L’essoufflement de la poussée russe se confirme sans que l’on sache si c’est durable. Le temps des négociations s’allonge.
Source Poulet Volant
Déroulé des opérations militaires
Front sud : Front calme depuis la chute de Grand Novosilka (carte).
Front de Donetsk : Les Russes sont entrés dans Dachne et ont avancé jusqu’au centre d’Andrivka, saisissant notamment le carrefour central qui mène à Kostiantiniopil. Les Ukrainiens devraient se retirer bientôt de Dachne et Ulakly pour constituer un môle défensif à Kostiantiniopil (carte) qui serait le dernier verrou du sud Donbass.
Dans le secteur de Pokrovsk, situation stable sans grand changement, avec qq petits coups de mains ukrainiens qui manifestent ainsi l’essoufflement russe dans le secteur. (carte).
Toretsk a été revendiquée par les Russes même si quelques comptes ukrainiens affirment que quelques lisières seraient toujours aux mains de Kiev (carte).
Front de Bakhmout : A Chasiv Yar, les Russes ont progressé au sud, prenant le bois et la zone à l’ouest du canal (zones que nous disions menacées il y a 15 jours).S’ils atteignent la cote 260, ils domineront la partie ouest de la bourgade qui devrait alors céder (carte).
Front de Svatove/Koupiansk. Secteur de Kremina/Siversk : sans changement (carte). Les Russes ont un peu élargi leur tête de pont de l’autre côté de la Zherebets à hauteur de Terny et ont un peu poussé vers le sud à Yampolivka (carte).
Secteur de Pischane : Sans changement (carte).
Secteur de Koupiansk : la tête de pont outre Oskil est élargie avec le contrôle de Dvorichna et la prise de Zapadne (carte). Plus au nord, non loin de la frontière, une autre tête de pont a été créée à hauteur de Topoli (carte).
Front de Kharkiv : RAS
Front de Soudja : Malaya Lokhna reste ukrainienne. Cette semaine, les Ukrainiens ont lancé une petite attaque au sud-est de Soudja prenant le village de Kolmakov et le hameau de Fanasayevka (carte).
Analyse militaire
Dans la poche de Soudja, les Russes ont repris leurs efforts. La Russie a pris 5 km² la semaine dernière, et rendu 13 km² cette semaine. L’Ukraine contrôle 427 km² de territoire russe (carte).
Dans le Donbass, les Russes ont pris aux Ukrainiens 67 km² la semaine dernière, 40 km² cette semaine (carte). Le rythme de progression quotidienne est descendu à 7,5 km² par jour (sur deux semaines)
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A part la saisie prochaine d’Andrivka, les opérations russes se sont fortement réduites dans le sud du Donbass. Chasiv Yar demeure une zone d’effort ainsi que la tête de pont au nord de Koupiansk. Les Ukrainiens ont lancé au cours de la quinzaine quelques contre-attaques localisées sur l’ensemble du front, l’une ayant un peu plus d’ambition dans le sud de la poche de Soudja, pour dégager les approches du bourg. L’ensemble permet aux Ukrainiens de diversifier leurs intentions, donc de créer de l’incertitude chez les Russes : ceci est peut-être une des raisons de la baisse de l’effort russe. A Soudja, l’intention paraissait plus conséquente (garantir la tenue de Soudja qui commençait à être pressé) et a entraîné des assauts plus nourris, donc des pertes plus nombreuses.
L’observateur s’interroge alors sur les raisons de la baisse de progression russe. Plusieurs viennent à l’esprit.
- Baisse relative du RAPFEU
- Equilibrage du RAPDRONE (la guerre des drones connaît une évolution constante : on lira l’excellent article de Vincent Tourret [fil] dans le dernier Vortex)
- Efficacité des frappes ukrainiennes dans la profondeur (que j’ai peu évoquées jusqu’à présent mais dont le caractère systématique ne doit pas être négligé) : cela commencerait à avoir des effets tactiques en frappant aussi bien les dépôts de proximité que les sites de production et de stockage situés plus loin dans l’arrière russe.
- Epuisement du stock russe de véhicules blindés (précisons ici : l’emploi de mules dont certains se sont gaussés est tout sauf stupide, car l’animal suppose peu de logistique, a des capacités d’emport et de franchissement tout-terrain incroyables au rythme de l’infanterie, et quand il meurt, procure une alimentation de proximité non négligeable : est-ce un hasard si les troupes alpines françaises réexpérimentent ce moyen ?).
- Pause opérationnelle décidée pour des raisons tactiques ou politiques.
Restons prudent avant de conclure trop vite car dans cette guerre d’attrition, rien n’est joué surtout si la guerre doit durer encore de nombreux mois, ce qui paraît désormais le plus probable.
Analyse politique
Le général Kellog a donné quelques éléments cette semaine, appelant notamment les Ukrainiens à organiser des élections (présidentielle puis législatives) dans l’année. Cela semble répondre à une exigence de Poutine pour qui la direction ukrainienne actuelle n’a pas la légitimité de signer quoi que ce soit.
Il apparaît de plus en plus clairement qu’il y a deux négociations parallèles : l’une entre Moscou et Washington, l’autre entre Kiev et Washington. Washington semble mettre une très grosse pression sur Kiev. V. Zelensky fait ce qu’il peut pour complaire à D. Trump. Le débat sur les terres rares (exploitation offerte en garantie de soutien) me paraît assez accessoire par rapport à l’essentiel : quels sont les termes de l’échange ?
Or, malgré les menaces réitérées de sanctions, l’Amérique a peu de moyens pour peser sur la Russie. Nous avons évoqué il y a quinze jours l’arme du pétrole, difficile à manier. Aussi, on a l’impression que si les pourparlers se poursuivent, ils sont encore peu conclusifs ce qui expliquerait les déclarations dilatoires des Américains. Nous en saurons peut-être un peu plus cette semaine lors de la conférence de sécurité de Munich (le Davos géopolitique annuel).
OK