Nous sommes heureux de donner la parole à une jeune plume, Evan Da Costa Marquez, qui sert actuellement au CICDE (dépendant de l’EMA). Ce sujet industriel mérite son éclairgae. LV.
L’entreprise israélienne Bluebird a annoncé en avril 2024 l’ouverture future au Maroc d’une usine de fabrication de drones à usage militaire afin de produire des drones kamikazes Spy X et des mini-drones électriques de surveillance à décollage et atterrissage verticaux (eVTOL). Cet exemple récent illustre le développement de l’utilisation et de la production de drones en Afrique du Nord.
L’utilisation de drones militaires en Afrique n’est pas nouvelle, le premier drone produit en Afrique, le Champion, ayant été lancé en Afrique du Sud en 1977 puis utilisé par l’armée sud-africaine. Les pays d’Afrique du Nord sont parmi les pays africains qui possèdent les plus grandes flottes de drones, notamment l’Egypte avec 260 UAV, soit la plus grande flotte du continent.
L’Afrique du Nord représente un marché lucratif pour les pays exportateurs de drones, et en particulier pour la Turquie, la Chine et Israël qui sont les plus grands vendeurs dans la région. Il s’agit pour ces pays d’un investissement politique à long terme.
Les drones étrangers présents dans la région sont très diversifiés :
- L’Egypte dispose de drones CH-4B et Wing Loong chinois, mais aussi de Bayraktar TB2 turcs et de Scarab américains ;
- L’Algérie, deuxième flotte de drones du contient, possède des drones ANKA-S turcs, CH-3s et CH-4s chinois ;
- Le Maroc a quant à lui investit dans des Bayraktar TB2 turcs, des Evtol, Spy X, Heron et Hermes 900 israéliens et des Predator américains. Quant à la Tunisie, elle possède des ANKA-S turcs;
- Le cas de la Libye est différent, la flotte de drones étant principalement composée de drones acquis pendant la deuxième guerre civile (2014-2020) par le gouvernement et divers groupuscules armés lors de la dernière guerre civile. La Libye contrôle ainsi des Bayraktar TB2 turcs, des Ortbiter-3 UAS israéliens et des Wing Loong II chinois.
Certains pays nord-africains produisent également des drones locaux ou accueillent des entreprises productrices de drones comme le Maroc. La nouvelle usine de l’entreprise de drones israélienne Bluebird au Maroc s’inscrit dans la volonté de Rabat de doter son armée d’une flotte importante et diversifiée de drones en profitant de la technologie israélienne avancée en matière de drones.
L’Egypte est le plus grand producteur de drones locaux en Afrique du Nord. En plus de disposer de la plus grande flotte de la région, le pays produit ses propres drones pour compléter l’achat de drones étrangers ; le drone Neuth et le drone Thèbes-30. Le drone Neuth est un drone MALE (Moyenne Altitude – Longue Endurance) de surveillance pouvant se cacher des satellites. Le Thèbes-30 est pour sa part un drone MALE de combat. L’Egypte produit également des versions locales de drones étrangers. Ainsi, le Ejune-30 SW est la version égyptienne du drone MALE émirati Yabhon United 40. Il conduit des missions de surveillance, de combat aérien et d’attaque au sol. Le drone Aisheng ASN-209 est un drone MALE fabriqué en Egypte sous licence chinoise. Ils sont utilisés pour la reconnaissance aérienne, la localisation de cibles, la vérification de destruction d’objectifs et pour aider à l’ajustement des tirs d’artillerie.
L’Algérie produit également quelques drones localement sous licence étrangère, les drones d’attaque El-Djazaïr 54 et 55. Ces drones sont les versions algériennes du drone MALE émirati Yabhon United 40 avec des améliorations locales adaptées au contexte local, notamment au sujet de la lutte anti-sous-marine et le sauvetage en haute-mer.
La Tunisie est quant à elle davantage en phase de recherche et développement. Le projet le plus récent est le drone U-Storm de l’entreprise tunisienne AVIONAV, dont le prototype a été présenté en 2023. L’U-Storm est capable de voler pendant 20 heures et peut transporter une charge utile de 250 kg avec comme mission de la surveillance et du déploiement de matériel. Ce projet pourrait aboutir sur le premier drone de fabrication tunisienne sans licence étrangère ou rejoindre la liste de projets avortés comme le TATI HALE Buraq, un drone HALE (Haute altitude, longe endurance) capable de transporter des charges lourdes et de déployer des radars et des outils de déminage.
L’usage militaire des drones en Afrique du Nord est multiple et répond à de nombreux objectifs des pays de la région. La surveillance aérienne des zones frontalières et des côtes ainsi que des lieux stratégiques comme les centres de production d’énergie et les bases militaires constitue l’usage prioritaire et le plus répandu des drones dans la région. L’Egypte a notamment placé des drones à proximité de ses frontières avec Israël et la bande de Gaza et assure également la surveillance du Canal de Suez et du désert du Sinaï. Les drones sont également utilisés pour conduire des frappes contre des groupes armés : le Maroc conduit ainsi régulièrement des frappes contre le Front Polisario au Sahara Occidental.
Evan Da Costa Marques
On remarquera avec ironie et satisfaction que tous ces pays qui appartiennent au tiers monde, se dotent grosso modo de drones de la taille, de la capacité et du prix des drones de type Reaper (dont plusieurs furent récemment abattus par les Houtis) ou du Bayraktar (abattu en masse par les Russes et aujourd’hui complètement sorti du jeu).
Lents, détectables, fragiles car utilisables uniquement dans les no fly zones de la guerre moderne protégées par les défenses anti aériennes modernes, ils ne sont donc d’aucune utilité dans des guerres intenses du type Ukraine qui nous ont pourtant appris (« nous » ? ) que 1) les drones doivent être petits, peu chers, envoyés par centaines 2) ils servent à l’observation ET à l’attaque 3) Ils sont téléguidés depuis les troupes mêmes ou errant et automatisés totalement ou partiellement.
La génération suivante de ces drones, ceux qui feront les guerres ultérieures à venir sera faite d’essaims de milliers de ces engins entièrement autonomes, et à qui seront attribués des missions globales de nettoyage de zones. Ils seront guidés depuis la haute altitude et à l’écart dans un premier temps, de toutes les contre-mesures électroniques.
Reproduire, sans pilotes, l’aviation de la guerre de 14 est pitoyable.