Toujours la transition avec la fin de Bakhmout et des initiatives ukrainiennes. Lien vers le billet entier en fin d’enfilade.
Source : https://twitter.com/Pouletvolant3/status/1652569706799288323
Pas grand-chose sur le front sud, sinon une petite activité à Vouhledar. Les Ukrainiens ont détruit un dépôt de carburant à Sébastopol grâce à des drones et un guidage probable des occidentaux. La DCA russe a été prise en défaut. Toujours poussée russe à Marinka et au nord d’Avdivka avec peut-être un peu de grignotage. Plus au nord, reprise d’activité autour de Bilohorivka, les Russes cherchant à entrer dans le village.
L’essentiel de l’activité se déroule à Bakhmout. Les progressions russes sont plus rapides, ce qui est logique puisque les Ukrainiens, en reculant, perdent leurs marges de manœuvre. Ainsi, les Russes auraient atteint la rue Tchaïkovski, interdisant aux Ukrainiens le variantement par cet axe : ils ne contrôlent plus que le carrefour du Mig 27. Ils sont encore retranchés dans la citadelle centrale mais sont en train d’être débordés à l’ouest dans le secteur résidentiel. Les Ukrainiens n’ont plus beaucoup de possibilités et devraient abandonner la ville d’ici la fin de la semaine. On observe d’ailleurs une reprise d’activité russe au sud de la zone (Konstantinovka – Chasiv Yar).
Appréciation militaire : Les Russes auront donc pris Bakhmout à la mi-mai. S’ils pressaient la ville depuis le mois d’août, ils n’ont vraiment eu l’opportunité de la prendre qu’à partir de la percée de Yakovlivka en décembre. Cela leur a permis de prendre Soledar, puis Krasna Hora, avant d’arriver dans Bakhmout par le nord et le sud vers la mi-février (billet n° 50). Il leur a donc fallu près de trois mois pour investir complètement la bourgade, ce qui est fort long pour une ville moyenne. De ce point de vue, la résistance de l’avant décidée par Kiev peut être considérée comme un succès à l’aune du temps gagné et de la réorganisation des lignes de défense dans la profondeur, en avant de Kramatorsk et Slaviansk.
Quel bilan tirer de ce début d’année ?
Du point de vue russe, ces quatre premiers mois ne sont pas négatifs. Ils ont stabilisé la ligne au nord entre Koupiansk et Kreminna qui n’est plus du tout menacée et au contraire solidement aménagée, en mesure de fournir une base de départ locale. La prise de Bakhmout poursuit celle de Popasna/ Lissitchansk faite l’été dernier : l’objectif officiel de prendre l’oblast de Donetsk reste donc à l’ordre du jour. Plus au sud, Donetsk est peu à peu dégagée et un prochain chaudron autour d’Avdivka a été préparé.
Enfin, si l’attaque contre Vouhledar a été un échec cuisant, la ligne qui mène à Zaporijia a été consolidée avec quelques grignotages ici ou là. En revanche, les frappes dans la profondeur pour casser le système électrique ukrainien ont échoué, même si la manœuvre a épuisé la DCA ukrainienne qui en sort affaiblie. Tout ceci a servi une stratégie fondée sur le temps : celui du pari de l’essoufflement du soutien occidental, celui également de la mobilisation décidée à l’automne. Beaucoup étaient sceptiques sur la capacité russe tout d’abord à la conduire, ensuite à former ces nouveaux bataillons. Il est probable qu’ils n’ont pas tous été jetés dans la bataille et que la Russie a reconstitué des réserves. C’est pour elle essentiel face à l’offensive ukrainienne attendue.
L’Ukraine a aussi choisi de gagner du temps : il lui fallait pour recevoir les matériels occidentaux, pour mobiliser également de nouvelles recrues, pour les former enfin : de ce point de vue, l’équation est similaire à celle des Russes.
Ceci explique la bataille de l’avant à Bakhmout. Observons qu’après quelques flottements au début de l’initiative russe, en janvier, les Ukrainiens se sont bien repris et ont su résister sans se disperser. Personne ne sait le niveau de pertes de part et d’autre : les excités des deux bords racontent des fantasmagories sans preuves. Mais il est sûr que chaque jour, des centaines de jeunes tombaient ce qui devrait calmer ceux qui voient ça comme un match de foot. On voit que ces gens-là n’ont jamais été en contact avec un mort à la guerre. Ce manque d’humanité me fatigue, surtout quand les mêmes donnent des leçons de morale.
La grande affaire est celle de la contre-offensive. Observons que les Ukrainiens ont repris quelques initiatives avec des frappes dans la profondeur, soit à coup d’obus longue portée (Himars) soit de drones. Il s’agit de casser l’arrière logistique russe. Cette préparation du terrain annonce ladite offensive (c’est une préparation, comme son nom l’indique). Il reste qu’elle paraît encore précoce pour des raisons météo mais aussi logistiques. Nous verrons bien. Je note une aviation russe plus présente depuis quelque temps.
Appréciation politique : Toujours du scepticisme dans les médias occidentaux qui parlent encore de la guerre d’Ukraine, passée au second plan. Cependant, ces discours peuvent tout aussi bien servir une campagne de déception des Russes, afin de leur faire croire que les Ukrainiens ne sont pas prêts. On serait ainsi dans le temps de la préparation. A voir. Noter aussi que finalement, un accord sur les grains est en voie d’être trouvé.
Bonne semaine
OK
Toujours parfait 👍
Etonnant qu’alors que les exploits ukrainiens signalés (les incendies de dépôts de carburant provoqués par des drones longue portée ukrainiens) s’accompagnent d’une remarque générale sur les attaques ukrainiennes avec les Himars « dans la profondeur » russe, nulle mention n’est faite de l’emploi maintenant systématique des EPAB russes, bombes planantes de 500 et 1500 kgs lâchées à plus de 50 kms des cibles. Cela qui correspond à des attaques massives « en profondeur » contre des cibles militaires ukrainiennes. Les défenses anti aériennes (des S300) ukrainiennes sont rapprochées de la ligne de front, les rendant accessibles aux munitions rôdeuses russes qui arrivent à en détruire. De fait, la supériorité aérienne russe trouve à nouveau à se manifester et cela change la situation de l’année écoulée.
Un aspect encore mystérieux et peu évoqué est celui de l’équilibre entre les flottes respectives de drones pilotés d’attaque, issu de drones commerciaux chinois et porteurs d’explosifs, utilisés comme engins de bombardement ou comme kamikazes. Ils sont clairement utilisés par centaines, mais peuvent être aussi détournés ou abattus avec des moyens radios. Il n’y a pas à ma connaissance d’estimation des quantités respectives d’utilisation de ces armes, sinon que les Russes, initialement dépassés dans ce domaine, s’y sont mis massivement…
Les drones « FPV » issus des engins civils de compétition, opérés avec des masques 3D, capables de rentrer avec des grenades dans des bunkers semblent à cet égard particulièrement impressionnants.
La question se pose de la disponibilité suffisante des opérateurs de ces armes, dont l’importance sur le champ de bataille est sans doute importante.