Pour Riyad, l’Iran est un ennemi bien commode

Il ne faut pas sur interpréter l’antagonisme entre Ryad et Téhéran.

Pour Riyad, l’exécution de Nimr al-Nimr est logique. Tout le monde ne voit que l’opposition à l’Iran, supposée constitutive de l’identité saoudienne ; peu remarquent que sur 47 exécutions, 46 ont concerné des jihadistes, pour la plupart liés à al Qaida.

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Le message est d’abord interne, à destination de la population du royaume, tandis que la guerre au Yémen piétine et que l’économie patine (baisse du prix du pétrole, budget en déficit, augmentation des prix). Il s’agit d’abord de rassembler chez soi en utilisant une technique antique, celle de la mobilisation contre un ennemi extérieur.

Cet ennemi est en premier lieu l’État Islamique, le royaume ne s’y trompe pas. Ainsi, de nombreux commentateurs notent la communauté idéologique entre l’islamisme révolutionnaire en cours à Rakka ou Mossoul et le wahhabisme fondateur (avant d’être fondamentaliste) à Riyad. Rares en revanchent ceux qui interrogent l’inimitié entre l’EI et l’Arabie Saoudite, par-delà ces convergences idéologiques. Or, l’EI ne cesse de dénoncer violemment l’Arabie, à ses yeux pouvoir usurpateur des lieux saint de l’Islam et qui a l’immense tort d’être allié aux mécréants et infidèles. Pour Riyad, l’EI peut être utile ailleurs, en Syrie ou en Irak, mais certainement pas sur son propre sol, surtout quand les difficultés intérieures se font jour. Or, les attentats de l’EI se multiplient au royaume des Saoud tandis que l’EI ne cesse de fulminer contre l’Arabie, plus encore depuis qu’il connaît des revers en Irak et en Syrie.

Car l’Ei est en train de changer de stratégie : alors qu’il avait choisi le localisme (le califat dans un seul pays), voici qu’il opte pour une extension de la lutte à des franchises voisines. Là où il tirait sa force de la concentration du virus, il espère désormais protection dans la dispersion et la contamination.

Riyad, fragilisée, entend donc réagir à cette menace directe à son unité. Afficher son désagrément en cours avec l’Iran est de ce point de vue fort utile : mobilisant l’attention vers un « ennemi désigné », il forge à peu de frais une cohésion nationale tout en sachant que les risques de guerre directe sont bien faibles. L’Iran est aujourd’hui un acteur largement prévisible avec lequel il est facile de calculer, d’autant qu’il cherche d’abord la stabilité. Surtout, en mobilisant les alliés (ceux du Golfe et d’Afrique), l’Arabie Saoudite teste politiquement la coalition contre le terrorisme qu’elle a rassemblée en décembre.

Décidément, pour Riyad, l’Iran est un ennemi bien utile comparé au vrai ennemi existentiel que demeure l’EI.

JDOK

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