Bilan hebdomadaire n° 79 du 4 janvier 2024 (guerre d’Ukraine)

La ligne de front s’est globalement stabilisée avec des changements minimes, malgré une escalade récente d’échanges de missiles. C’est à l’avantage des Ukrainiens qui ont par ailleurs réussi à couler un nouveau navire russe en Crimée. Déroulé des opérations militaires La question des frappes de missiles
Bilan hebdomadaire n° 79 du 4 janvier 2024 (guerre d’Ukraine)

La ligne de front s’est globalement stabilisée avec des changements minimes, malgré une escalade récente d’échanges de missiles. C’est à l’avantage des Ukrainiens qui ont par ailleurs réussi à couler un nouveau navire russe en Crimée.

Déroulé des opérations militaires

La question des frappes de missiles s’est accentuée cette semaine. Observons que les frappes n’ont pas cessé depuis notre dernier point de situation : Ukraine le 19 décembre, Kiev le 20, Kiev ; Kherson et Zaporijia le 22 décembre, l’Ukraine le 25, etc. Mais à la suite de la destruction d’un navire amphibie russe (le Novotcherkassk) par un missile de longue portée ukrainien (de type SCALP) le 26 décembre, une sorte d’escalade a été observée à l’issue : le 27, une attaque de drones vise Odessa. Dans la nuit du 28 au 29, plusieurs villes ukrainiennes (Kharkiv, Kiev, Lviv, Dniepropetrovsk, Odessa, etc.) sont visées dans ce qui apparaît comme l’attaque aérienne la plus massive depuis le début de la guerre (on parle de 158 missiles et drones). Le 30, l’Ukraine riposte en attaquant la ville de Belgorod. Le 2 janvier, la Russie recommence avec une salve massive (Kiev, Kherson, Kharkiv). Le 3, les villes russes de Belgorod et de Koursk sont à nouveau frappées par les Ukrainiens.

La guerre de communiqués fait rage, chacun accusant l’autre de viser des cibles civiles, chacun prétendant également avoir abattu la majorité des missiles agresseurs grâce à une DCA performante.

Notons que si la flotte russe de la mer Noire paraît fixée dans ses ports ce qui constitue un vrai succès ukrainien, la route commerciale côtière établie par l’Ukraine a été mise à mal, un vraquier ayant été endommagé après avoir heurté une mine le 28 décembre. Il est possible que la Russie augmente sa pression dans ce secteur.

Le reste du front terrestre connaît une accalmie globale.

Front de Kherson. La tête de pont ukrainienne de Krinski s’est réduite depuis trois semaines.

Front sud : Au centre, à hauteur de Robotyne, les Ukrainiens lâchent très progressivement le saillant qu’ils avaient créé à la suite de la contre-offensive. Le retrait semble contrôlé, plus le fait de Kiev que d’une poussée russe. Stabilité sur les autres secteurs.

Front de Donetsk. Les Russes ont légèrement avancé à l’ouest de Marinka, jusqu’à la jonction des deux étangs. Au sud, situation stable à Novomykhailivka. Plus au nord, stabilité à Avdivka. La 47ème brigade ukrainienne tient fermement le nord du dispositif, vers Stepove.

Front de Bakhmout : Ici aussi, peu de modifications : les Russes resserrent légèrement la pression sur Klichkivka au sud. Ils tentent de reprendre le terrain entre la voie ferrée et le canal à hauteur de Kourdyoumivka. Un peu plus loin, ils ont pris Khromove mais ne poussent pas contre Ivanivske. Plus au nord, ils sont dans les lisières de Bogdanivka. Au nord du complexe, très légères progressions russes à hauteur de Spirne. Le village de Vesele est sous pression.

Front de Svatove/Koupiansk. C’est dans le secteur de Kremina que les lignes ont le plus bougé, même si cela reste marginal. Les positions ukrainiennes à l’est de la Zerebets sont de plus en plus étriquées. Au nord, les Russes sont en passe d’atteindre Makivka. Au sud, ils sont à portée des étangs de Torske. Pas de changement significatif dans le secteur de Koupiansk.

Analyse militaire

Les salves massives de missiles et drones russes servent avant tout à disperser la défense sol-air ukrainienne, déjà peu nombreuse et disposant de peu de munitions. Peut-être s’agit-il aussi d’affaiblir le réseau électrique qui avait été visé sans succès l’an dernier.

