Normalement, un président dans les deux dernières années de son mandat est surnommé « canard boiteux » : ce surnom caractérise une situation politique où le sortant n’a plus d’influence puisqu’il ne se représente pas et que la vie politique va s’organiser sans lui. Barack Obama a décidé de contredire cette vision. Ainsi, alors que les élections de mi-mandat ont été considérées comme un désaveu de sa politique, que chacun s’attendait à ce qu’il soit bloqué par le Congrès, voici qu’il ne cesse se prendre des initiatives. Ce fut tout d’abord pour prendre une décision assez audacieuse en matière d’immigration. C’est aujourd’hui ce très grand pas en avant que consiste la reprise du dialogue avec Cuba. (cliquez pour lire la suite)
Certes, il y a encore des difficultés sur le chemin, la première d’entre elle étant la question de l’embargo. Pourtant, l’essentiel n’est pas là. En brisant le tabou de l’inefficacité de l’embargo et de la rupture, il a dit tout haut ce que chacun savait : cette politique d’isolement ne fonctionne pas. Au passage, cela devrait amener certains à méditer qui chantent sur tous les tons les bienfaits des sanctions … Du coup, l’annonce d’aujourd’hui est une décision irréversible puisqu’il va falloir désormais trouver les voies et moyens des relations pratiques, tout d’abord économiques. Cuba peut en effet constituer un très bon relais : situé au débouché du canal de Panama, situé juste à côté du continent (de l’autre côté du détroit de Floride), n’étant pas un État aussi dangereux que le Mexique, il présente bien des avantages.
Du côté de Cuba, plusieurs facteurs plaidaient pour une évolution. Fidel Castro n’est plus aux commandes, tout d’abord, il n’a donc pas à se déjuger par rapport à sa politique du passé. Voici un effet de l’âge : la rupture de la révolution d’il y a plus de cinquante ans appartient à l’histoire et il n’y a quasiment plus de témoins directs, que ce soit sur l’île ou dans l’immigration installée aux États-Unis : d’une certaine façon, la charge émotive des premiers temps s’est estompée. Surtout, le système cubain est à bout de souffle, malgré les timides initiatives prises depuis une dizaine d’années. Mais après avoir perdu le parrain soviétique, voici que le parrain vénézuélien était lui aussi à bout de souffle. Il n’était que temps de changer de pied. Il est probable que cela aura un effet de retour sur le Venezuela, qui a du mal à survivre à Chavez et qui est gravement handicapé par la chute du pétrole (sans même parler des gros défauts internes du bolivarisme).
Ainsi, alors que l’Amérique Latine connaissait depuis une décennie un moment anti-américain, ce brusque changement cubain devrait permettre des relations différentes, y compris avec les États-Unis. Dans ce cadre des Amérique, il y aura aussi des effets, impossibles à mesure aujourd’hui.
En fait, un mur de Berlin vient de tomber, brusquement, sans signes préalables. Alors que l’année 2014 avait été marquée par une succession de chocs stratégiques (l’Ukraine, l’apparition du GEI, la brutale chute des cours du pétrole, l’attentat de Peshawar), voici un autre choc que l’on pressent positif, celui-là : il s’agit bien d’un cadeau de Noël. Cela ne signifiera pas que tout sera rose immédiatement (d’une certaine façon, l’Europe est encore en train de digérer les conséquences de la chute du mur de Berlin) mais à coup sûr, un nouveau cycle vient brusquement de débuter.
JDOK
Je vous trouve bien optimisme ! Puissiez-vous avoir raison ! Mais j’en doute fort.