Cette quinzaine a permis aux Ukrainiens de stabiliser le front, aux Russes de poursuivre leur micro-grignotage.
SOurce : Poulet volant ici
Déroulé des opérations militaires
Frappes dans la profondeur : Les Ukrainiens ont gardé l’initiative : ainsi, Le 18 mai, les FAU ont lancé une attaque de drones contre la base aérienne de Kushchyovskaya (située au nord du kraï de Krasnodar) et endommagé un SU-27 qui s’y trouvait. Le 19 mai, c’est le dragueur de mines russe Kovrovets qui est détruit en Mer Noire tandis que la corvette Tsiklon, stationnée dans le port de Sébastopol, est coulée à l’aide de deux missiles ATACMS. Le 20 mai, des drones frappent la raffinerie de pétrole de Slaviansk (région de Krasnodar).
Front sud : Stabilité vers Robotyne avec quelques micro-progressions russes qui réduisent peu à peu ce qu’il restait du saillant conquis l’an dernier. Toujours une pression russe aux abords d’Urozhaine tandis que les Ukrainiens cèdent lentement Staromaiorske, autre conquête ukrainienne de 2023.
Front de Donetsk : Au sud de Marinka, progression vers Novomykhailivka et ses lisières sud vers Vouhledar. Dans Krasnohorivka, la pression russe se poursuit même si les Ukrainiens conservent encore le centre et l’ouest de la localité. Plus au nord, Netailove a été prise tandis que le réduit ukrainien jusqu’à Umanske est en position inconfortable.
Dans le secteur d’Avdivka, les Russes ont avancé sur l’ensemble du front, prenant Umanske au sud, abordant Novopokorvske au centre et Sokil au nord, élargissant leur zone au nord notamment entre Arkhanshelke et la route H20.
Front de Bakhmout : A Chasiv Yar, les combats se déroulent aux abords du micro-district. Un peu plus à l’est, Klischivka a été rapidement reprise (c’était un des acquis de la petite contre-offensive ukrainienne dans le secteur, l’an dernier). Dans le secteur de Siversk, le village de Bilohorivka serait en partie investi par le Russes, les Ukrainiens tenant toujours la partie ouest du village : il est âprement disputé depuis deux ans…
Front de Svatove/Koupiansk. Les hostilités y ont repris, les Russes progressant à partir de Kyslivka au nord (prise d’Ivanivka), Krokhmalne au centre, Berestove au sud.
Front de Kharkiv : Depuis le dernier point de situation du 12 mai, soit deux jours après le déclenchement de l’offensive vers Kharkiv, les Russes ont progressé modérément (110 km² tout de même).
Sur le saillant ouest, ils sont arrivés aux lisières de Lyptsi sans réussir pourtant à conquérir la cote 200, à son ouest, qui commande la ville. La situation reste bloquée sur une ligne Lyptsi – Neskuchne. Sur le saillant est, ils ont progressé jusqu’à la rivière et pris une grande partie de la rive nord, notamment à Voltchansk, où ils n’ont pas encore investi toute la partie nord de la ville. Malgré tout, ils ont réussi à prendre plusieurs dizaines de km² mais les Ukrainiens se sont rétablis, lançant même localement quelques contre-attaques.
Analyse militaire
Reprenons les décomptes : les Russes ont pris 104 km² la semaine dernière (dont 80 dans le secteur de Kharkiv), 70 cette semaine (dont 30 vers Kharkiv), soit quand même 175 km² en deux semaines. Le gain net des Russes hors Kharkiv est donc de 25 km² la semaine dernière, 40 cette semaine dont 20 km² dans le secteur d’Avdivka. Cela prouve que l’intensité des combats reste à un niveau élevé, marquant un effort russe conséquent.
Les Ukrainiens ont réagi à l’offensive russe au nord. Ils ont déplacé des brigades, certaines venant d’autres parties du front, d’autres des réserves générales ; Malgré tout, le rapport de feu reste toujours au très grand avantage des Russes (10 contre 1) et l’effet de l’aide américaine ne se fait pas encore sentir sur le terrain.
Simultanément, les Russes ont repris leur activité sur l’ensemble des autres secteurs : pas un n’est resté inactif, pas un n’a vu au moins une petite progression russe. Cette stratégie des coups d’épingle porte ses fruits ce que montrent les calculs isolant les gains vers Kharkiv des autres. Il est ainsi significatif d’observer ce qui se passe au nord : on devine une intention russe d’aller rejoindre l’Oskil au sud de Koupiansk. De même, l’éventuelle prise de Bilohorivka ouvrirait la progression vers Siversk. Les efforts se maintiennent à CHasiv Yar tandis que la grande manœuvre de dégagement de Donetsk se poursuit et qu’on décèle quelques initiatives pour reprendre la poussée au nord-ouest d’Ocherteyne. Enfin, lentement, la reprise des territoires cédés l’an dernier lors de l’offensive ukrainienne de l’été se confirme.
Cependant, l’expectative demeure avec des incertitudes des deux côtés.
Les Ukrainiens ont-ils encore des réserves ? économisent-ils durement leurs forces de façon à préparer une initiative dans un secteur du front, grâce à l’aide américaine qui arrive lentement ? Observons que la nouvelle mobilisation se déroule sans incidents. Autrement dit, il y a une sorte de calme vaffiché par l’état-major de Kiev qui impressionne. On ne sent pas la partie ukrainienne au bord de l’effondrement et les cessions au nord de Kharkiv apparaissent bien marginales.
