Etudes Stratégique n° 4 : La France vue par ses proches

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La France est-elle intimidante, résolue, respectable, aimable, cohérente, fiable ? Comment est-elle perçue à l’extérieur ?

Ces questions, avec d’autres, (Quels sont les atouts stratégiques de la France ? Quels sont ses défauts et limites ? Quels accords stratégiques ou quels projets faudrait-il développer en commun ?), nous les avons posées à des chercheurs de pays proches de la France, voisins et partenaires.

 Cityscape with Eiffel Tower

Tous ont répondu sans fard, signe que la France continue de ne pas laisser indifférent, au plan stratégique. Elle demeure donc un acteur qui compte. Nous déplorons toutefois que les chercheurs américains sollicités, trop occupés par la force des débats de l’élection présidentielle américaine, aient passé leur tour : faut-il y voir un désintérêt pour la France ou l’habituel américano-centrisme ?

On lira ci-dessous ces contributions diffusées au premier semestre 2016 comme un large tour d’horizon des regards portés sur la France par des proches. On découvrira avec une certaine surprise que la principale pétition qui se dégage de ces propos parfois lapidaires est que, dans le désordre actuel, la France doit d’abord être la France, autonome, lucide, engagée et impartiale, ce qu’elle n’est sans doute plus assez.

Ainsi, pour reprendre les trois questions proposées, la plupart des auteurs reconnaissent à la France d’être la première puissance militaire européenne et qu’elle est quasiment la seule nation européenne à avoir un rôle à l’échelle du monde. A contrario, le principal reproche qu’on lui fait est de ne pas assez coopérer ou, plus exactement, de se comporter de façon unilatérale (et non intergouvernementale). La plupart des auteurs répondent enfin qu’il y a des espaces de coopération entre leur pays et la France : ici, la diversité des demandes empêche d’identifier un axe clair, ce qui suggère que la ligne stratégique de la France doit être multiple et s’orienter selon plusieurs axes (européen, africain, mondial par exemple).

Il sera bon de s’en souvenir à la relève de législature en mai 2017.

Notons enfin que chacune de ces analyses, publiées dans La Vigie au premier semestre 2016, doit être lue en conservant à l’esprit sa date de parution et les événements qui faisaient alors l’actualité. Parfois, cela peut éclairer le propos.

Bonne lecture. JDOK

La France stratégique vue de :

 

  1. Tunis (Abderaouf Ounaies)-                                     6 janvier 2016
  2. Grande-Bretagne (Julian Lindley-French)-          20 janvier 2016
  3. Madrid (Felix Arteaga)-                                            3 février 2016
  4. Rome (Ferdinando San Felice di Monteforte)-    17 février 2016
  5. Belgique (André Dumoulin)-                                    2 mars 2016
  6. Bucarest (Gheorge Ciascai)-                                     16 mars 2016
  7. Rabat (Jawad Kerdoudi)-                                          30 mars 2016
  8. Varsovie (Andrzej Szeptycki)-                                  13 avril 2016
  9. Stockholm (Lars Wedin)-                                          27 avril 2016
  10. Beyrouth (Georges Corm)-                                        11 mai 2016
  11. Bamako (Moussa Mara)-                                           25 mai 2016
  12. Berne (Alexandre Vautravers)-                                 8 juin 2016
  13. Moscou (Anna Dudar)-                                              22 juin 2016
  14. Berlin (Detlef Puhl)-                                                   6 juillet 2016
  15. Alger (Abdennour Benantar)-                                  20 juillet 2016
  16. Zagreb (Jugo Joz)-                                                      Inédit

Photo via Rob Potvin via VisualHunt.com

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N° 43 : Éloge du débat stratégique en France | Priorités à l’Est de l’Europe | Stratégie 2017 : vu de Bamako

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

Éloge du débat stratégique en France

A quoi servent les militaires, sinon à protéger notre pays des guerres et, quand elles sont là, à les gagner ? À quoi sert le débat stratégique, sinon à placer les intérêts et les responsabilités de sécurité de la France sur l’échiquier de la conflictualité actuelle pour faciliter la compréhension, la décision et l’allocation des ressources nécessaires à nos engagements au service de la défense du pays, de la paix et de la sécurité internationale ? Mais, il est vrai que, fatiguée de grandeur, la France demande plus de sécurité, moins d’initiatives, de responsabilités, moins d’aventures, ce que diagnostiquait Chaunu, il y a 20 ans déjà. Aussi le débat stratégique est-il atone comme si on renonçait à en faire dépendre notre sécurité et à mobiliser les Français. […]

