Bilan hebdomadaire n°9, en date du 1er mai 2022
Plus de neuf semaines de guerre et plus de quatre depuis le début de la deuxième phase. Les informations sont fragmentaires et les observateurs ont beaucoup moins de facilité à suivre le déroulement des opérations. D’ailleurs, les UKR communiquent beaucoup moins et montrent de l’inquiétude, signe de leurs difficultés. Les RU communiquent un peu plus sans pour autant qu’il s’agisse de déclarations triomphantes, signe là aussi que les résultats sont en-deçà des espérances.
Du nord au sud :
Les UKR ont tenté quelques initiatives de part et d’autre de Kharkov. Cela semblait destiné surtout à détourner l’effort russe des fronts principaux et d’attirer des forces dans ce secteur. Cela ne semble pas constituer une menace réelle pour le dispositif RU.
Front du Donbass. Au nord, les RU ont lentement progressé sans que des progrès fulgurants aient été réalisés. Ils ont élargi leur zone de sûreté à l’ouest d’Izioum, de façon à éviter uen C.ATT de flanc dans leur progression vers le sud et Barvinkove/Kramatorsk, qui pouvait constituer un point de faiblesse la semaine dernière. Ils ont progressé au sud du barrage d’Oskil, au point qu’un assez gros effectif UKR serait encerclé : les RU parlent de 1000 hommes enfermés dans la zone, en train d’être réduits méthodiquement. Cette réduction serait une des causes de l’arrêt de la progression au sud d’Izioum, à hauteur de Kurulka. Plus à l’est, les RU ont saisi Yampil et progressent lentement vers Ozerne. Les RU semblent vouloir enfermer le dispositif UKR établi sur la ligne Dovhenke-Lyman. Le môle de résistance Slaviansk/Kramatorsk serait alors laissé au sud. La tactique Ru est donc celle du saucissonnage méthodique et de la destruction, tranche par tranche, des lignes ennemies, elles-mêmes étagées dans la profondeur.
A Severedonetsk, les RU auraient pris le contrôle complet de Rubizhne, dernier faubourg de la ville. Plus au sud, ils pousseraient maintenant vers Lysychansik, afin de fermer la tenaille. En descendant vers le sud, les RU pousseraient vers Orikhove et bien sûr Popasna, sur laquelle ils butent depuis des semaines. Il en est de même vers Horlivka puis Avdlivka, où les UKR tiennent bon.
Ainsi, dans le Donbass, les RU développent des pinces successives et cumulatives. Leur usure qui dure depuis maintenant des semaines commence à faire effet et l’on entend parler de troupes UKR se rendant à l’ennemi.
Front sud : pour les RU, Marioupol n’est plus une préoccupation opérative. Comme dit la semaine dernière, les effectifs semblent être redéployés vers d’autres secteurs, notamment sur le front sud. Les derniers combattants d’Azovtal sont assiégés et on évacue peu à peu les civils et les blessés.
Le front sud entre Dniepr et Donbass voit les UKR résister. Malgré tout, les RU poursuivent leur effort sur la percée faite il y a dix jours à hauteur de Velyka Novosilka. Deux options se dessinent : fermer une tenaille à l’est avec les forces RU au sud de Donetsk ; poursuivre plein nord vers Kramatorsk. Plus à l’ouest, les RU poussent vers Huliapole et Orikhiv mais ne progressent pas. Zaporizia reste hors d’atteinte.
Front de Kherson : Il a montré une grande activité. Les RU auraient dégagé la pression à l’ouest (Alexsandria) et repoussé les tentatives UKR de la semaine dernière. Une activité certaine se déroulerait au nord de la poche, à l’ouest du Dniepr, sans que les uns ou les autres n’obtiennent de progrès notables. Mykolaev est régulièrement bombardée.
