La France a une opération dans la bande sahélo-saharienne « pour lutter contre le terrorisme », si l’on reprend la malencontreuse expression des autorités (que nous avons analysée dans ce billet de L. Morin). Au fond, nous lutterions contre le djihadisme violent, selon une continuité avec ce que nous avons faite en Irak et Syrie et auparavant en Afghanistan.
Mais ce djihadisme africain existe-t-il vraiment ? Est-il continu avec ce qui se passe au Moyen-Orient ? Autant de questions auxquelles Marc-Antoine Pérouse de Montclos tente de répondre dans un remarquable ouvrage, paru en mai dernier à La Découverte et que nous recommandons chaudement.
Directeur de recherche à l’institut de recherche pour le développement ayant une pratique reconnue du terrain, il s’interroge donc sur tous les « djihadismes » africains : AQMI et les divers mouvements sahéliens, bien sûr, mais aussi Boko Haram ou les Shebabs somaliens. Un travail académique fouillé sans être austère qui dénonce l’amalgame suggéré par le terme de Sahelistan souvent employé.
On s’aperçoit ainsi de la diversité des islams africains, de la faible influence venue du Moyen-Orient (États, ONG ou mouvements terroristes); Le lecteur comprend l’interaction compliquée entre divers mouvements sociaux et les récupérations djihadismes, le grossissement du facteur par des médias internationaux qui ne connaissent finalement pas grand chose et projettent leurs obsessions. Il remarque surtout la faiblesse des États (euphémisme), la misère en toile de fond et l’insuffisance des logiques répressives.
Bref, un ouvrage lumineux et dérangeant, tant il met à mal bien des présupposés de nos actions sur place. Or, cette fine analyse de la situation locale est une condition à notre action. Pas sûr que cela soit lu par les cercles dirigeants à Paris… ou dans la zone.
M-A. Pérouse de Montclos, L’Afrique, nouvelle frontière du djihad ? , Editions La découverte, 239 pages, 14 €
JDOK
Merci, Merci, La Vigie,