Priorités à l’est de l’Europe

Les priorités stratégiques françaises sont bien connues : cadre européen réaffirmé, lutte contre le jihadisme, action en Afrique, présence active au Moyen-Orient, influence dans nos zones d’intérêt (océan Indien, Polynésie, Caraïbes). Mais à l’heure où les programmes des divers candidats à la présidentielle donnent tous la primauté à l’Europe, nul ne relève que les Européens de l’Est ont des perceptions différentes des nôtres. Or il n’y a pas de stratégie européenne possible sans politique russe. […]

Lorgnette : Tournant tunisien

Stratégie 2017 : vu de Bamako (Moussa Mara)

Le principal atout de la posture stratégique de la France aujourd’hui est son influence culturelle dans notre espace, qui est véhiculé par la langue, les pratiques administratives et étatiques et la devise de la République qui fait encore écho en Afrique francophone.  […]

Source image : Peer.Gynt via Visual Hunt / CC BY-NC-SA

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La force multinationale mixte de la CBLT et l’imbroglio Boko Haram : entre ambiguïtés, réticences et opportunités (R. Nana Ngassam)

A l’heure où le président Hollande a annoncé le renforcement de la coopération avec le Nigeria pour lutter contre Boko-Haram, il nous a paru important de faire un point sur l’organisation jihadiste. Nous remercions pour cela Rodrigue Nana Ngassam, doctorant à l’université de Douala, qui nous livre un bel article. Merci à lui. JDOK

source

Résumé :

Aux confins du bassin du lac Tchad, Boko Haram s’enracine. La secte islamiste multiplie depuis ce sanctuaire quasi-inexpugnable des actions violentes tant à l’égard des populations que des forces de sécurité qui la combattent. Devant l’acuité de ses actions, les États de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT) et le Bénin ont décidé de mettre sur pied une force multinationale mixte chargée de l’anéantir. Approuvé début mars 2015 par le conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) et opérationnel depuis juillet 2015, cet outil militaire suscite des questions quant à l’éradication prochaine de Boko Haram. Le présent article propose un état des lieux de cette force et les opportunités à saisir, face à la réalité de la menace de cette nébuleuse islamiste.

 

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La Vigie n° 28 : RCA, Burkina, Mali: transitions difficiles | Enjeux climatiques

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

RCA, Burkina, Mali : transitions difficiles

Trois crises perdurent dans des pays emblématiques « du champ », qui furent (et demeurent) sous influence française. Plutôt que de faire l’éternel procès de la Françafrique, profitons des derniers rebondissements pour poser les questions récurrentes des élites, de l’obsession pour la lustration et des transitions politiques.

La RCA ou la faillite des élites. Ce pays est le prototype de l’État failli, au point que la communauté nationale ne s’y reconnaît même plus comme telle. La faillite dépasse une simple guerre civile qui verrait s’opposer un camp contre l’autre.

[…]

Enjeux climatiques

Difficile d’échapper à la COP 21 tant le battage est intense. C’est que cette 21ème rencontre à Paris des signataires de la « Convention des Nations unies sur le changement climatique » n’est pas ordinaire. D’abord parce que la France l’a quasi « privatisée », on l’a dit, mais aussi parce que l’intensité ressentie du dérèglement climatique et l’affluence des délégations font de ce « sommet de Paris » un moment critique, sorte de dernière chance de sagesse collective.

Laissons à d’autres le soin de gloser sur l’ampleur de l’engagement à prendre (1°, 1.5° ou 2°c), de la différenciation à opérer

[…]

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Burkina Faso : qu’en penser ?

Les événements au BF n’ont pas manqué de surprendre. Voici donc un autocrate habile, qui avait su gagner une influence diplomatique certaine dans la région, qui n’était pas des plus sanguinaires, pas intéressé par la richesse même si son entourage n’avait pas forcément les mêmes distances envers l’argent qui salit. Certes, il ne remplissait pas les critères Occidentaux de notabilité mais dans la région, on connaissait pire – on connaît toujours pire. Voici qu’un mouvement populaire le met à bas. Voici une prise de pouvoir qui se déroule sans trop de heurts. Voici une transition qui respecte les formes. Or, ce côté apparemment bénin et pour tout dire conforme à nos standards suscite une certaine interrogation. S’agit-il vraiment d’un printemps africain, comme s’ébaudissent certains commentateurs enthousiastes ? n’y a-t-il pas autre chose là-derrière ce que certains esprits soupçonneux imaginent ?

