Le front est stable. L’environnement géopolitique a en revanche connu quelques événements significatifs.
Déroulé des opérations
Sur le front terrestre, la stabilité du front domine puisqu’au maximum, 5 km² ont été échangés. L’activité décroît partout sauf autour du saillant de Verbove : les Ukrainiens ont essayé de pousser vers Novoprokopivka, quand les Russes poussaient au nord de Verbove, sans changement cependant.
Les échanges d’artillerie se sont poursuivis sur le reste du front, sans changement notable. Vers Bakhmout, les Ukrainiens tentent de pousser au sud vers la ligne de voie ferrée, les Russes au nord vers Minkivka.
Dans le secteur de Koupiansk, les Russes ont détruit tous les ponts sur l’Oskil entre Koupiansk et Kruhlyakivka (inclus).
Pas d’attaque notable ukrainienne contre la Crimée cette semaine.
Analyse militaire
Avec l’automne vient la stabilisation des opérations. Chaque partie est en train de s’enterrer et de préparer la suite. La situation ne devrait donc pas connaître d’évolution majeure dans les semaines qui viennent, jusqu’à ce que l’hiver arrive et redonne des terrains secs et durs.
Il faudra alors observer ce que vont faire les Russes. Rappelons que l’an dernier, ils avaient commencé leur mouvement contre Soledar et Bakhmout en décembre. Les Ukrainiens vont devoir solidifier leurs positions dans le saillant de Robotyne et notamment leurs flancs. Les Russes pourraient vouloir fermer le goulet au sud de la route T 803.
Par ailleurs, la position ukrainienne à l’est de l’Oskil paraît délicate : le flux logistique doit désormais passer par Borova, à peu près à 40 km au sud de Koupiansk. Il y a là un risque de formation d’une poche en avant de la rivière, poche qui sera difficile à tenir dans la durée.
Analyse politique
Plus que jamais, la thématique de la guerre longue anime le débat stratégique, comme nous l’avons signalé la semaine dernière. Pour les Russes, cela passe par la mobilisation d’une industrie de défense. Certaines sources font état de la production de 800 chars par an, avec malgré tout la difficulté de produire des tubes pour les canons d’artillerie et les chars.
Pour les Ukrainiens, cela passe par la mise en place d’un processus industriel pérenne. De ce point de vue, la visite du ministre français de la défense, Sébastien Lecornu, a été significative et positive. Il s’agit désormais de construire des usines en Ukraine dans un effort de co-investissement entre industriels européens et industriels ukrainiens. Ici, la question des fonds devient centrale. Les Ukrainiens n’ont en effet pas les ressources financières pour payer ces investissements. Il faut donc que ce soient des fonds européens ou américains qui les fournissent. Le débat du soutien à l’Ukraine change donc de nature : l’enjeu ne consiste plus à fournir des armements à l‘Ukraine mais des fonds à celle-ci pour qu’elle puisse les fabriquer. Les efforts d’explication doivent désormais s’orienter en ce sens afin de permettre à l’Ukraine de tenir. Au-delà de l’initiative française, le débat doit désormais se porter au sein de l’UE.
Par ailleurs, notons deux faits : la menace du shutdown budgétaire aux Etats-Unis a débouché sur un accord au Congrès : L’accord budgétaire « temporaire » a exclu le soutien à l’Ukraine de cette loi de finances. Les Démocrates vont demander un projet de loi séparé mais qui sera à l’évidence difficile à atteindre. Cela constitue évidemment une mauvaise nouvelle pour Kiev.
Enfin, la victoire du parti de Robert Fico aux élections législatives en Slovaquie est une autre mauvaise nouvelle : en effet, il n’a pas caché son hostilité à l’Ukraine et s’il réussit à former une coalition, il rejoindra la Hongrie de Orban pour créer un front du refus au sein de l’UE. Ce n’est pas de bon augure dans la perspective de la guerre longue et du soutien durable à apporter à Kiev.
Bonne semaine.
OK
On se permettra d’ironiser sur le « co-investissement » entre industriels « européens » et ukrainiens annoncé par Lecornu (le terme alambiqué vient tout droit de l’entretien avec Macron qui a précédé le voyage) d’autant plus « significatif et positif » que les Ukrainiens n’ont pas les fonds…
Comment peut-on à tous les niveaux (présidentiel, ministériel, diplomatique, industriel, journalistique et finalement public) se prêter à un ridicule plus achevé pour un non-évènement de la sorte ?
De manière générale et toutes choses étant égales par ailleurs, croit-on vraiment en Occident à une « guerre longue » ? L’absence complète de passage effectif à une économie de guerre traduit en fait l’anticipation de négociations rendues indispensables par l’amenuisement des ressources en munitions dû au fait que précisément, le soutien n’est absolument pas « durable ».
Langue de bois qui s’agite dans nos propres bouches, c’est toi qui nous fait penser…