En cette fin de l’été, l’attention est monopolisée par la pression nucléaire nord-coréenne (et en arrière-plan la requête iranienne) dont l’interlocuteur principal est les États-Unis, première puissance nucléaire du monde. Mais au début de cet été, on se souvient de la démission du CEMA sur fonds de controverse budgétaire liée, entre autres, à la perspective d’investissements soutenus dus au renouvellement de notre panoplie nucléaire stratégique.
N’oublions jamais que la question nucléaire reste passionnelle et que d’Hiroshima à Fukushima en passant par Tchernobyl, elle mobilise autant les sciences que les consciences.
D’où vient donc la réticence voire l’hostilité générale à l’exploitation de l’atome ? La réponse est bien identifiée : à sa première utilisation qui a été militaire et dramatique.
L’usage militaire de l’atome résulte en fait de la grande aventure scientifique des années 1920 qui a été mise au service des nécessités militaires des années 1945. Les bombes atomiques lancées alors sur le Japon ont révélé la puissance sans pareille de l’énergie nucléaire déchaînée mais l’ont aussi définitivement marquée du sceau de l’inhumanité. La bombe atomique offre en effet une combinaison de puissance et d’effets létaux durables jamais rencontrée avec un autre explosif. Comme aucun bouclier ne permet d’être à l’abri de ses effets, aucune guerre fondée sur un échange de coups nucléaires n’était dès lors plus gagnable de façon utile. Ainsi après 1945, l’émergence de la bombe atomique a contribué à désactiver progressivement la guerre telle qu’on la pratiquait avant. Si les vainqueurs de 1945 ont rendu la guerre illégale avec la Charte de l’ONU, la bombe atomique l’a rendue ingagnable et les pays qui la possèdent intouchables.
La dynamique de la dissuasion nucléaire stratégique s’est développée progressivement sur cette base à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour s’établir au cœur de l’équation stratégique de la Guerre froide. Puis elle s’est pervertie dans le monde en crise qui a succédé à l’équilibre bipolaire de la terreur. Comme le cyclone Irma, il y eut une montée en puissance dès 1945, un plein régime dans les années 1960 et une lente décroissance depuis 1990. Nous atteignons aujourd’hui ce moment de décroissance progressive et d’émiettement probable.
Mais l’armement nucléaire stratégique reste encore un instrument d’invulnérabilité pour Pyongyang dont le régime qui se sent menacé cherche à se sanctuariser. Pour Paris qui est prêt à payer cher pour le conserver, il est devenu un indicateur de son rang autant que le soubassement de sa sécurité.
C’est donc un bon moment pour La Vigie pour aborder trois questions sensibles, trois questions de fond : qu’est la dissuasion nucléaire stratégique devenue ? Que signifie l’obstination de la Corée du Nord à se doter d’un arsenal nucléaire stratégique ? N’est-il pas temps pour la France d’apprendre à se passer du nucléaire ? Examinons-les succinctement.
Qu’est la dissuasion nucléaire stratégique devenue après la guerre froide ? Disons-le simplement en allant tout droit à la conclusion : elle a perdu une partie de sa pertinence pour réguler l’actuel monde polycentré dans lequel les États ne sont plus les seuls entrepreneurs de guerres. Mais son ombre portée sur l’état d’organisation d’un monde en crise conserve un effet assez positif sur la mondialisation heurtée qui a remplacé la bipolarité d’hier. Voyons tout cela étape par étape.
Au cœur de la guerre, il y a toujours eu une lutte pour la liberté d’action : garantir la sienne, réduire au plus celle de l’adversaire et, en toutes circonstances, garder l’initiative pour servir au mieux ses intérêts. C’est la base de la stratégie, hier comme aujourd’hui, même si les technologies ne cessent de renouveler les tactiques du combat.
Mais décourager le rival d’agir, faire caler le compétiteur devant la compétition, dissuader l’adversaire de rechercher la victoire, faire douter l’ennemi de sa capacité à l’emporter, le faire renoncer, c’est, selon le vieux maître chinois, la marque du grand stratège. C’est appliquer méthodiquement le premier principe de la guerre, celui précisément qui fait de la liberté d’action la clé de l’autorité stratégique et de la capacité à peser suffisamment sur la volonté de l’ennemi pour l’en priver. Telle est la dynamique de la dissuasion, discipline aussi vieille que l’homme. Ainsi se pratique aussi aujourd’hui l’intimidation, affrontement délibéré de la volonté adverse visant à le neutraliser.
