On entre en confinement quand on veut, n’a pas écrit Machiavel, on en sort quand on peut. C’est comme la guerre : si on s’y engouffre sans fixer les conditions de sortie, à défaut d’en anticiper les modalités, on s’y piège dix, vingt ans ou plus. Voir Barkhane. C’est très exactement ce qui a été fait en confinant toute la France à la mi-mars, sans préavis ni préparation. A cette date, le système d’alerte n’avait ni fonctionné – et c’est l’exonérer que de mettre cette défaillance uniquement sur le dos du despotisme chinois – ni davantage permis de gérer la crise au jour le jour. Nous avons, incrédules, assisté à la paralysie non seulement des organes de prise de décision mais du système informationnel lui-même.
La peste de 1720 aurait pourtant dû suggérer un modèle. On avait alors isolé une partie du territoire et il reste en Provence les vestiges du muret construit par les corvées royale et papale et surveillé par la troupe. C’est cela qu’on nomme quarantaine. Quant au confinement qui doit être individualisé, on avait identifié trois catégories et trois lieux d’isolement gradués : pour les malades, pour les convalescents et pour ceux en contact avec les précédents. Et on délivrait un passeport de santé. Mais c’est à l’entrée qu’il fallait faire tout ça, pas comme protocole de sortie. A quoi bon imposer des masques en période de ressac ? Pour prévenir une très hypothétique seconde vague ? A quoi sert de tester – et jusqu’à quand – une population pour prouver qu’elle est redevenue saine, alors que ce sont les personnes atteintes qu’il fallait identifier au tout début ? La France de 2020 fait tout à l’envers de celle de Louis XV, qui anticipait de trois siècles la manière dont la Corée du sud, Taïwan et même la Chine ont géré leur crise.
Source : Mur de la peste dans le Vaucluse, édifié en 1720 pour isoler les régions atteintes.
On aurait aussi pu, pour une fois, écouter les économistes : une riche nation millénaire de presque 70 millions d’habitants, puissante et industrieuse, peut se permettre d’encaisser 50.000 décès. Dis comme cela c’est violent, mais c’est un arbitrage dont le pouvoir politique prend la responsabilité devant les citoyens et s’en explique. Par renoncement, il a préféré arrêter l’économie et plonger le pays dans la récession : déficit d’autorité et surtout de légitimité.
Mais pour en sortir, il doit toujours arbitrer entre production industrielle et santé publique : pourquoi ne pas l’avoir fait d’emblée ? Pourquoi y ajouter des atteintes aux libertés, comme des restrictions de circulation, de stupides interdictions de plages, des brigades de contrôle, des unités cynophiles, et pour ceux qui auront été infectés, leur carte Vitale transformée en passeport jaune de Jean Valjean. C’est tout faire à contretemps. Les présidents des collectivités, les maires, les proviseurs et même les patrons d’entreprises publiques de transport préviennent les ministres de troubles en cas de passage en force. Ils auraient plus vite fait de s’inspirer de Charpin au début du Schpountz : vous n’êtes pas bon à rien, vous êtes mauvais à tout ; on ne sait pas si vous nous saisissez, mais nous, on se comprend.
Le Cadet
Un point de vue tout particulièrement néfaste écrit par un quidam qui n’est sans doute que responsable de son stylo. Un papier dont l’esprit à sans doute été guidé par un parti pris politique plus que par des considérations de santé publiques sérieuses!
Force est de constater que les situations entre les pays sont diverses, mais que le bilan, lui, est finalement assez homogène, entre ceux qui sont déjà sortis de la première vague (pour peu, effectivement, qu’il y en ait une seconde) ceux partis plus tard qui n’y parviennent pas, ceux qui ont étalé la crise, ceux qui ont assigné à résidence leur population entière, la Suède qui fait cavalier seul et ne sait pas si l’idée de ne pas confiner était bonne ou mauvaise, etc… La Covid-19 ayant sans doute son propre « logiciel », tout ceci aura été au final indifférent. Wait & See. Ce qui est certain en revanche est que le confinement dans un lieu fermé, navire de croisière ou EPHAD, est une décision, ou plutôt une non-décision totalement criminelle et on le constate vu le nombre de décès. Ce qui est également certain est que l’arbitrage entre santé publique (ou privée) et économie reste d’actualité, et on ne peut que constater que ceux qui, comme la France, l’Italie ou l’Espagne ne l’ont pas fait y sont contraints maintenant. Et que ceux qui ont pris le risque politique, assumé auprès des citoyens, d’ajuster au plus serré (un précédent Cadet avait rappelé les règles mises en place par Churchill pour les alertes face aux bombardements allemands) sont déjà en train de redémarrer, avec une récession moins forte. D’où notre « déconfinement » qui n’est qu’un autre confinement, avec toujours des restrictions aux libertés publiques plus conséquentes, mais qui est ce qui aurait dû être fait dès le 15 mars. La France a perdu deux mois, elle prend encore du retard. Et comme il n’est pas question de demander aux Français de rattraper quoi que ce soit – d’une part parce que ça ne sera pas accepté, d’autre part parce que ce sera totalement débile de sur-produire pour sur-consommer, et que finalement il n’y a rien à rattraper sauf à remettre le système en vitesse de croisière-, la France est, du fait d’une panique de ses dirigeants aussi consternante qu’en mai 1940, en train de décrocher.