanche, les Russes semblent avoir décidé de réduire la poche de Soudja. On le pressentait au cours de la dernière quinzaine, les affaires se sont accélérées ces jours derniers. Tout le nord de la poche semble en voie de résorption. Le dispositif ukrainien ne demeure qu’à Soudja, approvisionnée par une seule ligne logistique qui paraît friable. Les pertes ukrainiennes semblent conséquentes. En ce dimanche soir, la question qui se pose est celle de la durée de ce réduit : les Ukrainiens voudront-ils le tenir coûte que coûte ou vont-ils se résoudre à retraiter ? Vu des Russes, l’effort est désormais fourni, comme si Moscou voulait se débarrasser de cette épine de façon qu’elle n’intervienne pas dans les paramètres de négociation. On peut donc s’attendre à la poursuite de la poussée russe dans les jours à venir. S’ils y parviennent, il faudra alors s’interroger sur le sens de l’initiative ukrainienne, au sujet de laquelle nous n’avons jamais caché nos doutes sur son sens militaire, réservant à l’avenir sa signification politique.
L’autre question tient à l’arrêt du soutien américain. Si les annonces politique en ont été faites, on ignore finalement beaucoup de choses sur ses modalités. Cela inclurait :
- L’arrêt de l’appui en cyberoffensif.
- L’arrêt de l’appui technique pour réparer le dispositif électrique du pays.
- L’arrêt du partage de renseignement dans la profondeur : donc celui qui permet par exemple au Himars de tirer, aux drones ukrainiens de frapper des cibles logistiques ou encore de déceler précocement les raids d’aviation ou de missiles russes ; le renseignement tactique (zone immédiate du front) serait (conditionnel) toujours partagé.
- L’arrêt des livraisons d’armes : il s’agit des restes des stocks promis par la présidence Biden et qui n’auraient pas été transmis.
- L’incertitude plane sur la fourniture d’appui logistique : aussi bien en pièces détachées, soit sur du matériel fourni par les Américains soit par les Européens (F16) ; de même, quid de la présence de logisticiens sur les points logistiques alliés en bordure d’Ukraine ?
- Pareillement, l’incertitude reste sur l’appui technique à la mise en œuvre d’un certain nombre de matériels (Patriots, Himars).
- Il semble que la couverture des satellites de communication Starlink (dépendant de Musk) soit encore assurée.
- On ne sait rien du reste (couverture satellite générale, couverture électro-magnétique, aide à la planification, etc.).
Ainsi, l’effort ukrainien devrait être entravé dans des proportions difficiles à évaluer. On pourrait sentir les premiers effets d’ici deux à trois semaines si la coupure est prononcée, avec des effets plus durables d’ici deux à quatre mois. Il est probable que les Américains n’ont pas tout coupé, de façon à garder encore quelques crans au nœud coulant passé autour de la direction militaire de Kiev.
Quels que soient les efforts des Européens, ils ne pourront pas compenser en totalité le soutien américain. Dès lors, la conduite ukrainienne des opérations devrait être encore plus compliquée.
Analyse politique
Tout le monde a été témoin de la rencontre entre V. Zelensky et D. Trump dans le bureau ovale : la brutalité de l’échange, devant les caméras du monde entier, a surpris tous les observateurs. Nous avons analysé cette fracture transatlantique dans La Vigie n° 261 (ici). Les conséquences sont claires : D. Trump veut se débarrasser de cette guerre pour de multiples raisons. Il ne s’agit pas ici de savoir si c’est juste ou pertinent. La conséquence est qu’il fait pression sur l’acteur qui dépend de lui.
Sa déclaration selon laquelle il menace Moscou de dures sanctions économiques ne convainc personne. Outre qu’elle intervient trop tard, que le volume des échanges bilatéraux ne représente rien, que les sanctions économiques d’une façon générale produisent peu d’effet, il paraît évident que cela n’impressionne absolument pas V. Poutine et que ladite déclaration est surtout faite pour la galerie. Autrement dit, à propos de l’Ukraine, Trump n’a rien à proposer à Poutine. Il lui cède donc la victoire sur ce terrain pour obtenir des gains ailleurs. Ainsi a-t-on remarqué que le Kremlin se déclarait ouvert à jouer un rôle d’entremetteur dans d’éventuelles négociations avec l’Iran.
Le sort de l’Ukraine paraît désormais scellé. Elle va perdre les territoires pris par la Russie et n’obtiendra aucune garantie de sécurité, notamment pour l’accord de cessez-le-feu. Elle en obtiendra encore moins pour son statut à l’issue, que cela soit apporté par les Américains ou les Européens. La situation politique intérieure paraît ainsi tendue et les perspectives s’annoncent sombres. Un pays défait, sans alliés et aux infrastructures ravagées est un terrain propice au chaos.
Les Européens s’agitent mais ne pèsent pas. Malgré toutes les déclarations, ils feront peu et ce soutien réduit ne suffira pas à l’Ukraine pour continuer le combat. En fait, ils retiennent surtout la fragilisation du lien transatlantique et beaucoup oublient les promesses faites à l’Ukraine. On aperçoit des revirements à l’œuvre. Peu de pays se réunissent pour promettre une aide militaire à l’Ukraine à l’issue d’un accord. Les divergences s’affichent déjà et beaucoup souhaitent négocier avec Trump pour maintenir un minimum de garanties. La question transatlantique domine la question européenne qui domine la question ukrainienne.
Dans ce grand chamboule-tout, l’Ukraine paraît la victime ultime de cette guerre où elle aura quasiment tout perdu, trahie par les Américains et les Européens. Si les combats peuvent encore durer quelque temps, la question se pose de savoir à quoi ils servent encore.
OK