Il est certain en tout cas que Blaise Comparoé avait négligé beaucoup de signes avant-coureurs qui lui disaient qu’il serait difficile d’obtenir un cinquième mandat. Inattention ou, comme souvent, syndrome du « vieux chef » qui souffre de plusieurs défauts : l’auto-persuasion conduisant à croire que « cette fois encore, on réussira à dominer les événements », moins de contacts avec la société (isolement du pouvoir) et donc moindre compréhension (raisonnée ou intuitive) des attentes réelles, âge tout simplement qui obscurcit le jugement, concentration sur les affaires de l’Etat, à l’intérieur comme à l’extérieur (les affaires étrangères ont toujours été au cœur de l’attention de Blaise, il y montra d’ailleurs un vrai talent), la liste pourrait être allongée encore mais elle est finalement « classique ». Etrange destin que ces vieux dictateurs qui ne savent pas comment passer la main…

Voici donc les causes propres à la personnalité du président. Pour le reste, comment interpréter cette révolte ? Elle est incontestablement populaire et elle est fondée, comme quasiment toute les révoltes récentes, sur le rejet des inégalités et surtout de la corruption. Foin des lectures trop pratiques (ici attente de démocratie, là islamisme triomphant), le peuple burkinabé a d’abord exprimé sa lassitude. Constatons qu’elle intervient dans un pays pauvre et ethniquement homogène. QU’on sache qu’un tiers des Burkinabés travaille à l’étranger (notamment en Côte d’Ivoire) permet d’apprécier les difficultés du pays.

Pour autant, s’agit-il d’un « printemps africain » ? Voir un printemps en plein mois de novembre a d’abord quelque chose de curieux. Ensuite, l’allusion au « printemps arabe » est douteuse, tout d’abord parce que cette dernière expression est faussée : elle signifie souvent, dans la bouche de ceux qui l’emploient, un appel à la démocratie à l’occidentale, ce qu’elle a rarement été. Pour dire les choses plus précisément, il n’est pas sûr que ces sociétés soient très enthousiastes à l’idée de suivre le « modèle occidental » fondé notamment sur un individualisme exacerbé.

A observer ce qui  se déroule au Burkina, on est ainsi frappé par la méthode de résolution de la crise : très vite, un lieutenant-colonel d’apparence anodine prend la tête du « processus de transition » : on apprend qu’il est le numéro deux du régiment de la garde présidentielle, visiblement le seul centre de pouvoir, le seul détenteur du monopole de la violence, tirant de cela une légitimité qui lui est reconnu. La politique est d’abord rapport de forces. On aperçoit une de ses premières photos où il pose à côté du roi traditionnel et de l’évêque du lieu : ainsi, les structures locales d’intermédiation sont immédiatement associées, pour bien montrer que l’ensemble de la société sera incluse dans le processus. Dès lors, quelques jours plus tard, une conférence nationale peut réunir les représentants  de toutes les forces de la société pour désigner un président de transition. Chapeau l’artiste, voici une méthode « africaine » qui convainc.

Du moins si l’on se contentait d’une lecture purement burkinabé. IL est possible que d’autres acteurs aient agi en sous-main : les voisins (Côte d’Ivoire), la France, la « communauté internationale. Constatons toutefois que la mission de médiation envoyée par l’Union Africaine s’est fait poliment éconduire ; que la France ne paraît pas avoir été à la manœuvre même si elle a pu appuyer, ici ou là, tel moment du processus (et notamment l’évacuation, in extremis, du président déchu) : toutefois, on entend peu de rumeurs suggérant que les vieux réseaux ont été à l’œuvre. Quant à la communauté internationale, au-delà des discours habituels et finalement inaudibles, elle a certainement pressé en coulisse en faveur d’un déroulement pacifique mais le réalisme oblige à convenir que cela a souvent peu d’effets, n’en déplaisent aux complotistes.

Voici en fait la vraie surprise de cette affaire : qu’elle ait pu rester cantonnée à un seul pays et qu’on n’observe pas de débordement transfrontaliers ou d’imitation dans les pays voisins. AU fond, le respect d’un cadre national est la vraie bonne nouvelle de l’affaire : alors qu’on ne cesse de nous dire que les frontières issues de la décolonisation sont malvenues (sous-entendant ainsi qu’il faut les redécouper, sur une base ethnique et donc quasiment raciale…), le Burkina Faso nous rappelle d’une nation est d’abord un projet politique, résultat d’une volonté de vivre ensemble et qui peut adapter des déterminations traditionnelles à des constructions politiques.