Bilan n° 99 du 3 novembre 2024 (guerre d’Ukraine)

Situation toujours préoccupante pour les Ukrainiens dans le Donbass du sud où les Russes font effort pour prendre Khourakove. Le reste du front est stable.

Source Poulet volant (ici)

Déroulé des opérations militaires

Front sud :  Les Russes ont un peu poussé au sud-ouest de Grand Novosilka. https://x.com/Pouletvolant3/status/1853027563003584982/photo/2 De même, petite progression à l’est de Robotyne, vers Orikhiv https://x.com/Pouletvolant3/status/1853005783341871310/photo/1 .

Front de Donetsk : Dans le secteur de Vouhledar, la progression russe a été constante. Les villages de Shakhtarske, Yasna Poliana, Novoukrainska, Maksymivka, Bohioavenka ont été saisis. Un peu plus au nord, Makymilianivka a été pris, les Russes abordant les faubourgs Est de Kourakhove. https://x.com/Pouletvolant3/status/1853005777788633418/photo/4

Au nord de la Vovcha, Hyrnik, Kurakhivka, Izmailivka et Oleksandropil ont été pris tandis que les Russes ont progressé à l’ouest de Tsukuryne jusque Novodmytrivka. Plus loin, Selidove est tombée ainsi que Vyshneve. https://x.com/Pouletvolant3/status/1853005777788633418/photo/3

Stabilité dans le secteur de Toretsk : https://x.com/Pouletvolant3/status/1851246874428125436/photo/1

Front de Bakhmout : Pas de changement à Chasiv Yar https://x.com/Pouletvolant3/status/1852658069827735944/photo/2 ni dans le secteur de Secteur de Siversk :

Front de Svatove/Koupiansk. Secteur de Kremina : Nevske et Novosadove à son sud ont été pris par les Russes. Combats aux faubourgs de Terny https://x.com/Pouletvolant3/status/1852658069827735944/photo/1

Secteur de Pischane : Kruliakivka est passée aux Russes. Plus au nord, dans le secteur de Koupiansk, les Russes ont avancé au sud de Synkivka https://x.com/Pouletvolant3/status/1853005777788633418/photo/2

Front de Kharkiv : RAS

Front de Soudja : Pas beaucoup d’évolution si ce n’est des réductions de zones grises : carte du 20 octobre https://x.com/Pouletvolant3/status/1848296887914234206/photo/1 à comparer à la carte du 2 novembre https://x.com/Pouletvolant3/status/1853005777788633418/photo/1

Analyse militaire

Constatons une stabilité dans la poche de Soudja. Après ajustement, l’Ukraine aurait récupéré 33 km², la Russie 5 km² cette semaine (https://x.com/Pouletvolant3/status/1853027563003584982/photo/2).

Dans le Donbass, les Russes ont pris aux Ukrainiens 168 km² il y a deux semaines, 200 km² cette semaine. Le rythme de progression quotidienne est passé à plus de 25 km² par jour.

Hormis quelques combats du côté de la Zherebets au nord du Donbass, l’essentiel des combats se déroulent au sud. Selidove étant tombé, les Russes font maintenant effort au sud pour saisir Kourakhove. La manœuvre est lisible depuis septembre (cf. point de situation 96 où j’énonçais ses principes, ici). J’écrivais alors « Pour Moscou, il s’agit non seulement d’arriver avant l’hiver à établir une ligne de front entre Pokrovsk et Grand Novosilka, mais aussi de reprendre une grande partie méridionale de l’oblast de Donetsk et enfin de préparer une offensive sur le reste de l’oblast de Zaporijia ». Ceci explique pourquoi ils ne font plus d’effort contre Povkrovsk mais contre Kourakhove avec une large tenaille enveloppante. Une pince part du sud (Zolota Nyva) et fonce vers Kostantynopil, au nord : il s’agit de couper la pénétrante logistique N15 qui approvisionne Kourakhove, mais aussi de menacer les arrières de Grand Novosilka. Une autre pince se développe au nord du réservoir de la Vovcha, au sud-ouest de Selidove, pour couper l’ouest du réservoir. Alors, Kourakhove serait complétement encerclée. Ceci explique donc la manœuvre actuelle et le rythme des opérations : les Ukrainiens battent en retraite quand il est encore temps pour éviter de laisser des mini saillants. Les prises russes de territoire ne devraient pas baisser dans les prochains jours.

On devrait arriver à la fin de décembre à une ligne ukrainienne provisoirement établie entre Pokrovsk, Andrivka et grand Novosilka, ligne annoncée dès le 1er septembre (https://www.lettrevigie.com/blog/2024/09/01/bilan-n-95-du-1er-septembre-2024-guerre-dukraine/ ).

