L’île de Mayotte a connu une succession de manifestations ces dernières semaines qui attirent l’attention vers cette île au destin spécial. Elles posent la question des DOM-COM, vues par certains comme un fardeau financier (coût des subventions), par d’autres comme un atout (présence mondiale de la France, extension de la zone économique exclusive). Le cas particulier de Mayotte pose cependant des questions distinctes du reste des DOM.
Mayotte était un « Territoire d’outre-mer » (TOM, avec donc un statut spécial) qui, à la suite du référendum de 2009, est devenu un Département d’outre-mer. Depuis 1946 en effet, les Mahorais n’ont cessé de clamer leur attachement à la France et leur refus de l’indépendance, voulant une plus grande intégration. La départementalisation était ainsi vue comme le moyen de ce plus grand rapprochement.
Toutefois, cet attachement révèle aussi des pensées très tangibles : grâce à lui, les Mahorais espéraient obtenir de plus grands transferts de fonds en provenance de la métropole. Initialement, cela conduisit à l’augmentation du coût de la vie ce qui a provoqué d’importants troubles dès 2011. Mayotte est en effet très en retard en termes de prospérité par rapport non seulement à la métropole, mais aussi par rapport aux autres DOM. La demande de services publics est énorme et une des grandes raisons de la crise d’aujourd’hui réside dans ce décalage entre les besoins et l’offre effective de ces services publics.
Toutefois, une autre dimension est extrêmement importante et vient aiguiser les difficultés du moment : il s’agit de la démographie. Mayotte est en effet une île qui est déjà extrêmement peuplée mais qui se situe dans un archipel lui-même très peuplé (les grandes Comores) et bien plus pauvre (Si Mayotte est pauvre par rapport aux autres DOM, elle est riche par rapport aux Comores voisines). Cela provoque donc un afflux d’immigration illégale entre les autres îles de l’archipel et Mayotte, ce qui provoque une strate supplémentaire à la demande de services publics.
Ceux-ci sont donc dépassés par les attentes, aussi bien des Mahorais que des immigrés illégaux. Les manifestations en cours vont bien sûr provoquer un regain d’attention de Paris, donc un surcroît d’efforts, mais il n’est pas sûr que les réponses de court terme puissent répondre à l’ampleur des besoins révélés par la crise.Par ailleurs, constatons que les structures sociales et coutumières de l’île n’incitent pas les habitants à adapter des projets locaux de développement.
Au fond, cette départementalisation a été décidée à la hâte, sans réelle pensée stratégique ni prise en compte des facteurs environnants. Dans les statistiques, Mayotte est (avec la Guyane) un des plus hauts lieux d’immigration clandestine (et de reconduite à la frontière). Il faudra des générations d’efforts pour construire un modèle de développement propre à Mayotte. On en est encore loin et il est probable que la crise va perdurer.
NB : Ce billet a été écrit en réponse aux questions d’un journaliste américain, qui a écrit cet article.
JDOK