Bilan hebdomadaire n° 53 du 12 mars 2023 (guerre d’Ukraine)

La chute de Bakmout tarde à venir et les deux parties semblent s’en accommoder. La situation à Avdivka devient compliquée pour les Ukrainiens. Cartes : @pouletvolant3

Au sud, rien de bien important à signaler : quelques poussées russes, un bout d’île pris par les Ukrainiens au milieu du Dniepr. On parle d’une mobilisation ukrainienne vers Dniepropetrovsk. Au nord, pression russe plus que poussée de Koupiansk à Bilohorivka (du nord) : cela donne le sentiment que les Russes veulent fixer les Ukrainiens.

Vers Donetsk, quelques micro-progressions au sud : Pobjeda (au sud de Marinka) et Nevelske (au sud de Pervomaiske).  La place-forte ukrainienne d’Avdivka est en mauvaise posture : au sud, les Russes ont pris les collines au nord de Vodyane et dominent maintenant Sjeverne, plein ouest d’Avdidvka. Au nord, ils ont réussi à prendre pied sur le mouvement de terrain dominant Vesele et à s’installer aux abords du village de Krasnohorivka (qui n’a pas été pris, contrairement à de fausses rumeurs). Au sud de Vesele, les Russes ont progressé le long de la retenue d’eau et se battent aux abord de Kamyanka. Entre Donetsk et Bakhmout, les Ukrainiens ont réussi à prendre quelques positions vers Mayorsk, juste au nord d’Horlivka.

A Bakhmout, la situation a évolué très lentement au point que je m’interrogeais, en milieu de semaine, sur un épuisement russe.

Les Ukrainiens poursuivent leur résistance dans la ville. Ils ont visiblement placé des troupes à Ivanivske et Khromovo pour maintenir les pinces de la mâchoire écartées et continuer d’approvisionner les forces dans la ville.

Les Russes ont prudemment avancé, lentement : ils ont commencé à franchir la Bakhmoutva, ils ont progressé au nord jusqu’aux abords du complexe industriel Azom, ils ont enfin avancé plus nettement au sud. Ils poussent de part et d’autre d’Ivanivske. Surtout, ils ont investi le village de Dubrovo et poursuivent à l’ouest : Orikhovo-Vasilivka serait disputée, des combats se dérouleraient vers Zalinianske et aux abords de Vasiukivka, plus au nord.

Appréciation militaire : Le déroulé des combats pose plus de questions que de réponses. Pourquoi les Ukrainiens s’accrochent-ils autant ? Passons sur les déclarations qui affirment désormais que la ville est stratégique (Kiev avait expliqué qu’elle n’avait aucune importance), cela fait partie du jeu de la communication politique. La prudence avec laquelle les Russes investissent la ville suggèrent que l’attrition recherchée ne fonctionne pas autant que souhaité. Au contraire, certains s’alarment du niveau de pertes ukrainiennes dans la bataille.

Alors pourquoi ? Gagner du temps, bien sûr, pour terminer la constitution des nouvelles brigades que l’on annonce de partout ; Profiter d’une ville qui doit être copieusement minée et piégée, formidable position défensive à laquelle s’accrocher ; Préserver la profondeur jusqu’à Kramatorsk à l’ouest ou Siversk au nord. Autant de raisons valables, sans doute, ; Mais l’on sent bien que cette décision, apparemment politique, fait débat aussi bien avec l’état-major ukrainien qu’avec les alliés américains.

Quant aux Russes, pourquoi tant de lenteur ? Épuisement des troupes, manque de munitions, d’hommes, d’appuis ? Mais on signale beaucoup plus d’appui d’aviation que par le passé. Gardons l’hypothèse du point culminant à l’esprit. Volonté d’user le potentiel ukrainien en jugeant qu’ils perdent plus que les Russes ne perdent ? Peut-être. Prudence et volonté d’économie de ses propres forces, surtout dans un secteur urbain favorable au défenseur ? Volonté d’encercler la ville pour la couper ?

Si cela était, Ukrainiens et Russes chercheraient finalement la même chose : répéter le siège de Marioupol qui avait vu la chute de la ville et la prise des troupes qui la défendaient. J’observe que simultanément, les Russes poussent à l’ouest de la ville, comme s’ils voulaient se prémunir d’une contre-attaque : ainsi s’expliquerait la poussée vers Orikhovo qui non seulement fait pression contre Kramatorsk mais ménage une profondeur tactique et permet d’envisager de coiffer Chasiv Yar au sud. Vous le voyez, plus de questions que de réponses.

Face à Donetsk, la situation évolue assez vite avec la constitution d’un nouveau semi-encerclement, cette fois-ci d’Avdivka. Autrement dit, tout annonce un scénario similaire à celui que nous observons à Bakhmout. Il reste à attendre les offensives à venir…

Appréciation politique. Passons sur la fuite qui estime que ce seraient les Ukrainiens qui ont saboté NS2 : cela semble tellement évidemment un contrefeu médiatique que personne ne peut prendre l’information au pied de la lettre. On sent par ailleurs de légères fissures apparaître dans le soutien américain, comme cet article de Politico en rend compte : https://www.politico.com/news/2023/03/12/biden-united-states-ukraine-relationship-cracks-00086654

Ainsi, les Ukrainiens font campagne depuis plusieurs semaines pour l’installation d’un tribunal international pour les crimes de guerre : les principales nations occidentales y sont opposées, notamment les États-Unis qui ont refusé des partager des preuves qu’ils auraient. La décision de Kiev de s’obstiner à Bakhmout inquiète aussi à Washington, et pas seulement les réalistes autour du Pentagone mais aussi les durs comme Lloyd Austin.

Au fond, le différend vient plutôt de la façon dont tout ceci va finir. L’objectif de Zelensky de reprendre tout le territoire pris, Crimée incluse, semble disproportionné à beaucoup à Washington. Ce ne sont que des fissures qu’il ne faut pas surinterpréter (elles ont toujours eu lieu) mais notons les ici. Surtout, j’ai l’impression que tout dépend de la future contre-offensive de printemps, annoncée par tous et qui tranchera. Les petites progressions russes actuelles pèseront peu si elle réussit.

Attendons donc.

A dimanche

OK

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