Les choses ne devraient pas s’arrêter là. Si l’essentiel de l’oblast de Lougansk a été conquis par les Russes, celui de Donetsk n’est sous leur contrôle qu’aux deux-tiers. Ils vont logiquement vouloir élargie leur zone et pour cela prendre Grand Novosilka, qui leur permettra d’atteindre les limites occidentales de l’oblast mais aussi de peser plus à l’ouest sur l’oblast de Zaporijjia. De même, ils pourraient pousser au nord d’Andrivka de façon à atteindre l’arrière de Pokrovsk tout en suivant la limite de l’oblast. Si Pokrovsk tombe (mettons au début du printemps), alors s’ouvrira la grande bataille pour le reste de l’oblast de Donetsk avec Kramatorsk et Sloviansk. On peut imaginer ici que les Russes tenteront de couper les pénétrantes logistiques qui viennent de l’oblast de Dniepro.

Se pose ici la question du rythme des opérations. Alors qu’il a augmenté ces dernières semaines, nous sommes très loin des grands mouvements blindés mécanisés que l’on a pu connaître lors de la 2ème guerre mondiale. Cela tient ici encore à une chose : la logistique. Les Russes avancent car ils coupent la faible logistique ukrainienne. Mais ils y arrivent grâce à une supériorité d’artillerie qui est elle-même très grosse consommatrice de logistique. Aussi ne faut-il pas imaginer un écroulement ukrainien, comme j’ai pu le lire sous certaines plumes. C’est probablement ce que les Ukrainiens regardent avec sang-froid : il n’y a rien aujourd’hui d’irrémédiable. Quoi que l’on pense de l’opération de Soudja, Kiev y tient encore 650 km² de territoire russe. Malgré tout, la situation est objectivement mauvaise et à l’horizon, aucun facteur ne permet l’optimisme. Mails il faudra encore plusieurs mois aux Russes pour conquérir l’oblast de Donetsk, qu’ils revendiquent depuis le début.

Analyse politique

Nous sommes à quatre jours de l’élection du 4 novembre. Elle maîtrise aujourd’hui les horloges.

L’autre grande affaire de la quinzaine a été l’annonce de renforts nord-coréens. Du point de vue de Pyongyang, cela paraît logique : avoir fourni des obus est une chose, augmenter l’expérience opérationnelle de ses troupes quand on est un pays très isolé une autre chose, tout aussi significative. On peut donc tout à fait imaginer que quelques milliers d’hommes viennent en Russie : les chiffres annoncés (par les seuls services occidentaux, rien n’est venu ni de Moscou ni de Corée) ont varié entre 2.500 et 12.000 : il semble selon les Américains qu’ils ne soient aujourd’hui que 8.000.

Logiquement, ce détachement s’inscrit dans le cadre du traité signé entre les deux pays. Rien d’illégal. Toute la question est désormais de savoir si ces soldats seront engagés et où. 8000 hommes ne constituent pas forcément un grand avantage pour les Russes : ils ne parlent pas la langue, ne connaissent pas les procédures, n’ont aucune expérience combattante. Ils seront donc engagés probablement en deuxième rideau ou pour garder une zone sans danger. Où ? beaucoup (moi le premier dans différentes interviews) mentionnent la poche de Soudja, pour la bonne raison qu’elle est en territoire russe : nous serions alors dans le cadre non seulement du traité bilatéral mais aussi de ce qui est communément accepté par le droit international.

Si c’était dans une zone du Donbass, la chose poserait évidemment un problème. Pour les Russes, les quatre oblasts font partie de la Russie depuis le « référendum » de l’automne 2022. Mais ils n’ont pas été reconnus par la communauté internationale qui considère qu’ils sont toujours ukrainiens. Elle pourrait dès lors dénoncer avec Kiev une situation de cobelligérance ce qui justifierait son propre engagement sur le terrain (à supposer que les Occidentaux soient prêts à engager des troupes au côtés des Ukrainiens). C’est ce qu’espère Kiev. Il est probable que la Russie ne le fera pas. Tout n’est pas négatif pour l’Ukraine cependant : un engagement nord-coréen sur le terrain, même à Soudja, justifiera à Séoul de s’engager plus avant auprès de Kiev et donc de fournir armements et obus : par les temps qui courent, ce serait une aubaine.

OK

One thought on “Bilan n° 99 du 3 novembre 2024 (guerre d’Ukraine)

  1. Pour toutes les raisons exposées ici (difficile mise en oeuvre, difficultés juridiques, activation de la Corée du Sud), l’utilisation prochaine par la Russie de troupes nord coréennes est bien sûr ce qu’on appelle une « fake news », ultime tentative ukrainienne pour convaincre les occidentaux du danger asiate, celui-là extrême géographiquement, le Bouriate, déjà invoqué, étant lui trop occidental…

    On avait déjà aussi subi les attaques contre les centrales nucléaires (menées par contre par les Ukrainiens régulièrement) les attaques contre les civils ( menées par les Ukrainiens contre Donetsk régulièrement), les tortures contre les prisonniers etc. Sans parler des mercenaires à leur service dont des Américains et des Français… Tout ça de la part d’un président qui n’est plus élu et assume son statut de pseudo dictateur d’un État fantoche et corrompu, vivant sous la menace de fanatiques nationalistes qui continue d’animer l’ignoble boucherie de son propre peuple…

Laisser un commentaire