Micmacs au pays du cacao: 2 mauvaises raisons de ne pas s’inquiéter et 1 bonne de s’alarmer

La Côte d’Ivoire a récemment connu une mutinerie à Bouaké. Près de 15 ans après le début de la guerre civile, cet événement n’est-il qu’un incident dans la normalisation conduite par A. Ouatarra, ou est-ce un signe annonciateur de quelque chose de plus grave  ? J. M. Lavoizard, notre correspondant, nous donne son éclairage. Merci à lui. La Vigie

Mutinerie Bouaké

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Issu du néerlandais muyte maken qui signifie faire une émeute, micmac décrit bien la situation politico-militaire actuelle en Côte d’Ivoire.

Ceux qui s’inquiètent de possibles conséquences économiques négatives des mutineries suspendues au règlement sonnant et trébuchant des engagements de la politique du chéquier peuvent se rassurer à bon compte, rien ne changera à court terme au plan économique. Pour les deux raisons suivantes : Continue reading « Micmacs au pays du cacao: 2 mauvaises raisons de ne pas s’inquiéter et 1 bonne de s’alarmer »

Défense : dépenses budgétaires et choix politiques (J. Dufourcq et Ch. Schmidt)

La semaine dernière, les Échos publiaient une tribune remarquée du CEMA, le général de Villiers. Christian Schmidt et Jean Dufourcq y répondent dans le même journal (voir ici, édition du 29 décembre 2012), apportant quelques nuances et plaidant pour un nouveau traité européen de coopération militaire. La Vigie publie également cette tribune.

Il est assez exceptionnel qu’un chef d’état-major des armées consacre une chronique dans un journal économique à la nécessité d’augmenter le rythme des dépenses militaires du pays. Plus significatif encore, le général de Villiers évoque la logique économique dans son argumentation.

Ces références à la dimension économique de la défense pour le financement de l’effort militaire méritent d’être rapportées aux exigences sécuritaires du moment et à l’effort de compétitivité du pays. Continue reading « Défense : dépenses budgétaires et choix politiques (J. Dufourcq et Ch. Schmidt) »

Nouveau joueur, mêmes techniques : les élections présidentielles en Ouzbékistan

Un de nos correspondants revient d’une mission en Ouzbékistan. Il nous en rapporte le texte publié ci-dessous, nous demandant de ne le signer que de ses initiales afin de permettre de futures missions en Asie Centrale. Il n’est en effet pas sans critiquer certains aspects de la « gouvernance » locale.  Merci à lui. La Vigie.

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Sans grand surprise et à l’issue d’une campagne électorale sans relief, Shavkat Mirziyoyev, candidat du parti Libéral-Démocrate (Ozlidep), a été élu président de la République d’Ouzbékistan le 4 décembre 2016 avec 88,6% des suffrages exprimés et un taux de participation de 87,7% des quelques 21 millions d’électeurs ouzbèks. Ses « concurrents », représentant respectivement les partis XDP (Parti Démocratique du Peuple), Adolat (Justice) et Milliy Tiklanish (Renouveau National) se sont partagés les maigres miettes restantes. Les trois candidats à la présidentielle n’étaient présents que pour donner l’illusion du choix dans une élection courue d’avance : après avoir été « baptisé » en septembre 2016 à la suite du décès d’Islam Karimov, Shavkat Mirziyoyev a obtenu sa « confirmation » populaire le 4 décembre. Continue reading « Nouveau joueur, mêmes techniques : les élections présidentielles en Ouzbékistan »

Voter aux primaires ? A toutes !

Il y a un lien consubstantiel, très souvent oublié, entre la guerre, la citoyenneté et la démocratie. Un petit rappel est ici nécessaire : dans les temps anciens (au sens propre : dans les temps féodaux), la guerre commençait à devenir trop chère et à s’étendre sur des territoires trop vastes pour que la simple prédation suffise à la financer. Les rois de l’époque se mirent donc à lever l’impôt, forme de modernisation et de normalisation d’un processus qui veut qu’une des causes de la guerre soit aussi la conquête de ressources. Mais il faut des ressources pour la faire, cercle vicieux et souvent infernal, c’est toutefois une autre histoire que je vous conterai quelque jour.