Du côté russe, l’observateur s’interroge également. La question est simple : assistons-nous encore à une phase de préparation de quelque chose de majeur ou les Russes ne sont-ils finalement capables que de ces grignotages, certes continus mais qui n’emportent pas de décision militaire, donc politique ? Il semble en tout cas que la poussée vers Kharkiv n’était pas la grande offensive évoquée par certains mais une simple manœuvre de diversion. Vont-ils la poursuivre ou se contenter de leurs gains ? Au fond, la réponse paraît maintenant marginale car l’attention revient sur les points chauds du front et ils se situent tous dans le Donbass qui demeure la zone d’effort majeur. La reprise des poussées au nord (Koupiansk- Svatove, Siversk), le maintien de celle au centre (Chasiv Yar) et au sud (abord de Dontesk) désignent l’ambition des Russes : reprendre le territoire des deux oblasts, avant toute chose.
Analyse politique
Du côté ukrainien, aucune initiative notable n’est à noter. La propagande russe insiste beaucoup sur le fait que V. Zelensky est désormais président au-delà de son mandat régulier ce qui n’a pas l’air de beaucoup gêner à Kiev. Aujourd’hui, le président ukrainien demeure légitime.
Le président Poutine a fait un voyage à Pékin où il a obtenu l’appui chinois même si rien de bien clair n’est sorti de la réunion.
Nous assistons depuis la réélection de Poutine à de nombreux changements de tête. Cela a commencé avec le gouvernement et l’arrivée de M. Beloussov le 12 mai 2024, à la place de S. Shoigou, lui-même nommé au Conseil de sécurité russe à la place de N. Patrouchev. Depuis, six généraux russes ont été mis sur la touche, officiellement pour des motifs de corruption, à l’évidence des prétextes pour reprendre en main la chaîne hiérarchique. Le sort d’A. Gerassimov, en place comme CEMA depuis plus de dix ans, reste pendant. Il ne serait pas absurde qu’il soit lui aussi remplacé : on regardera alors les circonstances de son remplacement et l’éventuel désaveu qu’il signifierait. Tout ceci n’indique pas forcément un pouvoir fragile : peut-être simplement V. Poutine, qui a désormais du temps devant lui, veut changer son entourage. En démocratie, on dirait qu’il s’agit de « donner un nouvel élan ». Dans un régime autoritaire, simplement de faire pression sur la cour.
Le 21 mai, les autorités russes ont mis en ligne un projet de résolution visant à modifier la définition des eaux territoriales en mer Baltique, au détriment de la Finlande et de la Lituanie. Le projet a été rapidement retiré. S’agit-il d’une erreur, ou d’une façon de tester la solidarité internationale ? Les réactions des pays baltes et de la Finlande ont été très fermes.
Constatons enfin que peu à peu, la guerre d’Ukraine disparaît des radars et de l’attention du public français.
OK
Au sujet de la mobilisation en Ukraine: les rues des villes ukrainiennes seraient vidées de leur population masculine, soit qu’elle soit déjà tout entière sur le front, soit qu’elle répugne à se faire kidnapper en allant faire ses courses: il n’est donc pas sûr que la mobilisation se passe si bien que ça…
En tout état de cause, autant les Ukrainiens souffrent terriblement des bombardements aériens effectués à longue distance avec les bombes planantes russes, autant les attaques de blindés russes restent victimes des attaques de drones ukrainiens qui pallient largement l’infériorité en artillerie, et cela bien qu’en tenant compte du vrai rapport de feu, le rapport « drone » qui reste en faveur des Russes.
Les Ukrainiens seraient donc capables avec des réserves de mauvaise qualité et des drones opérés avec expertise de bloquer les offensives russes, qui se contentent donc, comme on le dit depuis longtemps, d’écraser leurs adversaires à distance, en attendant la rupture, dont personne ne peut prévoir la date à défaut de la certitude.
J’ai une question :
une information qui m’a parue importante concernant la destruction de radar de détection précoce à Armavir en Russie. Il s’agirait d’un élément du complexe de dissuasion nucléaire russe. Avez-vous un point de vue sur cet événement ?
Bonne journée.
C’est effectivemnt quelque chose d’inquiétant car cela appartient au système de dissuasion russe et ne sert pas directement à la guerre sur le terrain.
Si je puis me permettre, l’attaque peut être considérée de deux manières suivant qu’on considère qu’elle fut menée avec l’accord ou non de l’OTAN et des USA. On rappelle qu’il s’agit d’un radar « stratégique » chargé de détecter des missiles à plusieurs milliers de kilomètres.
Si oui, il s’agit d’une attaque par proxy de la dissuasion nucléaire russe par l’OTAN, qui entérine donc de manière définitive la nature d’une guerre qui n’a pas grand-chose à voir avec l’Ukraine et qui justifie l’entièreté du discours russe depuis le début: l’agressivité de l’Ukraine sert de paravent à une menace militaire à son égard.
Si non, il s’agit d’un acte de terrorisme sans intérêt stratégique pour la guerre en cours et qui vise donc exclusivement à impliquer l’OTAN et les USA. Là encore, cela justifie le discours russe décrivant la direction ukrainienne comme fanatique et fasciste, et donc honteusement instrumentalisée par un Occident hypocrite.
Dans les deux cas, cela ne pourra que confirmer la volonté russe, sans doute déjà effective, de détruire et démembrer l’Etat et la « nation » ukrainienne, et aussi d’infliger sans concessions, une humiliation effective maximale à ce qu’on appelle l' »Occident global » qui sortira extrêmement affaibli de toute l’affaire.
L’histoire retiendra que ces deux conséquences auront été exclusivement provoquées par des politiques américaines et européennes erratiques et imbéciles et surtout impardonnables.