Notre fidèle ami, Jean-Philippe Immarigeon, avocat, nous propose cette lecture juridique des pouvoirs du PR en matière militaire. Merci de cette lecture précise et oubliée, qui met en exergue bien des errements constitutionnels. LV
Quelques années avant la Révolution française, le Figaro de Beaumarchais s’étonnait de ces guerres dans lesquelles le jetaient les princes, desquelles on ne lui avait jamais donné les raisons et pour lesquelles on l’avait encore moins consulté : « Sommes-nous des soldats qui tuent et se font tuer pour des intérêts qu’ils ignorent ? Je veux savoir, moi, pourquoi je me fâche » ? Sommes-nous aujourd’hui mieux informés que Figaro ? Sûrement pas. Consultés ? Toujours pas. Les guerres sont redevenues les caprices de princes, qui invoquent des impératifs auxquels les nations peinent à s’identifier. Comment les Figaro de 2020 pourraient-ils d’ailleurs s’y intéresser alors qu’on ne cherche à les responsabiliser que le jour de la défaite ?
La chanson de Kaboul
Les États-Unis viennent ainsi de faire valider par le Conseil de sécurité des Nations-Unies leur abandon de l’Afghanistan, dix-huit ans après y être entrés avec la prétention de réussir ce que d’autres avaient raté – comme en Indochine. La France a appuyé cette résolution, passant sur les cercueils de nos quatre-vingt-dix compatriotes morts sous fanion OTAN, les centaines de blessés et les traumatisés à vie. Le mot de sacrifice, utilisé dès le lendemain de l’embuscade d’Uzbin par les plus hautes instances de l’État, répété récemment dans la cour des Invalides lors de l’enterrement des soldats de Barkhane, prend tout son sens. Sauf qu’on ne fait pas la guerre pour se sacrifier, on la fait pour gagner. La célèbre formule fleurie de Patton, extraite d’un discours prononcé à la veille du D-Day devant la 6th Armored Division et qui ouvre le film éponyme, a été oubliée : on ne gagne pas une guerre en se sacrifiant pour rien comme un couillon, on la gagne en faisant en sorte que le couillon d’en face se sacrifie pour rien [1].
« C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on doit laisser sa peau. Car nous sommes tous condamnés, c’est nous les sacrifiés ! » Le général Bosser, quand il était chef d’état-major de l’armée de terre, reconnaissait la difficulté à parler de la guerre d’Afghanistan et du sens à donner à la mort des militaires français. Comment aussi s’y retrouver dans une politique erratique ? Un de ses prédécesseurs à ce poste avait dit, peu de temps avant la décision de s’y engager, que l’Afghanistan était un merdier où nous n’avions rien à faire. Mais en 2008, le président de la République annonçait depuis Kaboul que « ici se mène le combat contre le terrorisme, ici se joue une partie de la liberté du monde ». Pourtant trois ans plus tard la France pliait bagage, et l’Amérique vient d’en faire autant. Dès lors, se demanderait le Huron ingénu et candide de Monsieur Arouet, pourquoi recommencer au Sahel ? Parce que là-bas se joue encore une fois une partie de la liberté du monde ?
Mais on aura beau retourner la question dans tous les sens, invoquer Lyautey, Trinquier et Galula, les accords de défense, les mandats onusiens ou la mission civilisatrice de la France, Antoine de Saint-Exupéry (Terre des hommes) ou Diego Brosset (Un homme sans l’Occident) ont bien écrit l’incongruité de notre présence dans ces immensités arides où Dieu n’existe que dans le vide et le silence. Alors que nous venons de ce Paradis terrestre des mécréants empli de palais, de jardins et de roses, de jolies femmes qui vont tête nue, nous qui lavons à l’eau de source les trottoirs parisiens de la rive gauche [2]. Et comme l’a encore dit récemment le général François Lecointre devant les sénateurs à propos de ceux auxquels nous faisons face : « Ils sont chez eux ». Et nous aussi.
