Bilan n° 102 du 22 décembre 2024 (guerre d’Ukraine)

La lente érosion ukrainienne se poursuit, sans percée russe majeure. Si la question des négociations est au premier plan des débats, rien ne transpire vraiment des paramètres.

Source carte : Billet volant sur BS (ici)

Déroulé des opérations militaires

Front sud : Pas de changement notable à l’ouest et au centre (une petite opération de franchissement du Dniepr par les Russes aurait été signalée, tandis que les Urkainiens auraient repris un peu de terrain au sud de Kamianske, ici).

Grand Novosilka devrait bientôt tomber. Au sud, les villages de Blahotadne et probablement de Makarivka ont été pris. Storozheve est pratiquement encerclé. La route 509 à l’ouest est sous la menace directe des feux russes. Au nord, la route 518 est coupée et les Russes ont pris Novyi Komar. Cela signifie que deux des pénétrantes vers le bourg sont coupées et que la troisième n’est plus sûre. (voir carte).

Front de Donetsk : Les Russes ont pris la partie urbaine de Kourakhove, les Ukrainiens ne contrôlant plus que la partie industrielle. Au sud, Uspenivka a été pris, tout comme Sukhi Yaly et le hameau de Zelenivka, ce qui signifie que la dernière pénétrante, la N15, est à 1,5 k des feux russes : ils sont aux portes de Kostiantynopil. Désormais, ils semblent se diriger vers Andriivka pour établir une nouvelle tenaille. (carte). Au nord de la Vovcha, les Russes ont pris Stari Terny, Sonstivka et Zoria, pour tenter de coiffer Andriivka par le nord.

C’est dans le secteur de Pokrovsk que les choses ont le plus bougé. Ils ont ainsi progressé le long de la rivière Solona, prenant Novotroitske et entrant dans Novoolenivka par le nord. Ils ont surtout pris Shevchenko et Dachenske, tournant Pokrovsk par le sud. Ils n’en sont qu’à 2 km. Mais il est probable qu’ils vont continuer de pousser vers l’ouest pour prendre Pischane, ce qui leur permettrait de couper la pénétrante 406 venant de l’ouest et donc de tourner la ville de Pokrovsk. Il faut ici noter que leur pion le plus avancé n’est qu’à 10 km de la limite de l’oblast de Donetsk avec celui de Dniepro.  (carte).

A Toretsk, les Russes ont quasiment pris toute la partie sud de la ville mais aussi le faubourg de Nelipivka. Ils ont légèrement progressé dans le centre. (carte)

Front de Bakhmout : Peu de changements à Chasiv Yar où les combats se déroulent désormais dans la zone industrielle, La quart oriental de la ville est sous leur contrôle et ils cherchent à percer au centre pour couper le bourg en deux (carte).

Front de Svatove/Koupiansk. Secteur de Kremina/Siversk : sans changement (carte)

Secteur de Pischane : Elargissement de leur point d’appui à Kruliakivka (carte).

Secteur de Koupiansk : la tête de pont outre Oskil à Masiutivka serait encore tenue et les Russes seraient aux faubourgs sud de Dvorichna. (carte).

Front de Kharkiv : RAS

Front de Soudja : Les Russes ont repris leur poussée, prenant à l’ouest Zeleny Shiyak. Ils font effort contre Malaya Loknya au nord et Martynovka à l’est afin d’isoler Soudja. Des combattants nord-Coréens auraient été engagés avec des pertes. Carte

Analyse militaire

Depuis le début de l’année, la Russie a pris à l’Ukraine 3434 km² (carte).

Dans la poche de Soudja, les Russes ont repris leurs efforts. La Russie a pris 18 km² il y a trois semaines, 0 il y a deux semaines, 94 km² cette semaine (carte hebdo et carte du jour ajoutant 11 km²). L’Ukraine ne contrôle plus que 466 km² de territoire russe.

Dans le Donbass, les Russes ont pris aux Ukrainiens 97 km² en semaine 49, 107 km² en semaine 50, 105 km² cette semaine (carte). Le rythme de progression quotidienne s’établit à 15 km² par jour.

L’Ukraine cède du terrain mais localement, sans effondrement général.

