Un chef s’en va, un autre lui succède.
Tous ont un sens élevé de la responsabilité qui est loyauté, expertise et engagement personnel au service de la mission et de ceux qui l’exécutent avec les risques que l’on sait.
C’est leur devoir de dire leur vérité, celle de leur niveau, à la représentation nationale déléguée par le peuple souverain et au chef des armées qui l’incarne.
C’est la dignité incessible de leur tâche. A défaut, ils seraient parjures.
C’est peut être le moment de citer ici le jeune lieutenant-colonel Foch, ce qui vaut d’ailleurs mieux que le paraphraser dans les Principes de la guerre (1903). Et de rappeler cet éloge qu’il faisait de la discipline intellectuelle, celle qui ne perd jamais de vue la finalité et sollicite l’engagement intellectuel total non pour spéculer mais pour conduire l’action vers l’objectif principal, en sûreté.
La défense du pays est le cœur de la légitimité de l’État et le chef militaire désigné n’a de légitimité qu’expert et loyal. Voilà ce que dit le futur généralissime Foch de la discipline.
Discipline intellectuelle, première condition, montrant et imposant à tous les subordonnés le résultat visé par le supérieur. Discipline intelligente et active, ou plutôt initiative, deuxième condition, pour conserver le droit d’agir dans le sens voulu. … Là doit se placer la notion supérieure de l’esprit militaire, qui fait appel au caractère, bien entendu, mais aussi, comme le dit le mot, à l’esprit, qui comporte par suite un acte de la pensée, de la réflexion, et repousse l’immobilité de l’intelligence … C’est de l’idée de liberté à sauvegarder de prime abord que nous devons constamment nous inspirer, si nous voulons, à la fin d’une opération, à plus forte raison d’une série d’opération, nous trouver libres, c’est-à-dire vainqueurs, et non dominés, c’est-à-dire vaincus.
Et aussi, cette vision dynamique d’une discipline qui n’est pas révérence mais action.
Être discipliné, ne veut pas dire en effet qu’on ne commet pas de faute contre la discipline ; qu’on ne commet pas de désordre ; cette définition pourrait suffire à l’homme de troupe peut-être, elle est absolument insuffisante pour un chef placé à un échelon quelconque de la hiérarchie, à plus forte raison pour ceux qui tiennent les premiers rangs.
Être discipliné ne veut pas dire davantage qu’on exécute les ordres reçus seulement dans la mesure qui paraît convenable, juste, rationnelle, ou possible, mais bien qu’on entre franchement dans la pensée, dans les vues du chef qui a ordonné, et qu’on prend tous les moyens humainement praticables pour lui donner satisfaction.
Être discipliné ne veut pas dire encore se taire, s’abstenir, ou ne faire que ce que l’on croit pouvoir entreprendre sans se compromettre, l’art d’éviter les responsabilités, mais bien AGIR dans le sens des ordres reçus, et pour cela trouver dans son esprit, par la recherche, par la réflexion, la possibilité de réaliser ces ordres ; dans son caractère, l’énergie d’assurer les risques qu’en comporte l’exécution.
En haut lieu, discipline égale donc activité de l’esprit, mise en œuvre du caractère. La paresse de l’esprit mène à l’indiscipline comme l’insubordination.
JDOK