What’s the fuck ? aurait pu dire George S. Patton : qui nous a envoyés nous battre en Irak, en Syrie, en Libye, au Sahel, et pourquoi ? Parce que nous sommes en guerre. Mais ça veut dire quoi, être en guerre ? Et puis, quelle guerre ? Lorsqu’une République est en guerre, c’est son Parlement qui le décide, or il n’a rien voté. Notre Huron en déduirait que la France n’est pas en guerre. On se récrierait, on l’inviterait aux cérémonies aux Invalides. Mais alors, poursuivrait-il, si la France est en guerre et que ses soldats meurent, mais que le Parlement n’en débat pas et, là où on attend sa parole, se contente de vaines minutes de silence, c’est que la France n’est plus une république. Figaro opinerait.
Au diable la logique et les logiciens ! Et pourtant…
Le président de guerre
Y-a-t-il un président de guerre comme il y eut, autrefois, un roi de guerre ? Certainement pas, le roi faisait la guerre parce qu’il était le roi, même sans la guerre, il restait roi. Il s’agissait de toute manière d’épisodes épars, selon les goûts du monarque. Si Louis XIII montra au combat un courage certain que Richelieu jugeait inapproprié, Louis XIV délégua le commandement aux grands chefs, Turenne, Condé ou Villars. Louis XV n’entra qu’à reculons dans la guerre de Succession d’Autriche, et à Fontenoy il laissa Saxe à la manœuvre, s’interdisant la moindre interférence. Louis XVI aimait la marine mais pas la guerre, avant que la Révolution aime la guerre mais pas la marine. Et si Napoléon fonde son régime sur ses victoires (davantage que sur la guerre), il reste un guerrier qui, de Toulon à Montereau vingt ans plus tard, pointe lui-même les canons de 8 livres.
C’est notre dernier épisode de chef de guerre, même si la Charte de 1814 dispose que « le roi commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre ». C’est repris ainsi dans le texte de 1830, mais en 1848, « le président dispose de la force armée, sans pouvoir jamais la commander en personne ». Les choses sont dites. En 1852, l’empereur de nouveau « commande les forces de terre et de mer, déclare la guerre » : Louis-Napoléon commande en Italie, est présent à Sedan, mais on sait les tensions qui surgissent avec les chefs militaires, comme Canrobert ou Pélissier qu’il prétend commander à distance en Crimée, profitant des progrès technologiques. C’est donc à la IIIe République qu’il revient de fixer le droit actuel, et le chef de l’État, y compris sous Vichy, reste chef des armées mais plus chef de guerre.
D’où vient alors notre régression, postérieure à l’instauration de la Ve République et à son fondateur qui, soldat, n’aimait pas plus la guerre qu’il n’aimait l’armée ? En partie d’une erreur d’interprétation et du mimétisme d’un exemple étranger pris comme modèle. L’erreur, c’est croire que la présidence impériale américaine s’est développée, à partir de Lincoln, de concert avec le rôle croissant du locataire de la Maison Blanche à l’occasion de conflits : autrement dit que, contrairement au roi, le président tire son pouvoir du fait qu’il fait la guerre. C’est ne pas comprendre que ledit locataire n’est pas devenu commander in chief au gré des circonstances et par abus de pouvoir, il l’est constitutionnellement depuis les origines.
Le mauvais exemple américain
Petit rappel liminaire : il existe deux types, et deux seulement, de régimes constitutionnels dans les démocraties libérales. Il y a le plus ancien, décalqué de la vision idéalisée que Montesquieu se faisait des institutions françaises de l’Ancien régime, dit de séparation des pouvoirs : chacun des trois organes, exécutif, législatif et judiciaire, y a des prérogatives autonomes, l’étanchéité entre les trois induisant une confrontation permanente censée prévenir que l’un prenne le pas sur les deux autres. C’est le système américain. Si ce régime est aussi qualifié de présidentiel, il y a de bonnes raisons à cela. Ainsi pour la chose militaire, la clef est la suivante : le Congrès américain déclare la guerre, le président la conduit. Mais on sait – le débat a ressurgi récemment devant le Congrès – que l’exécutif dispose en ce domaine de prérogatives autonomes.