*

Nous sommes au début de l’hiver. Les progressions russes ont plutôt ralenti, passant de 25 à 15 km² quotidiens. Les Russes ont marqué un petit effort dans la poche de Soudja, sans grand succès avec peut-être l’engagement de soldats nord-coréens (emploi très probable mais non confirmé par des preuves formelles). Les progressions ont été minimes entre Koupiansk et Chasiv Yar. La défense ukrainienne de Toretsk touchera bientôt ses limites. Quand la ville tombera (février ?), cela ouvrira le chemin à l’agression de Kostiantynivka par le sud. La prise de ce bourg occupera les Russes tout l’été. Nous sommes loin des percées fulgurantes rêvées par certains admirateurs de l’armée rouge.

Plus au sud, la manœuvre russe suit le plan, de façon très procédurale : création de mini sacs à feux, pris en tenaille pour forcer les défenseurs ukrainiens à céder dans de plus ou moins bonnes conditions. Ce fut le cas pour la rivière Sukhy Yali, puis en ce moment à Kourakhove ou à Grand Novosilka, demain à Andriivka. Ce n’est pas brillant mais tient compte de la supériorité russe en appui feux et d’une infanterie peu aguerrie.

Cependant, le siège annoncé d’Andriivka (février ? mars ?) ouvrira de vraies perspectives aux Russes : non seulement pour atteindre les frontières de l’oblast de Donetsk mais aussi une vraie ouverture, soit plein ouest vers l’oblast de Dniepr (au nord de l’actuelle ligne défensive de Zaporija), soit au nord pour terminer le contournement de Pokrovsk. Tout ceci est lent, besogneux, sans éclat, à peine efficace. Cela permet aux Ukrainiens, malgré leurs énormes difficultés, de tenir encore et toujours. Le « rouleau compresseur russe », fantasmé par beaucoup, ne roule pas vraiment et compresse peu. Juste assez pour grignoter le territoire ukrainien, contre une armée affaiblie et sans guère de ressources.

De là à imaginer qu’ils puissent pousser très loin, non seulement en Ukraine mais même au-delà, revient à grossir exagérément une menace qui ne devrait effrayer personne (sur le plan conventionnel). C’est pourquoi les cris d’orfraie, poussés par certains en vue de « mobiliser les cœurs et les âmes », sont ridicules. On peut (on doit) réarmer sans caricaturer la situation. Car si les Russes sont mauvais, ils sont endurants : cela devrait suffire à nous inciter à nous muscler.

Il faut tenir compte de cette inefficacité globale, à l’heure des négociations et peut-être de la refonte d’une architecture de sécurité en Europe. Les Russes peuvent tenir l’échange mais sans convaincre vraiment, donc sans parvenir réellement à leurs objectifs. Il faudra leur faire savoir quand on discutera des rapports de force.

Analyse politique

Peu de choses ont vraiment avancé sur le front des négociations. D. Trump a fait savoir que cela prendrait peut-être plus de 48 h : qui en doutait ? On voit bien cependant qu’il pèse durement sur l’Ukraine pour la pousser à transiger.

Le côté russe se présente sans surprise ouvert à des négociations, mais il ne faut pas prendre ceci pour argent comptant : discuter ne signifie certainement pas signer, ni même volonté de parvenir à un accord. Chacun roule un peu des muscles pour montrer à l’autre qu’il est prêt à poursuivre l’effort. C’est certainement plus vrai de la part des Russes que des Américains.

On notera enfin un argument produit par Moscou : le Kremlin ne signera pas avec Zelensky puisque celui-ci ne serait plus légitime, les élections présidentielles ayant été repoussées sine die. L’apparition de cet argument suggère que Moscou n’est pas vraiment disposé à trouver une solution négociée à l’arrêt des hostilités. C’est de mauvais augure.

Sur cette note sombre, je vous souhaite un très joyeux Noël et un bon repos de fin d’année.

NB : pour ceux qui recherchent des sources cartographiées, outre Pouletvolant qui est passé sur BS (ici), je suis régulièrement sur Twitter (qui reste incomparablement plus riche) Majakovsk (ici), Suryiak (ici), AMK (ici), clement molin (ici), playfra (ici), Jomini (une fois par mois, ici), Damish (ici). Avec tout ceci, on obtient une vue assez complète de la situation (sachant que la plupart de ces sources reprennent Deepstate, par exemple AMK ici)

OK

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