LV 247 : Les risques du contre-épaulement nucléaire | Désarroi européen | Notules d’été

Lettre de La Vigie du 24 juilelt 2024

Les risques du contre-épaulement nucléaire

Le concept d’épaulement entre forces conventionnelles et dissuasion nucléaire fait partie du débat stratégique français depuis 2020. Or celui-ci, pour être pertinent nécessite de conserver de part et d’autre une séparation stricte entre forces nucléaires et forces conventionnelles. Le développement par les principaux compétiteurs d’armes nucléaires de faible puissance pouvant être emportés par des missiles de croisière ou antinavires, induit un brouillage progressif entre ces catégories, rendant a priori inopérant l’épaulement tel que conçu jusqu’ici.

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Désarroi européen

Les récentes élections au parlement européen et au Royaume-Uni n’ont pas suscité une profonde remise en cause des dynamiques, malgré la fragmentation politique croissante. Au fond, cet exercice démocratique ne cache ni l’impuissance européenne, ni le désarroi qui se fait jour. On « reconduit » faute de mieux, incapable de s’adapter au tourbillon géopolitique.

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Notules d’été

Plusieurs notes de lecture pour cet été.

La bombe

Alcante, LF. Bollée, D. Rodier, Glénat, 2020

Un « roman graphique » plutôt qu’une bande dessinée, même s’il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un long documentaire sur la genèse de « la bombe » jusqu’au drame du 6 août 1945. Plusieurs fils conducteurs, suivant les destins au départ très différents de personnes de par le monde, convergent tous progressivement vers l’explosion atomique à la fin de l’ouvrage. Même l’uranium y « prend parole » de manière judicieuse. On comprend que plus rien ne sera comme avant.

Loin de juger, ce livre en noir et blanc explore, présente et suscite la réflexion. Les portraits des scientifiques sont particulièrement réussis, car souvent ignorés. On en ressort bouleversé devant l’énergie créatrice humaine déployée pour libérer une énergie destructrice nucléaire, qui risque de dévorer ses enfants. À méditer.

Ceux qui restent

J. Michelin, Éd. Héloïse d’Ormesson, 2022

Sur fond de stress post-traumatique, ce roman dresse le portrait de plusieurs militaires et de leurs conjoints, pour illustrer les défis que tous doivent relever individuellement et/ou collectivement afin de concilier un engagement professionnel exigeant – parfois traumatisant – et une vie personnelle. Certains souvenirs ne nous quittent jamais et marquent les esprits et les chairs pour toujours. L’ouvrage se lit facilement et le ton est juste.

On est rapidement captivé par un groupe de soldats en activité ou à la retraite qui part à la recherche d’un camarade subitement disparu sans laisser de traces. Curieusement, pas de portrait de Saint-Cyrien, alors que l’auteur en est un. Il n’y a que le dénouement qui est hélas moins convaincant et détourne quelque peu l’attention du lecteur des sujets abordés précédemment.

De la police scientifique à la traçologie

Olivier Ribaux, EPFL, 2023

Le lien entre la trace (qui est l’objet d’étude de la science appelée traçologie ou forensique) et la stratégie peut sembler ténu. Pourtant, à partir des traces collectées, la forensique est capable d’élaborer du renseignement qu’il appartient aux décideurs d’utiliser. Elle permet aussi, via les probabilités bayésiennes, d’évaluer la probabilité d’occurrence d’un fait, sachant l’a-priori de celui qui la calcule.

Partant des faits, elle permet d’éviter les effets de panique comme celle qui a eu lieu lors de l’affaire des équidés mutilés, réplique d’une affaire similaire qui avait eu lieu en Suisse quelques années auparavant. La récente déclaration de Sydney offre une grille d’analyse intéressante pour prendre une décision. Une lecture chaudement recommandée, d’autant que le livre est aussi librement téléchargeable.

L’esprit malin du capitalisme

Pierre-Yves Gomez, DDB, 2019

Après avoir financiarisé les entreprises et l’économie, le capitalisme est devenu spéculatif et non plus accumulatif : l’avenir sera forcément meilleur. Alors, qu’importent les dettes que l’avenir annihilera du fait de l’augmentation de la valeur du produit ! Utilisant une rationalité mimétique, chacun est un Narcisse valorisant ses capitaux (santé, social, humain, etc.) ce qui amène à une société de plus en plus individualiste de micro-capitalistes.

La faille de la spéculation réside dans la croyance collective que tout va croître. Mais croyance n’est pas fait, d’où l’explosion de bulles spéculatives, l’obligation de numériser, d’innover, d’où aussi la nécessité d’avoir aussi des relais de croyance pour entretenir cette illusion. Et si nous arrêtions de nous bercer d’illusions ?

