Ce texte d’un de nos chercheurs associés, Thomas Flichy de La Neuville, nous a semblé parfaitement pertinent pour comprendre, qui sait, l’air du temps. Auguste, premier empereur qui n’accepta pas le titre, tyran mais constructeur d’empire… Un modèle ? JDOK
Applaudissez, la pièce est jouée. Tels auraient été les derniers mots prononcés par l’Empereur Auguste avant de succomber à une figue empoisonnée. Cet homme énigmatique qui avait prit un soin jaloux à ne jamais définir le régime nouveau qu’il instaurait fut décrit a posteriori par Julien l’Apostat comme un « caméléon changeant de couleur, tour à tour pâle, rouge, noir, et puis après charmant comme Vénus ».
Fils de banquier, Octave-Auguste avait été introduit progressivement par César sur la scène publique. Il apparut chevauchant à ses côtés lors de son triomphe pour ses victoires en Afrique le 15 juillet 46. Mais à cette époque, personne ne le prenait encore véritablement au sérieux. Auguste en profita pour gagner la confiance de certains partisans de César, qui pour la plupart ne voyaient en lui qu’un jeune héritier fragile et facile à manipuler. Sans doute ignoraient ils qu’Auguste avait l’art de se rendre maître des foules : lors des festivités marquant la mort de César, Auguste parvint à se servir habilement de l’apparition d’une comète, pour faire croire au peuple qu’il s’agissait de la manifestation de l’âme de César rejoignant le domaine des dieux avant de le désigner pour héritier.
C’est ainsi que cet éternel trentenaire prit le pouvoir pour ne jamais le rendre. Il se prétendit ami de la concorde, faisant bâtir à grand frais le temple de la paix de 13 à 9 avant J-C, pourtant, jamais homme ne se livra davantage à la guerre. Sous son règne, l’état d’urgence permanent fut instauré. Auguste, prétendit rendre la liberté à la république pour mieux vider ses institutions de leur substance. Dans une Rome profondément divisée entre Optimates et Populares, Auguste, instaura une dictature déguisée au cours de laquelle la plupart des citoyens furent dupés.
Aussi n’est-il pas inutile de rappeler un mot de Montesquieu à son égard : pendant que sous Auguste, la tyrannie se fortifiait, on ne parlait que de liberté.
Thomas Flichy de La Neuville
Professeur à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr
une analyse pertinente en ces temps particuliers
Comparaison n’est pas raison, mais il est vrai que cette connaissance de nos classiques (la politique à Athènes et à Rome) permet de sortir de l’immédiat et du sensationnel, fait trop courant de nos journalistes, et permet de comprendre les logiques du pouvoir, de sa conquête, de sa conservation. C’est un joli texte, et si l’on enseigne (encore) cela à Saint-Cyr, j’en suis très heureux.
Lisez un certain de Gaulle, dans ses courts écrits (comme Le Fil de l’épée, ou les articles de circonstance) vous retrouvez cet art de la distance intelligente, qu’on enseignait (qu’on enseigne ?) à l’Ecole de guerre. Lisez notamment les portraits comparés du Politique et du Militaire (Fil de l’épée) et vous avez toute la démocratie…
Bravo à l’auteur.