Appréciation des fronts : Les RU visent le contrôle des oblasts de façon à suivre le découpage administratif, prélude probable à des sécessions. L’oblast de Lugansk est presque totalement conquis. Il reste encore bcp de terrain à conquérir pour l’oblast de Donetsk. Ils doivent encore pousser jusqu’à Zaporija pour tenir l’oblast éponyme. Ils tiennent presque totalement l’oblast de Kherson, sauf au nord, ce qui explique leurs efforts dans cette direction (Kryvi Rig). Il y a eu un peu d’agitation autour de la Transnistrie cette semaine. Aucune des deux parties n’avait vraiment intérêt à déclencher les hostilités dans la région.
Front logistique : Voici finalement le quatrième front de cette phase opérationnelle. En effet, une guerre d’usure suppose la tenue des approvisionnements en ressources : relèves des hommes, armes, munitions, soutien du combattant, soutien médical, etc. Cette clef de lecture explique en grande partie ce qui s’est passé cette semaine. Les RU ont en effet développé une campagne de frappes de longue distance sur tous les points logistiques UKR, notamment le réseau ferré, les dépôts de munitions, les centrales électriques, les ponts … Les UKR semblent ne plus pouvoir opérer leur réseau ferré à cause de la destruction des relais électriques. Les locomotives diesel ne pourraient tenir que 15% de la charge nominale. Cela gêne considérablement la manœuvre UKR qui ne peut facilement soutenir les troupes à l’avant. Cela explique probablement l’inquiétude qui point dans les communiqués de l’état-major UKR. Notons enfin que l’approvisionnement en carburant est un souci évident pour les UKR, à la différence des RU.
Cependant, la manœuvre RU suscite elle aussi énormément d’interrogations. En effet, elle suppose un flux logistique conséquent. Si leurs lignes d’approvisionnement sont cette fois-ci tenues et protégées (à la différence de la première phase), la question reste celle du volume de munitions disponibles. Notons d’ailleurs une série d’accidents étranges sur le territoire RU, frappant des dépôts de carburant : raids de drones ? forces spéciales ? opposants intérieurs ? on se perd en conjectures.
Mais une guerre d’usure est aussi celle des autres ressources. Les UKR ont besoin d’armes : ceci explique la décision américaine d’engager 33 milliards $ au profit de l’UKR. Mais ces armes doivent être acheminées, soutenues, leurs équipages doivent être formés puis engagés sur le front. Cela prendra des jours avant d’avoir un effet réel. Malgré tout, cela donnera aux UKR le moyen de répondre à l’ART RU. Ceux-ci manquent d’hommes. Aussi voit-on quelques signes d’un certain raidissement de Moscou. Est-ce le signe d’une « mobilisation », c-à-d la transformation de « l’opération spéciale » en « guerre » ? C’est à mon sens le seul enjeu du discours du 9 mai. En effet, l’accroissement du soutien américain à l’UKR change la donne, au moins politiquement. Il s’agit incontestablement d’une escalade. La mobilisation RU serait une réponse à cela. Enfin, l’économie UKR semble aux abois. Une grande partie du soutien occidental à Kiev visera à subvenir aux besoins du pays qui ne peut plus rien exporter via ses ports. Les liaisons ferroviaires sont affectées, on l’a vu, et beaucoup plus chères. Le fret routier ne peut tout absorber. Surtout, plus de 14 M d’UKR sont soit réfugiés, soit déplacés (sur uen population de 38 Mh). L’économie est logiquement profondément affectée. Quelque soit l’issue de la guerre, il faudra au moins une décennie pour revenir à la situation ex ante.
Appréciation générale : le grignotage RU se poursuit, sans obtenir d’effet radical. Depuis trois jours, peu de progrès ont été faits. Les UKR tiennent bon sans pouvoir prendre l’initiative. Dans une guerre d’usure, soit les deux forces s’usent également, soit l’une s’use plus que l’autre et cède brusquement à un moment donné. Il est impossible aujourd’hui de dire vers quelle option nous nous dirigeons.
OK