Il faut alors faire un peu d’Histoire :
- Avant même que les Treize colonies n’accouchent, au forceps, de la Constitution de 1787, la toute première institution dont les Insurgents se dotent est celle de commander in chief, crée en 1775 pour George Washington. Cette charge, il l’abandonne ou plutôt la restitue au Congrès continental en 1783 au terme de la guerre d’Indépendance et au lendemain du Traité de Paris ;
- C’est pourquoi lorsque la Constitution de 1787 réattribue ce rôle de commander in chief au Président, il s’agit d’une charge déjà éprouvée et d’une fonction déjà validée ;
- Les États-Unis n’ayant plus d’armée à cette date, ce sont les milices qui vont alors réprimer les révoltes qui marquent les débuts chaotiques de la jeune république, milices que George Washington va de nouveau commander sur le terrain, comme président élu, lors de la Whiskey Rebellion de 1794 ;
- Puis en 1798, son successeur John Adams, qui a demandé au Congrès l’autorisation de faire la guerre à la France sans la déclarer, délègue cette prérogative constitutionnelle à son prédécesseur qui, au cours des deux ans que dure la Quasi War, tient épisodiquement ce rôle pour la troisième fois.
Le titre de commander in chief du Président n’est donc pas seulement protocolaire mais correspond aux attributs autonomes constitutionnels d’un chef de guerre, confirmés par la double délégation de 1798. Sa prééminence n’a par la suite fait que se renforcer. Si présidence de guerre il y a, ce n’est donc pas par le biais d’un renforcement des prérogatives de l’exécutif dans un contexte de péril atomique et de guerre au Vietnam. Les pouvoirs dont se réclame aujourd’hui Donald Trump sont inscrits dès la Constitution de 1787.
Or nous ne sommes pas en France sous régime présidentiel, n’en déplaise aux classes prépas de Sciences Po et aux éditoriaux de BFMTV : nous sommes, comme la quasi-totalité des démocraties au sein desquelles l’Amérique fait figure d’anomalie, en régime parlementaire, là où les prérogatives du président sont limitées voire inexistantes hors contreseing du premier ministre et du gouvernement responsables devant un parlement dont la chambre basse est elle-même redevable à tout moment devant les électeurs par la voie de la dissolution. Il ne sert donc à rien de descendre les Champs-Élysées en command car, d’enfiler un caban ou la combinaison de top gun, et de jeter à la figure de nos généraux, en présence de ceux d’une puissance étrangère, qu’on est leur chef. Ce d’autant plus que, si on invoque une pratique constitutionnelle où les phrases du genre « il y a la lettre mais il y a l’esprit » tiennent lieu de réflexion profonde, c’est un domaine où les prérogatives sont très précisément définies.
Des textes clairs
La réécriture il y a douze ans de l’article 35 de notre Constitution, jusque-là réduit à un seul alinéa, a permis un nouveau basculement subreptice du principe parlementaire [3]. On sait qu’il existe aux États-Unis depuis 1973 une loi encadrant les pouvoirs de guerre du président, qui avait à l’époque donné de l’urticaire à nombre de constitutionnalistes qui estimaient que, malgré le texte de 1787 et le précédent de 1798, on légitimait ces pouvoirs de guerre en prétendant les limiter. C’est exactement ce qui s’est produit en 2008 en France, on les a même inventés à partir de rien. Il en résulte une métonymie trompeuse qui fait accroire, puisqu’il faut bien que l’article 35 encadre quelque chose de préexistant, que le président français disposerait des mêmes pouvoirs que son homologue de la Maison Blanche.
Or que dit notre Constitution du 4 octobre 1958 ? Que le Parlement déclare la guerre, et qu’en cas d’intervention sans déclaration il contrôle l’action de l’exécutif, soit par le biais de la responsabilité générale du gouvernement des articles 49 et 50, soit par celui de l’article 35 (qui de toute manière, soit dit en passant, réserve la décision des OPEX au gouvernement, pas au président) ; que le premier ministre est responsable de la défense nationale aux termes de l’article 21, et que le gouvernement dispose de la force armée en vertu de l’article 20 ; que le président est chef des armées au titre de l’article 15 (comme l’était Albert Lebrun, comme l’est aussi la reine d’Angleterre) mais en aucun cas commandant en chef comme dans le texte américain ou dans nos textes de 1814, 1830 et 1852, et qu’il est garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire en vertu de l’article 5 – mais il l’est aussi de l’indépendance de la justice, et n’en juge pas pour autant sous le chêne comme Louis IX.