Pour atteindre cette fin stratégique avantageuse de rendre le combat inutile, pour installer la suprématie sans bataille et imposer sa volonté sans détruire d’utiles richesses, il faut des circonstances favorables que l’on peut s’attacher à réunir avec méthode ; on peut tenter de les développer par des tactiques directes de défi et de confrontation, celles du jeu d’échec, ou par des tactiques indirectes de l’étouffement et de l’enfouissement du jeu de go. Voilà bien le « grand jeu ».
Pour le gagner, il faut dégager un champ minimal de causalités décisives. Dans tous les cas, il faut au moins une scène commune et un dialogue entre compétiteurs ou adversaires, un dialogue à la rationalité suffisante pour que ses épisodes successifs permettent une dialectique utile, avec des règles du jeu simples conduisant à un comportement suffisamment prévisible des acteurs engagés. Les messages que s’envoient alors les rivaux utilisent des signaux codés pour scander ce jeu stratégique complexe qui forme le socle de la dissuasion. Et ces signaux jouent un rôle central dans la dialectique des volontés opposées, en offrant autant de jalons pour marquer la résolution et la capacité des acteurs. La dissuasion passe de fait par cet échange de signaux codés plus ou moins publics qui rendent, par l’évocation convaincante de ses effets inacceptables, la perspective de destructions assez présente pour les conserver virtuelles et les rendre inutiles. On le sait aussi bien à Pyongyang qu’à Washington.
C’est cette puissante mécanique de la dissuasion stratégique qui a eu hier pour effet décisif de neutraliser la bataille directe entre les Grands pendant la Guerre froide. Elle a montré le rôle central joué par l’arme nucléaire dans ce gel progressif du combat qui est allé jusqu’à rendre la guerre impossible entre l’Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie. On a appelé cela bien à tort la non-guerre alors que c’était une guerre mais sans combats directs.
Malgré d’évidentes lacunes, cet ordre nucléaire stratégique partiel, combiné à la mondialisation des marchés et à une structure de contrôle de l’énergie atomique, l’AIEA à Vienne, a canalisé les tensions, notamment entre Grands, et procuré une certaine stabilité stratégique. L’ombre portée par l’arme nucléaire a contribué à la sécurité. Qui peut le nier !
L’équilibre de la terreur s’est déréglé après la guerre froide. A commencé en effet alors le temps des crises permanentes avec l’enclenchement d’une dérive combinant les effets de l’éradication par l’atome de la guerre interétatique avec la quête d’invulnérabilité de puissances agressives à la recherche de sanctuarisation nucléaire. Ce cercle vicieux stratégique enclenché à la fin de l’ère de bipolarité stratégique s’est petit à petit amplifié par les limites de la lutte contre la prolifération nucléaire et a débouché sur le contournement de la force dissuasive par l’irruption du terrorisme stratégique en 2001.
On découvrait que l’ordre nucléaire stratégique qui avait permis à la guerre froide de se conclure sans bataille rangée n’avait pas éliminé pas les causes d’affrontement et de conflit militaire, spécialement là où les États sont fragiles et instables, là où les richesses sont convoitées et les populations en mal de développement. Il avait seulement permis d’en geler le déclenchement là où une puissance nucléaire légitime faisait peser le poids de ses intérêts ou de l’ordre géostratégique qu’il assumait.
On comprenait aussi que la légitimité politique conférée aux cinq « États dotés » (par la définition qu’en fait le TNP) était fragilisée par la tolérance de trois puissances nucléaires de facto et vivement contestée par des puissances régionales naissantes comme l’Iran et la Corée du Nord. Ces deux États qualifiés de « voyous » prétendaient acquérir leur autonomie stratégique malgré la pression internationale qui avait posé que la prolifération nucléaire était une atteinte à la paix et à la sécurité internationale, et donc relevait de la légitime défense collective que prévoyait la Charte de l’ONU.
Une fois ceci posé et rappelé, peut-on éliminer aujourd’hui les armes nucléaires ? Car c’est ce que proposait hier le président Obama et ce que demandent aujourd’hui les promoteurs du Global Zero. Peut-on remplacer sans risques l’ordre imparfait du nucléaire par un système équivalent qui continue à dissuader la guerre ?
Cette question légitime mérite un examen soigné. On doute mais argumentons.