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Les Etats baltes et l’Otan, fardeau militaire ou avant-poste stratégique ? (L. Vailhen)

La Vigie, conformément à son ambition, est heureuse de publier cet article d’un jeune auteur, Louis Vailhen.

Les 8 et 9 juillet 2016, le 25e sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) s’est tenu en Pologne, à Varsovie (voir LV 47). Parmi de nombreux sujets, l’enjeu majeur de cette rencontre a été de définir le renforcement de la sécurité en Europe de l’est. A l’issue de cet événement, l’Otan a validé l’idée d’une présence renforcée (1) en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne. Il est vrai que ces quatre pays avaient, depuis le précédent sommet de l’Otan, en 2014, tout fait pour valoriser la visibilité médiatique, politique et stratégique que leur a accordée la crise ukrainienne, leur but commun étant d’obtenir un maximum d’engagements irrévocables de la part de l’Otan avant que les projecteurs de l’Alliance ne s’éloignent de cette région vers d’autres conflits. Leur mobilisation porte aujourd’hui ses fruits et témoigne du rapport que les Etats baltes entretiennent avec l’Alliance atlantique.

Inauguration ceremony of the NATO Force Integration Unit (NFIU) HQ in LithuaniaInauguration d’une NFIU en Lituanie. Source image : OTAN

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L’apport de la diversité à l’unité : un message urgent (Mounir Milles)

Un lecteur de La Vigie nous écrit suite aux attentats. Son authenticité et sa sincérité disent aussi quelque chose qui ne va pas bien dans notre pays. A lire. JDOK.

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A l’heure où j’écris ces lignes j’ignore si l’Hexagone sera de nouveau ensanglanté par la folie meurtrière dans laquelle compatriotes, enfants, prêtres, croyants ou non mais toujours innocents auront à payer le prix de l’infamie. La rédaction de ce message m’est d’autant plus difficile que l’émotion, les nerfs, le sentiment d’injustice et de révolte légitime sont à leur plus haut niveau.

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De la marine de guerre chinoise (P Tran-Huu)

On le sait, Hervé Coutau-Bégarie avait proposé une classification des marines selon leur potentiel (« Traité de Stratégie », chapitre 9 article 313). Selon lui, il y a 6 rangs de marines, qui vont de la marine au champ d’action mondial, à la marine symbolique en fonction de leur taille et de leur capacité.

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Stratégie 2017 : vue de Rome (Eloge de la cohérence stratégique)

La Vigie est heureuse de publier le texte complet écrit par le Vice-Amiral d’Escadre (2S) Sanfelice di Monteforte, de la marine italienne. Il développe le bref texte qui a été publié en septième page de notre dernier numéro 36. Mille mercis à lui. La Vigie.

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L’Occident a peur, face à l’agressivité du Daesh, et la France, durement frappée, a beaucoup de peine à réagir psychologiquement au choc des attentats de Paris. Malheureusement, ce type de situation n’était pas inattendu. Elle résulte, en fait, de ceci : nous vivons dans un monde en transition très rapide où le revanchisme arabe a amassé des ressources humaines et une force financière considérables pour essayer de nous contraindre à accepter ses objectifs de puissance. Cela a produit une situation de « fluidité stratégique »1 qui, selon plusieurs études, mettrait en danger l’Europe – et la France en particulier – leur bien-être, leur façon de vivre et leur culture, et les opinions publiques pressent les gouvernements de réagir. C’est que nous vivons dans une sorte de nuage rose, à l’abri des tempêtes de la vie, qui ne nous touchent que lorsqu’une fenêtre s’ouvre soudainement et que l’orage nous frappe. Et les attentats de Paris ne sont pas autre chose qu’une fenêtre qui, en s’ouvrant sous la pression du vent, nous a exposé violemment au monde qui nous entoure. Le résultat est que nous nous trouvons dépourvus, face à ce que nous n’avions pas prévu. Continue reading « Stratégie 2017 : vue de Rome (Eloge de la cohérence stratégique) »

Qui est l’ennemi (J.-Y. Le Drian)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a prononcé un discours remarquable devant les Assises nationales 2015 de la Recherche stratégique, sur le thème : « Qui est l’ennemi ? ». Il est rare qu’un responsable politique énonce un discours aussi proprement stratégique. Non qu’il faille tout accepter comme parole d’évangile (certains points méritent discussion, heureusement) mais il est d’un tel niveau, il contribue tellement au débat, étant à la fois « politique » (la ligne de la France) et stratégique (pensée de la guerre en cours) qu’il appartient tout naturellement à la pensée stratégique française du moment. La Vigie qui a pour ambition de contribuer à ce débat le publie donc avec grand plaisir et intérêt.  (original ici, seul le prononcé fait foi) JDOK.