Mais quand on interroge le gouvernement, sa réponse trahit le renversement constitutionnel à l’œuvre depuis des années [4]. Il y est d’abord évoqué une compétence de principe du président qu’on lirait dans les articles 5 et 15, puis les attributions du premier ministre et du gouvernement qu’on comprend de simples exécutants, et à la fin, à titre subsidiaire, la déclaration de guerre et le contrôle des OPEX par le Parlement. Stupéfiante inversion des légitimités démocratiques, le grand absent étant encore et toujours Figaro.
Il faut pourtant se reporter, en complément des articles 20 et 21 de la Constitution, à l’Ordonnance du 7 janvier 1959 abrogée par l’Ordonnance 2004-1374 du 20 décembre 2004 portant Code de la défense, et au Décret n° 96-520 du 12 juin 1996 modifié en 2007 qui reprend les principes du Décret du 14 janvier 1964. La réponse y est sans équivoque : les forces armées, leur organisation, leur doctrine d’emploi et leur engagement relèvent du premier ministre et du gouvernement. Le seul cas où le CEMA prend ses ordres du président de la République est prévu par l’article 5 du Décret de 1996 devenu l’article R.1411-5 du Code de la défense, pour l’engagement des forces nucléaires (les articles R.1411-6 à 10 précisant que c’est au gouvernement de garantir cette mise à disposition du feu nucléaire). Pour tout le reste, le CEMA est sous l’autorité du premier ministre dont l’article L.1131-1 du Code de la défense précise qu’il est « responsable de la défense nationale, exerce la direction générale et la direction militaire de la défense. Il décide de la préparation et de la conduite supérieure des opérations et assure la coordination de l’activité en matière de défense de l’ensemble des départements ministériels. »
Une pratique inconstitutionnelle
Que peut peser contre ces textes une prétendue compétence de principe ? Sommes-nous revenus aux coutumes de l’ancien régime ? Comment peut-on opposer aux attributions claires et détaillées du premier ministre et du gouvernement, responsables devant le Parlement, la seule prérogative présidentielle de l’article R.1411-5 sur les forces nucléaires (qui mériterait son inscription à l’article 15 d’une Constitution [5] qu’il ne faut pas grand-chose pour remettre sur les rails du parlementarisme, n’en déplaise aux maniaques du stylo et autres thuriféraires d’une VIe République), et en faire une fonction de commander in chief ? Cette prérogative nucléaire ne peut de toute manière pas entrer dans la logique parlementaire, la décision relevant d’un choix régalien, éthique et moral hors de la responsabilité politique (on n’imagine pas une motion de censure votée sur les ruines vitrifiées du Palais Bourbon). Notons en passant que si Charles de Gaulle avait voulu instituer une présidence nucléaire et en décliner des pouvoirs de guerre autonomes, le décret de 1964 – qui n’a pas été soumis au Parlement – lui offrait l’occasion rêvée : il n’avait qu’à s’attribuer l’intégralité des prérogatives nucléaires. Il n’en a rien fait.
Et ce n’est pas le mimétisme de la War Room qui peut renverser cette logique de nos institutions, puisque le PC Jupiter sous l’Élysée, même réaménagé, n’est pas un centre de commandement mais un abri anti-atomique conçu pour sécuriser le donneur d’ordre nucléaire. La War Room des armées françaises, c’est le Centre de Planification et de Conduite des Opérations, et il se trouve au MinArm, à Paris-Balard.
Il n’existe à ma connaissance qu’un texte contrariant la logique parlementaire de nos institutions, c’est le décret 2017-1095 du 14 juin 2017 portant création d’un « Conseil National de Sécurité » sur le modèle américain. Même s’il est supposé être cantonné à la lutte antiterroriste, on y lit au détour d’un paragraphe cette phrase consternante : « Il transmet les instructions du président de la République aux ministres responsables ». Personne ne semble avoir relevé cette grossièreté démocratique.
Il neige, il pleut, il vente, mais il ne guerre pas
Mais cette dérive à l’américaine ne concerne pas seulement l’interprétation rétrograde de nos institutions parlementaires : il y a le virus d’une idéologie pernicieuse dont les agents propagateurs ne se découvrent pas seulement dans les cellules atlantistes qui sapent notre armée après avoir subverti le Quai d’Orsay. Il s’agit d’une approche de la guerre qui tourne le dos aux traditions européennes et qui fournit un substrat idéologique à la dépossession du citoyen-soldat.