- On ne voit pas vraiment quelles autorités de régulation auraient une supériorité militaire suffisamment intimidante pour geler tous les projets impériaux à l’échelle d’une zone, d’une région et de la planète.
- Un ordre mondial ou à défaut régional, exigerait des procédures de persuasion, de mise en demeure, de sanctions, de semonce et de décapitation des récalcitrants à laquelle devrait consentir la société internationale … Y est-on prêt ?
- Des tâches d’intimidation menées au nom d’une police internationale devraient être déléguées à des États érigés en puissances centrales, à l’autorité exorbitante du droit international. Pour les puissances émergentes, ce serait dès lors un défi inacceptable.
- Faudrait-il relancer une course aux armements conventionnels pour que l’autorité stratégique de ces États policiers soit incontestée ? Faudrait-il remplacer la menace de la peste d’une riposte nucléaire par celle du choléra d’une intervention conventionnelle préventive ou punitive high tech ? Aurait-elle d’ailleurs les mêmes effets dissuasifs ? Une telle option dessinerait un nouvel ordre impérial inacceptable.
- Ne vaut-il pas mieux dès lors laisser au perturbateur étatique -s’il est assez fou pour s’en prendre aux intérêts d’une puissance établie-, au perturbateur infra ou transétatique -s’il avance masqué-, l’incertitude sur les armes qu’il devra subir et le soin d’en peser les risques ?
Alors que faire de cette posture dissuasive conçue pour un autre temps ? Héritage embarrassant, infrastructure moralement discutable, pis-aller, cette réalité nucléaire régulatrice, qui fut objectivement utile aux équilibres entre les Grands d’hier, entre eux et ceux qui émergent est aujourd’hui une source d’incertitude salutaire pour dictateurs agressifs.
Car la dialectique des volontés met désormais aux prises les pays développés d’hier avec des puissances qui s’éveillent et des intérêts transversaux qui émergent. Entre eux les canaux de rivalité se multiplient tout comme les objets d’un dialogue stratégique critique. La diversification des indicateurs de la puissance et des espaces de vulnérabilité a profondément modifié les modes de la dissuasion et les signaux qui les révèlent. Et la gamme des terrains de frictions et des modes de résolution des conflits s’est ouverte au point qu’une approche globale des modalités d’exercice de la dissuasion requiert aujourd’hui un champ complet d’études interdisciplinaires mêlant la science politique, le droit, la sociologie et l’économie aux sciences et techniques de l’ingénieur.
Reste en effet cette embarrassante question de la prolifération nucléaire.
Faut-il faire la guerre pour mieux l’interdire, pour en bloquer le processus préventivement ? Mais n’est-ce pas d’abord le message qu’elle délivre qui est préoccupant plus que la façon dont elle se développe, qui peut toujours être détectée, ralentie, contrée. N’y a-t-il pas déjà des quasi puissances nucléaires, « virtuelles », dont l’expertise technologique atomique constitue un excellent bouclier dissuasif ? Cette posture « au seuil du nucléaire » ne vaudra-t-elle pas toujours mieux pour un État qui se sent menacé, que des garanties de sécurité données par d’autres ou des zones exemptes d’armes nucléaires.
Lutter contre la prolifération, ce n’est pas seulement contrer un projet par la force (bombardement) ou la ruse (Stuxnet), c’est aussi rendre le projet inutile, relatif et secondaire. C’est donc entretenir un canal d’intérêts communs puissants entre compétiteurs auquel la mondialisation peut pourvoir plus que jamais aujourd’hui.
L’ombre militaire portée par l’arme nucléaire des États légitimes doit donc rester forte et l’incertitude subsister, car elle fonde la dialectique dissuasive. Nul ne peut dénier le pouvoir inhibiteur de l’arme nucléaire sur les volontés prédatrices ni d’ailleurs l’évaluer correctement.
Pourquoi devrait-on alors s’en défaire ? Puisqu’on ne sait pas comment la remplacer ni qui devrait exercer ce pouvoir régulateur ? Comme porter cet outil décisif au crédit d’une gouvernance globale ? Et au nom de quelle communauté (cf. LV 77) ? N’est-il pas dès lors plus prudent de la conserver a minima ? Car en point de mire, il y a cette mondialisation en cours qui voit de multiples acteurs se heurter les uns aux autres pour une prospérité durable qui ne saurait être réservée à quelques-uns et pour un partage plus équitable des ressources qu’aucun pôle de la planète ne pourra dissuader son rival de rechercher.
