On pensait que l’invasion de Irak et le fiasco en Libye leur avaient servi de leçon : que nenni ! Les néocons sont de retour, avec le même discours copié-collé de leur vieille antienne : il faut aller à Beyrouth, il faut bombarder Téhéran, il faut marcher sur Damas ! Que Tsahal gendarme la région et ressuscite le nation building ! Et après…?
Redisons-le, la grande chance d’Israël est qu’il n’existe pas de Vaclav Havel jordanien ni de Nelson Mandela égyptien. Imagine-t-on les colons de Cisjordanie perpétrant leurs exactions à portée des canons jordaniens, si ne trônait pas à Amman un roi à l’épouse si gracieuse sur les couvertures de Paris Match ? Imagine-t-on les commandos israéliens encageant les Palestiniens contre les grilles du point de passage de Rafah, si au Caire ne régnait pas un raïs autoproclamé ? Et ne parlons même pas du Golan à quelques lieues du boucher de Damas. Mais nos stratèges de salon vont y remédier puisqu’une fois débarrassé de ces malfaisants et le droit comme la morale rétablis dans la région, Israël, retranché derrière son Dôme de Fer, ses 120 têtes nucléaires et ses sous-marins Dolphin équipés de SLCM Popeye Turbo, pourra enfin mettre en œuvre ce qui est son désir le plus cher depuis tant de décennies : appliquer la Résolution n° 242 du 22 novembre 1967 des Nations Unies qui exigeait « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » quelques mois plus tôt.
Car comment des esprits aussi brillants que ces polygraphes de cour pourraient-ils imaginer qu’Israël, une fois les questions sécuritaires et terroristes réglées et les prétextes à l’occupation disparus, pousse son avantage militaire et règle la question palestinienne en déportant les habitants de Gaza dans le Sinaï, et ceux de Judée et de Samarie de l’autre côté du Jourdain ? C’est donc que pour eux Israël, objet de leur soutien encomiastique, devra évidemment au terme de cette guerre victorieuse rendre le Golan à une Syrie fréquentable, démanteler ses colonies de Cisjordanie et rapatrier leurs occupants au risque d’une guerre civile, et que la Palestine pourra être créée conformément au vote de l’ONU de 1947 et aux frontières fixées à Rhodes en 1949. Bien sûr.
Il n’y a pas de meilleurs promoteurs d’un État palestinien que ceux qui poussent Israël à l’extension du conflit. Il y aura bien quelques esprits chagrins pour leur en faire le reproche et ne pas comprendre que ses indéfectibles amis marquent contre son camp ; mais le bon goût parisien ne peut pas faire plaisir à tout le monde en même temps.
Le Cadet