La guerre, on le sait, n’est que de la politique par d’autres moyens. Mais on sait également que la formule de Clausewitz prête à interprétations, même si elle n’est pas tout à fait un palindrome comme les cultive la langue allemande. Car si la guerre est de la politique exacerbée, en est-elle pour autant l’aboutissement ? Dit dans l’autre sens, la politique ne serait-elle que de la guerre pacifiée ? Il importe dès lors de savoir si la guerre existe à l’état de nature ou si elle est un phénomène social, selon qu’on est du côté de Hobbes ou de celui de Rousseau. Mais il faut choisir, car ce n’est pas en même temps. Or Clausewitz est de l’avis du Genevois : même si la montée aux extrêmes est inhérente au phénomène, il n’y a rien de plus politique que la guerre, n’en déplaise aux mannes d’un René Girard dont les élucubrations n’en finissent plus de polluer la parole des incultes de circonstance. Les néocons ont tort et Jean-Jacques avait raison.
Il n’y a pas de guerre sans volonté. La guerre ne préexiste pas à la politique, la guerre n’est pas cette violence matricielle vers laquelle les sociétés modernes retourneraient, ni un acte de management gouvernemental alternatif. Elle est au contraire la décision a-naturelle d’un peuple d’en découdre avec un autre, une organisation terroriste ou de toute entité (voire virus) menaçant sa sécurité, son existence ou ses principes. Même un philosophe comme Carl Schmitt le reconnaissait : la guerre est l’acte politique de souveraineté par excellence d’un État. C’est un acte de liberté, et la liberté rousseauiste n’existe pas dans l’état de nature qui ne connaît que l’indépendance et les pulsions. C’est pourquoi nos nations, au fur et à mesure de leurs révolutions, ont ôté au prince le droit de faire la guerre sans les consulter.
Or qui dit acte de volonté dit vote de la nation ou de ses représentants élus – et autrement que comme pour un budget ou une réforme des retraites-, on n’imagine pas un 49.3 sur une déclaration de guerre. Pour l’instant la guerre n’est plus que le thème de colloques de spécialistes cooptés, l’alibi de princes de rencontre et la défonce d’intellectuels de bac à sable. Malheureusement personne ne semble à ce jour disposé à reprendre ce qu’ils se sont arrogé : ni le Parlement, dont les membres semblent paniqués qu’on les consulte, écrasés par avance d’avoir à voter une résolution où apparaîtrait ce mot terrible et historiquement lourd de sens de guerre, et fuyant la responsabilité qui serait la leur d’envoyer de jeunes Français à la mort ; ni les médias et l’opinion qui se complaisent dans cet abandon qui les satisfait et fuient tout autant le débat. La confiscation des pouvoirs de guerre s’insère dans ce vide.
Mais il ne sert à rien de tordre le bras à la Constitution et d’y trouver entre les lignes des justifications controuvées. C’est une mauvaise chose pour la France qui risque un jour, comme les États-Unis pour l’Afghanistan, de se retrouver dans le collimateur de la Cour Pénale Internationale, quel que soit le bien fondé des enquêtes ; et c’est une mauvaise chose pour nos armées qui se retrouvent abandonnées, sans soutien de la nation, dans un face à face d’avance perdant pour elles, puisque arma cedant togae. Le seul interlocuteur pour elles, parce qu’il doit rester le seul décisionnaire, c’est la Nation ou ses élus au Parlement.
Sinon, on n’est plus en République.
J.-Ph. Immarigeon
[1] « No bastard ever won a war by dying for his country. He won it by making the other poor dumb bastard die for his country ». 31 mai 1944.
[2] Voir de l’auteur, « La Guerre des Français », Revue Défense Nationale, n° 777 février 2015, (article recommandé par Sciences Humaines, n° 269, 2015/4).
[3] « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort. Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »
[4] Assemblée Nationale, 15ème législature, 25 juillet et 10 octobre 2017, QST-AN-163QE, JORF p. 4829.
[5] « Le Président de la République est le chef des armées. Il donne l’ordre d’engagement des forces nucléaires au chef d’état-major des armées. »
Il faudra que vous m’expliquiez la différence entre chef des armées et commandant en chef. Pour ma part, en français, je ne saisis pas bien la nuance!
J’explique cela tout au long de l’article.