« Un des points essentiels, comme le président Poutine l’a d’ailleurs toujours dit, c’est la peur que l’OTAN vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie… Ce sujet fera partie des facteurs pour la paix et donc il faut aussi le préparer : qu’est-ce qu’on est prêts à faire, comment protégeons-nous nos alliés et les États membres tout en donnant des garanties pour sa propre sécurité à la Russie ? A la fin, dans les discussions de paix, il y aura des sujets territoriaux sur l’Ukraine et il y aura des sujets de sécurité collective sur toute la région. » Vous radotez, Cadet [1] ! Que nenni : ça, c’est un copié-collé des déclarations présidentielles le week-end dernier.
Car une fois les minauderies passées, et épuisée l’agitation de voir une Young Leader 2022 de la French American Foundation nommée spationaute, le Président français aura médité cet apophtegme de Kissinger : « It may be dangerous to be America’s ennemy. But to be America’s friend is fatal. » Et il se sera rappelé qu’il fut un temps, celui des Metternich, des Rathenau ou des Dear Henry, où la diplomatie n’était pas le fait de cabinets de consultants moins cortiqués qu’une influenceuse exilée à Dubaï. Alors de deux choses l’une : soit le président Macron sert de pathfinder au président Biden, au risque de tirer les marrons du feu pour les Américains ; soit il a compris qu’ils allaient reprendre le fil interrompu en novembre 2021 lorsqu’ils refusèrent la négociation de sécurité globale proposée par les Russes, et il ne veut pas se faire griller la politesse et se retrouver floué comme après son loupé du 7 février 2022, lorsque Poutine lui tendit la perche lors de leur conférence de presse au Kremlin. Car les Russes étant désormais, quelque soit leur opinion sur l’invasion, dans la posture d’une guerre contre l’OTAN que nous avons tout fait pour mettre en musique et en scène, ils n’ont plus aucun intérêt, ni diplomatique ni stratégique, à négocier avec le saltimbanque de Kiev, et ils ne le feront pas.
Entre nos délires infantiles sur l’air du « Nous irons pendre notre linge sur le tombeau de Lénine », et nos très fiables amis américains qui, quand ils ne jouent pas les lointains, se carapatent à la vitesse d’un pet sur une toile cirée dès que l’ombre d’une mise en œuvre de l’Article 5 se profile – comme on a pu le voir lors du récent incident des missiles tombés sur la Pologne –, il n’est que temps de rappeler que l’OTAN fonctionne comme expliqué dans la scène du cimetière du western de Sergio Leone : il y a ceux qui ont un pistolet chargé et il y a ceux qui creusent. Que creusent des pays dont l’apport au genre humain tient au dos d’un ticket de métro, c’est l’ordre des choses et le sens de l’Histoire. Mais que la France de Richelieu, de Talleyrand et de Briand soit à la pelle et à la peine plutôt que, comme écrivait Saint-Simon, de « terminer la guerre à son mot » et pas à celui des autres, voilà une parenthèse qu’il faut refermer. Vivement demain !
[1] Le Cadet : n° 88, « Le retour de Folamour », février 2022 ; n° 89, « Leur joueur de poker et nos joueurs de billes », mars 2022 ; n° 90, « Touché Coulé », avril 2022 ; n° 91, « Une connerie », mai 2022 ; n° 92, « La brigue des egos (sotie européenne) », juin 2022 ; n° 94, « Borodino, épisode VI », septembre 2022.