La fabrique des agents secrets

JC Notin, Tallandier, 2024

Nous avions déjà signalé un précédent ouvrage de J-C Notin sur la DGSE (LV 123). L’auteur poursuit son enquête en publiant les entretiens qu’il a eu avec divers membres de la « boîte », passant en revue les différentes fonctions qui peuvent être tenues par les uns ou les autres (toujours sous pseudo, bien sûr). Du personnel de direction aux administratifs, des différents types d’analystes aux spécialistes de l’action sur le terrain, les témoignages donnés sont exceptionnels. Ils ne trahissent aucun secret mais son passionnants pour mieux comprendre l’héritière du BCRCA. Le lecteur saisit la complexité des travaux menés mais aussi le dévouement discret de tous ces agents qui œuvrent, cachés, au succès des armes de la France.

La lecture est facile et rend optimiste. Un livre sérieux à lire en vacances.

Histoire mondiale des RI

A. Grosser (dir), Bouquins, 2023

Cette somme constitue une référence pour qui s’intéresse aux relations internationales. Sous la direction de P. Grosser, ancien directeur de l’institut diplomatique et spécialisé sur l’Asie, l’ouvrage a pour ambition de couvrir une longue période (de 1900 à nos jours, est-il indiqué en sous-titre) et le monde entier. Douze chapitres décrivent, l’une après l’autre, les douze décennies de la période, chacun écrit par un spécialiste. En conclusion, P. Grosser rédige un chapitre conclusif sur « les premières années de 2020 ».

La méthode est séduisante car elle s’affranchit des coupures habituelles (guerres mondiales, décolonisation, guerre froide) tandis que le spectre mondial permet des ouvertures et des précisions surprenants mais toujours utiles.

Guerre

L-F Céline, Folio, 2023

Guerre est un livre posthume, retrouvé près de 60 ans après la mort de Céline et présenté au public en 2022. Le manuscrit est un premier jet non-corrigé, très différent donc des autres ouvrages de Céline puisque celui-ci reprenait sans cesse ses textes. Malgré ces réserves, voici un texte passionnant qui prend, d’une certaine façon, la suite du Voyage au bout de la nuit (que Céline considérait comme achevé. Il tient à la fois du récit et du roman. Récit au début qui raconte la blessure de Céline au front, son évacuation et ses premiers soins à un hôpital de campagne, avant d’évoluer peu à peu vers un roman échevelé et bizarre.

Outre le style célinien et son langage parlé et argotique qui témoigne d’une certaine jactance courante dans les tranchées, le témoignage de première main sur les hasards de la guerre et les conditions de soin à proximité du front valent la lecture.

Espionner mentir détruire

Untersinger, Grasset, 2024

Si la stratégie du cyberespace a peu évolué depuis près de dix ans, si les principales conclusions ont été tirées, il reste important de revenir régulièrement sur le sujet et notamment le « théâtre des opérations ». Martin Untersinger, enquêteur au Monde et spécialiste chevronné du sujet, propose ainsi un beau livre d’enquête décrivant, grâce à des entretiens de première main auprès des acteurs des différents cas racontés, les multiplies agressions qui se sont déroulées dans le cyberespace au cours de la décennie.

Il ne s’agit pas de guerre ni de champ de bataille, n’en déplaise au sous-titre un peu racoleur, mais à tout le moins d’un lieu d’affrontement incessant et, la plupart du temps, sous le seuil de visibilité. Ses évolutions et actualités sont racontées avec l’aisance du journaliste qui sait emmener son lecteur sur un domaine souvent abscons. De la bonne vulgarisation.

Le chevalier de Jérusalem

Victor K., Robert Laffont, 2024

Qu’est-ce qui fait un bon roman d’espionnage ? La vraisemblance tout d’abord et les détails, aussi bien sur les procédures que sur les toiles de fond géopolitiques, qui montre que l’histoire contée « aurait pu » se passer. On est donc loin de James Bond ou de SAS, même si ces deux exemples sont fort divertissants. De ce point de vue, la série « Service action » créée par Victor K., est d’excellente tenue.

Mais ce quatrième opus est particulièrement réussi car le personnage central du livre, qui n’est pas le héros, est simultanément attachant et inquiétant. Voici une belle personnalité que nous a imaginée l’auteur, qui du coup met le service action en arrière-plan, ce qui n’est pas gênant (et d’ailleurs, conforme à la vocation du service). Un excellent moment de détente.

JOVPN

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Crédit photo : https://lefrenchdebat.fr/lunion-europeenne-et-ses-institutions/

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