Merci à Martine Cuttier, fidèle de La Vigie, de nous proposer à nouveau une fiche de lecture sur un livre qui vaut le détour, ne serait-ce que par son auteur : le nouveau CEMA. Cette lecture par une civile, enseignant à l’université, mérite (comme toujours) intérêt. JDOK
Nommé chef d’état-major des armées dans les circonstances particulières de la démission du général Pierre de Villiers, le général François Lecointre a mis en avant la nécessité d’écrire. Plus que jamais écrire et lire sont encouragés par l’institution jusqu’au plus haut niveau hiérarchique.
Lorsqu’il commandait les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, le général Eric Bonnemaison créa le festival international du livre militaire : FILM qui se déroule…. (cliquez pour lire la suite)en juillet, au moment du Triomphe. Il le fit afin d’inciter les élèves officiers à faire montre d’un peu de culture lors des épreuves orales en vue de l’obtention du diplôme. Le général Lecointre considère que lire est indispensable à tout cadre militaire et aux officiers amenés à tenir des postes à responsabilité dans la sphère politico-militaire et des postes de conception en état-major. Il ajoute la nécessité d’écrire. Ecrire certes mais à condition de ne pas critiquer l’institution et la politique de défense, devoir de réserve oblige, et s’ils le faisaient, ils iraient à l’encontre de leur statut[1]. Le général Vincent Desportes qui, en son temps, osa critiquer la politique américaine en Afghanistan sur laquelle la France s’alignait fut à l’origine d’un débat fameux sur la liberté d’expression, trois mois avant son départ (prévu) à la retraite.
Le général Lecointre est rompu à l’exercice car il fut l’un des fondateurs d’Inflexions, la revue de réflexion de l’armée de Terre, en tant que membre de son comité de rédaction. Elle fut créée en 2005 dans un contexte de rupture avec celui de la Guerre froide et de suspension du service national au profit d’une armée professionnelle. Elle est devenue la boîte à idées de l’armée de Terre afin de renouveler la réflexion et de ne pas cantonner l’armée professionnelle dans le seul « cœur du métier ».
Immédiatement, deux questions se posent au lecteur. Alors pourquoi les militaires sont-ils si peu présents dans l’élaboration des deux derniers Livres blancs y compris celle de la revue stratégique de 2017 ? Et pourquoi restent-ils cantonnés dans le « cœur du métier » ? La substitution des officiers généraux par de hauts fonctionnaires civils, issus de l’ENA pour occuper des directions du ministère : SGA, DAF, DGRIS, DGSE, DICOD, SHD, musée de l’Air et de l’Espace… et des postes interministériels à vocation stratégique, le prouve. Or les militaires n’ont jamais autant écrit, reçu des prix, préfacé, dirigé des collections chez les éditeurs, enseigné dans des structures civiles comme Sciences po jusqu’à intervenir dans les médias. Pour ceux d’active, à condition de respecter le devoir de réserve.
L’ouvrage, introduit par le professeur Jean-Pierre Rioux, présente 24 textes extraits de la revue, regroupés en trois grandes parties portant sur le « soldat », le « combat » et le « retour ». Les 17 auteurs sont des militaires : officiers supérieurs et officiers généraux d’active, en retraite[2] ou de 2e section mais aussi des civils : professeurs d’université ou à Saint-Cyr.
Au sein de ces parties, les textes plongent le lecteur dans les grands thèmes de la spécificité militaire : la formation physique, la bravoure, le courage et les forces morales, le sens des commémorations et des décorations, l’obéissance aux ordres, l’autorité mais aussi une réflexion sur l’ennemi, la mort, le statut du soldat dans la société du XXIe siècle…
Un livre qui pour le néophyte peut constituer une première approche du monde militaire.
François Lecointre, Le soldat, XXe-XXIe siècle (lien), Gallimard, folio histoire, décembre 2017, 443 p.
Martine Cuttier
[1]Article 3 de la loi n°2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, JO, 26 mars 2005.
[2]Michel Goya et André Thiéblemont.