Le statu quo nucléaire stratégique est une puissante requête de sagesse collective. Il reste jusqu’à nouvel ordre l’option la plus raisonnable pour la régulation des tensions entre États, dotés ou non. Même si l’état de détresse d’hier s’est estompé, le château de carte des équilibres internationaux reste bien trop fragile pour en changer imprudemment la donne.
Mais on aborde sans doute là une nouvelle phase de la dissuasion dont le bellicisme nord-coréen, (comme la constante requête iranienne) et le renouvellement de la panoplie française tracent les contours contrastés.
Une fois tout ceci explicité, il devient plus aisé d’aborder les deux autres questions de ce billet qui décrit le bruit de fond nucléaire actuel.
Pourquoi donc cette addiction nord-coréenne à l’arsenal nucléaire stratégique ? Le bellicisme nord-coréen et la mise en scène tonitruante de ses essais (et non test, vocable anglais) balistiques et nucléaires semblerait une incongruité si l’on ignorait deux facteurs clés : la signalétique de la dissuasion que l’on a rappelée ci-dessus et la fragilité ressentie du régime de Pyongyang. Car on sait l’attractivité d’un arsenal nucléaire stratégique qui sanctuarise par l’invulnérabilité qu’il procure aux États dont les régimes sont fragiles. Ils deviennent alors intouchables.
C’est bien le cas de la Corée du Nord dont le modèle politique est singulier, mélange de maoïsme rétrograde et de bellicisme provocateur (cf. LV 69 Des Corées).
Et c’est précisément cette fragilité intrinsèque qui est ressentie à Pyongyang qui se sait menacé notamment par les révolutions de couleur qui ont voulu changer les régimes des pays héritiers des impérialismes idéologiques d’hier ; ce fut souvent le cas de Cuba au Chili, de la Géorgie à l’Ukraine. Et il n’en a pas fallu plus pour créer à Pyongyang ce besoin de sanctuarisation agressive que l’on observe aujourd’hui. C’est cela qui a alerté la conscience internationale et déclenché les menaces américaines.
Point besoin d’objecter que Pyongyang est légalement sorti du TNP pour gagner un autre club, celui des États nucléaires de facto, Israël, Pakistan et Inde dont s’accommodent les États-Unis et les membres du P5 +1. Pas besoin non plus de signaler que les États dotés se sont affranchis de l’obligation qu’ils ont contractée par le TNP de conduire leur décroissance nucléaire jusqu’au désarmement. Encore moins de rappeler que Moscou et Pékin, héritiers des temps soviétiques et maoïstes, « dotés légitimement », ne sont pas fâchés de voir les États-Unis et leurs assesseurs européens embarrassés par la ferme contestation d’une gouvernance occidentale de l’atome.
Faut-il craindre une guerre nucléaire ? Les démonstrations nord-coréennes sont à regarder de près. Elles s’apparentent pour l’instant clairement à la constitution d’un arsenal expérimental à valeur démonstrative. Nul besoin pour l’instant sans doute de tenir une posture nucléaire permanente ni de constituer un vrai stock d’armes miniaturisées embarquables sur des missiles. La Chine qui a moins d’armes nucléaires que la France a procédé ainsi et continue sans doute dans cette direction. L’effet produit est suffisant pour être intouchable. (cf. billet Corée du Nord-US : bluff nucléaire du 17 août)
Alors pas d’échange de coups nucléaires tant que prévaut la rationalité qui est bien la marque de l’entrée en possession de l’atout nucléaire. Le nucléaire ne rend pas fou celui qui le maîtrise. Bien au contraire de ce qu’en relatent les médias aux exigences émotionnelles, il a tendance à l’assagir et à le conduire à spéculer sur la valeur politique plus que militaire de son investissement. Restent les risques de la fausse manœuvre collective ou de la provocation perverse d’un tiers. Toujours possibles mais peu probables. Incertitude salutaire….
La France peut-elle se passer du nucléaire ? Peut-elle renoncer à la bombe ? C’est le troisième thème de ce billet. A cette première question claire, réponse en fait assez simple mais qu’il faut argumenter soigneusement en revenant en arrière.
D’où vient donc cette passion française pour l’atome ? On le sait : de la combinaison d’une brillante recherche scientifique et d’un besoin aigu d’autonomie stratégique.
