Bilan hebdomadaire n° 36 du 6 novembre 2022 (guerre d’Ukraine)
Encore une fois, la semaine a montré la fixité des fronts. Il y a peut-être plus d’évolutions du côté politique.
Front ouest de Kherson : La semaine a été marquée par de multiples rumeurs, annonces et autres coups de bluff. Il est donc difficile de savoir ce qui s’est réellement passé. Si l’on en croit les Ukrainiens au début de la semaine, les Russes préparaient leur départ de la rive ouest du Dniepr. La plupart des civils auraient été évacués, des drapeaux seraient ôtés des bâtiments, des check-points abandonnés, des batteries d’artillerie et du matériel lourd transféré sur la rive gauche, et toutes les embarcations systématiquement détruites.
En fin de semaine, le discours UKR est différent : en fait ils ont relevé des unités, préparé de la défense ferme, il y aurait des soldats déguisés en civil et en fait, les Russes prépareraient un piège grossier, celui de faire croire à leur départ pour détruire les forces ukrainiennes qui s’avanceraient imprudemment.
De leur côté, les Russes annoncent autre chose en fin de semaine : les Ukrainiens préparent leur offensive majeure sur trois directions, les regroupements d’unité sont effectués, l’affaire n’est qu’une question d’heures.
En ce dimanche soir, je ne peux que constater que la fameuse offensive n’a pas été déclenchée pour l’heure. Le front de Kherson est stable depuis quatre semaines.
Front sud de Zaporijia : quelques échanges et escarmouches, un peu plus aiguës que les usuels duels d’artillerie, sans modification notable. Cependant, l’avance russe à Pavlivka (sud de Vuhledar) a été repoussée par les Ukrainiens. L’unité russe qui aurait subi des pertes (300 pax ?) se plaindrait amèrement de ne pas avoir été soutenue. On a beaucoup discuté en début de semaine du raid de drones navals contre Sébastopol.
Front Est de Donetsk. Les avancées russes vers Vodyane – Opytne sont seulement confirmées, sans que ces deux villages soient pris. Rien de notable à signaler ailleurs. Plus au nord, pas grand-chose à signaler à Bakhmouth, sinon que les Russes pousseraient contre les deux petits villages juste au sud de la ville : Ivangrad et Opytne. Le premier aurait été pris puis reperdu, le deuxième toujours aux mains des Ukrainiens.
Front Nord de Svatove : sans changement.
Appréciation militaire : Pas de changement cette semaine, donc. On peut bien sûr accuser la boue et les pluies qui ne facilitent pas les choses (quiconque à manœuvré sous la pluie en novembre sait de quoi je parle). D’autres facteurs ont peut-être joué.
Tout d’abord, les deux parties se sont peut-être préoccupées de ce qui se passait à Kherson. De la part des Russes qui y ont visiblement déployé une activité conséquente, cela signifie que leur état-major est concentré là-dessus et n’a pas pu ni voulu conduire d’autres opérations ailleurs. Quant aux Ukrainiens, si effectivement ils préparent une grosse offensive sur la poche, là non plus ils n’ont peut-être pas eu le temps de penser à autre chose.
Quelles peuvent être les options des Russes ?
- Défense de l’avant sur la ligne toujours tenue puis manœuvre rétrograde jusqu’aux abords de Kherson, hérissée en place-forte. Cela expliquerait le déplacement de la population locale (il ne resterait que 60.000 habitants).
- Préparation d’un repli sur la rive gauche du Dniepr derrière lequel les Russes s’abritent afin de redéployer leurs forces ailleurs.
- (variante de B) : Préparation d’un abandon de la rive droite dans le cadre actuel de négociations dont nous ne savons rien. Il faut en effet abandonner des choses, dans une négociation. La rive droite du Dniepr pourrait tout à fait être un gage territorial.
- Piège pour attirer les Ukrainiens dans un chaudron préparé à l’avance.
Ce ne sont que des hypothèses, celles qu’un analyste comme moi élabore.
Quelles sont les options des Ukrainiens ?
- Préparer une manœuvre offensive pour prendre tout ou partie de la poche avant l’hiver.
- Bluffer sur cette offensive et en préparer une ailleurs (front sud de Zaporijia ?).
- Poursuivre sa remise en condition en attente des résultats du front politique. Dans ce cas aussi, il ne s’agit que d’hypothèses de planification (que peut faire untel ?), non des prédictions. Méthode classique d’état-major.
Appréciation politique. Ainsi que je l’annonçais la semaine dernière, tout est suspendu aux élections américaines qui annoncent une majorité républicaine. La petite musique des négociations, que je mentionnais aussi, s’est fait plus forte : ainsi, le Washington Post a publié un article (https://www.washingtonpost.com/national-security/2022/11/05/ukraine-russia-peace-negotiations/) qui explique que la Maison Blanche aurait discrètement poussé V. Zelensky à montrer qu’il était disposé à des négociations éventuelles.
Force est de constater que la semaine a été exceptionnellement discrète sur le front de communication opérationnelle ukrainienne : cette discrétion vient-elle confirmer la relative atonie opérationnelle ci-dessus mentionnée ?
Au contraire, il peut s’agir du calme avant la tempête, les Ukrainiens préparant une action d’éclat de façon à convaincre la nouvelle majorité américaine du bien-fondé de sa cause. Ce ne sont pour l’heure que des spéculations mais il est intéressant de voir le déplacement de l’intérêt du théâtre militaire à la scène politique. Nous verrons bien la semaine prochaine, une fois connus les résultats de l’élection.
Ce billet est le dernier qui sera inclus dans l’ouvrage à paraître.
Nous continuerons bien sûr à publier ces chroniques chaque semaine, si du moins l’actualité le requiert. S’il n’y a pas grand-chose à dire comme cette semaine, j’espacerais peut-être. Nous verrons bien. A dimanche.
OK
La résistance de l’Ukraine est certainement due à l’aide Américaine qui fournit non seulement subside et armement mais surtout des renseignements et est certainement à l’origine de la stratégie ukrainienne dans cette guerre contre la Russie. De toute façon il y aura deux perdants certains dans cette affaire, l’Ukraine détruite et l’Europe déstabilisée économiquement, privée d’énergie bon marché et vassalisée économiquement et politiquement par les Etats Unis. Cette guerre de sécession interslave ne nous concernait en rien, il ne fallait pas s’en mêler