Les Ukrainiens ont réussi à stabiliser le front. Si le RAPFEU reste à l’avantage des Russes il paraît moins déséquilibré que l’an dernier, revenant à un étiage de 5/1. Dès lors, la séquence paraît globalement à l’avantage des forces de Kiev, même si un peu de terrain a dû être cédé (selon Poulet volant, https://twitter.com/Pouletvolant3/status/1741398618198736935, au cours de la semaine 52, l’Ukraine a cédé 18 km² contre 4 km² qu’elle a gagnés). Alors que j’évoquais un « épuisement » lors du dernier point de situation, les choses paraissent mieux contrôlées. Mais l’on sent également moins de pression de la part des Russes. Certains affirment cependant que les Russes sont en train de procéder à des concentrations de troupes, ce qui signalerait une offensive à venir. L’accalmie actuelle serait le calme avant la tempête. Notons l’hypothèse. Mais il y a peut-être des motifs politiques à ce répit, nous y reviendrons.

Si l’on fait le bilan de l’année 2023 (du 1er janvier au 24 décembre, selon les calculs de Pouletvolant),

  • La Russie a perdu 372 km² mais en a gagné 850 (https://twitter.com/Pouletvolant3/status/1740060978434502858).
  • L’Ukraine a gagné 523 km² mais en a perdu 587 (https://twitter.com/Pouletvolant3/status/1739994537479598403 )
  • Les écarts entre les deux chiffres sont dus aux zones grises entre les lignes de front ukrainiennes et russes, toujours séparées par un no-man ’s-land qui s’est donc réduit sur la période.
  • Ainsi, la Russie a repris environ 500 km², ce qui n’est pas significatif mais démontre, si besoin était encore, l’échec de la contre-offensive ukrainienne de l’été.
  • Notons enfin que l’essentiel des gains russes a eu lieu au cours du dernier trimestre.

La stabilité actuelle doit permettre aux Ukrainiens de s’organiser dans la profondeur et de construire la densification (hommes, équipements, munitions) de leur dispositif. Tant que les Russes ne poussent pas trop, cela devrait être possible.

Analyse politique

Je m’interroge sur les raisons de cette stabilité observée depuis trois semaines. Il me semble qu’elle est liée à la politique intérieure russe. En effet, l’entrée en campagne électorale de V. Poutine constitue un élément important. D’ici mars, son intérêt n’est surtout pas de prendre de risques et de montrer que les choses sont sous contrôle dans la guerre d’Ukraine. Il ne chercherait pas, à court terme, de grande victoire sur le terrain (la guerre d’Ukraine n’est pas un argument de campagne). De petits affrontements avec une minimisation des pertes lui conviendraient. Il a le sentiment que le temps joue pour lui et a d’ailleurs déclaré qu’il n’avait pas besoin d’une grande mobilisation. Cet affichage de prudence expliquerait la baisse de l’offensive observée ces dernières semaines. Il lui suffit de conserver l’initiative.

Pendant ce temps-là, la vie politique kievienne semble s’être apaisée. On a eu ainsi des déclarations coordonnées de MM. Zelensky et Zaloujny en faveur d’une mobilisation générale. De même, moins d’affaires sont rendues publiques. Il est vrai qu’il y a une certaine mauvaise humeur de la population et que la classe politique a compris qu’elle devait mettre ses disputes sous le boisseau pendant quelque temps. Notons d’ailleurs l’échange de prisonniers qui s’est tenu le 4 janvier, signe que les parties continuent de discuter en sous-main.

Enfin, d’une façon générale, la question ukrainienne revient au centre des préoccupations, au moins en Europe.

A l’international, le soutien américain continue de s’estomper ainsi qu’en témoigne un article du New York Times de cette semaine appelant sans fard à des négociations. Or, M. Zelensky a déclaré fin décembre qu’il en était hors de question. Quant à V. Poutine, il continue d’affirmer les objectifs de démilitarisation et de dénazification, dont on ne voit pas très bien à quoi ils correspondent mais qui ne suggèrent pas une grande volonté de négocier.

Les optimistes diront que la relative accalmie observée est le signe que quelque chose se passe sur le terrain des discussions : mentionnons ici l’hypothèse. De toute façon, si négociations il y a, elles se déroulent en coulisses et nous n’en savons rien. Qu’il y ait des discussions est probable : que cela soit une vraie négociation reste difficile à dire.

Nous garderons donc notre scepticisme de bonne méthode.

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