Nous sommes en effet les héritiers gâtés de l’ère atomique de la guerre froide ; l’électronucléaire comme le nucléaire militaire font partie de l’excellence scientifique et technique de la France. Sauf à considérer que l’atome est intrinsèquement pervers, il est légitime pour la France de s’efforcer d’en libérer les considérables forces de liaison interne pour en tirer parti, un parti pacifique s’entend, pour contribuer à son développement et à celui de la planète. Mais aussi de s’en servir pour garantir sa sécurité. Traumatisée par son effondrement de 1940 et avertie par le lâchage de ses alliés lors de la crise de Suez en 1956, elle se constitua une force de frappe atomique indépendante qui fut opérationnelle à la fin des années 1960. Mais elle était aussi attachée à sa liberté d’action et soucieuse de son rang au sein du conseil de sécurité des Nations unis.
Pourquoi devrait-elle renoncer à la bombe aujourd’hui ? Pour complaire à l’Allemagne qui a renoncé à toute forme d’utilisation de l’atome y compris électrogène et s’est abonnée à la dissuasion nucléaire stratégique de l’Alliance atlantique ? Pour se placer sous parapluie américain ? Pour faire des économies ? Pour montrer notre vertu politique et déclencher un mouvement de désarmement généralisé par l’exemple donné ? Que sais-je ?
Une fois l’investissement initial amorti et la juste suffisance atteinte, il nous faut simplement entretenir la posture et garantir la frappe en second qui doit être imparable. C’est aujourd’hui le cas et nul ne peut douter de la capacité technique et de l’aptitude opérationnelle des forces nucléaires stratégiques de la France.
Y a-t-il urgence à régénérer le parc ? Certes l’optimisation de la chaine industrielle du nucléaire militaire incite à commencer en 2018 l’effort de réalisation de la 3ème génération de nos forces nucléaires. Mais la précarité stratégique de la France aux plans socio-économique et sécuritaire requiert d’optimiser d’abord la relance de la France dans ces domaines clés. Commençons donc par viabiliser la France avant de rénover son arsenal dissuasif auquel il n’y a aucune raison sérieuse de renoncer dans le monde d’incertitude que nous connaissons.
Votre conclusion est un peu rapide; elle fait bon marché des restrictions budgétaires successives que les armées ont dû accepter qui ont rendu impossible la construction d’un deuxième porte-avions et maintiennent nos armées à servir un matériel très souvent vétuste et mal entretenu. Le renouvellement de notre système nucléaire sera de toutes manières différé par les budgets octroyés, même si on ne reporte pas la décision de la financer, avec la conséquence habituelle de rendre les réalisations plus onéreuses du fait de l’allongement du temps de construction. Le succès dans la réalisation de la première génération est en partie dû au fait que jamais un échéancier n’a été différé faute de crédits. J’AVAIS EN SON TEMPS CALCULÉ LE SURCOÛT I MPoSÉ PAR LES LENTEURS DE LA CONSTRUCTION DU PA; C’ÉTAIT DE L’ORDRE DU TIERS. Je crains que la décision de reculer le renouvellement de notre outil nucléaire serve essentiellement à compenser les insuffisances de crédits pour les programmes décidés, à financer les opérations extérieures et à nourrir les suppressions de fin d’année surtout lorsque l’inévitable remontée des taux d’intérêt redeviendra la première dépense de l’Etat rendant obsolètes toutes les lois de programmation. En revanche, comme vous le dites, le report ne changera pas grand chose à l’efficacité de notre posture ni dans la théorie de la dissuasion mis à part que les hommes qui servent cet armement risquent de perdre de l’enthousiasme et de la foi dans leur utilité. Cependant la hausse du taux d’intérêt fera que lorsqu’elle interviendra, comme à l’habitude, le budget de la défense deviendra la variable budgétaire d’ajustement et sera automatiquement différée la réalisation en cours des matériels à rajeunir que vous envisagez très logiquement de décider plus tard. Mais je pense au contraire que les armées devraient profiter des taux d’intérêt actuels pour obtenir le plus de crédits possibles, ce qui était sans doute dans la tête du CEMA lorsqu’il s’est ouvert devant la commission parlementaire des graves insuffisances actuelles dans l’entretien et le renouvellement de nos matériels.Il faut comprendre en outre que dans l’esprit de nos dirigeants politiques, la dissuasion ne peut être traitée à la légère.