Jean-Yves Le Drian

 A Paris, le mardi 1er décembre 2015

(…) Mesdames et Messieurs,

(…)

La question qui nous est posée aujourd’hui, « Qui est l’ennemi ? », est d’une pertinence et d’une actualité dramatiques. Au lendemain de l’hommage national aux victimes des attaques du 13 novembre, cette question s’impose à nous par l’évidence d’une  réponse et en même temps par le vertige que cette réponse appelle.

Aux journalistes qui m’interrogent, à la suite du Président de la République, qui a le premier désigné notre ennemi, je réponds sans hésiter : aujourd’hui, Daech. Mais au début de cette journée de réflexions et de débats, je voudrais moi aussi prendre du recul. Puisque vous y invitez, je voudrais me risquer moi aussi dans le vertige de cette notion, au-delà de son évidence – sans jamais perdre de vue que mon point de vue n’est pas celui d’un chercheur, mais celui d’un ministre de la Défense d’un pays qui est maintenant en guerre.

« Qui est l’ennemi ? »

Chacun conviendra d’abord qu’il ne faut pas galvauder les notions d’ennemi, de guerre ou encore de stratégie.

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Quand l’Allemagne montre les crocs (T. Wattelle)

Les récentes annonces d’un renforcement de l’engagement allemand au Mali, puis au sein de la coalition contre Daech, contrastent avec une politique allemande de défense d’ordinaire prudente et peu encline à déployer des troupes à l’étranger. Pour rappel, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait déclaré début 2013 : « l’Allemagne ne veut plus être une grande puissance en politique étrangère. (…) Comment le pourrions-nous après Hitler et Auschwitz ? L’histoire laisse longtemps des traces ». Les attentats du 13 novembre 2015 auraient-ils réussi à faire prendre conscience à l’exécutif allemand de l’importance d’une contribution accrue à la lutte contre le terrorisme ? Rien n’est moins certain tant ces décisions différent, l’une s’inscrivant en trompe-l’œil et l’autre tranchant par son caractère véritablement révélateur des forces à l’œuvre sur la scène politique outre-Rhin.

L’Europe aider France effort guerre. La ministre allemande Défense Ursula von der Leyen notamment promis Jean-Yves Le Drian l’Allemagne allait renforcer présence Afrique l’Ouest notamment Mali.   Source

L’engagement accru au Mali, une réponse préparée

Cinq jours après le déclenchement de l’opération Serval, Angela Merkel avait surpris son monde en annonçant un soutien actif de Berlin qui se traduira finalement par l’envoi de deux avions de transport C-130 Transall au profit de la MISMA et un Airbus 310 au profit des forces françaises. A l’époque, la chancelière avait justifié ainsi son rétropédalage : « Chacun doit  agir en fonction de ses moyens. Nous ne refusons pas de prendre nos responsabilités, nous le faisons sur différents terrains, en Afghanistan ou au Kosovo, où nous fournissons le plus gros contingent »[1]. Au lendemain des attentats, Paris a décidé de faire appel à l’article 42-7 du traité de l’Union Européenne, censé permettre à un pays-membre de requérir l’assistance de tous en cas d’attaque. Néanmoins, l’initiative allemande de renforts au Mali (650 hommes) ne s’inscrit pas dans le cadre de cette clause comme on a pu le lire. Comme l’a fait remarquer le journaliste Thomas Wiegold, l’augmentation de l’effectif de la Bundeswehr au Mali était dans les cartons depuis août[2] et est avant tout dû à une pression des Néerlandais en charge de la ville de Gao dans le cadre de la MINUSMA. En aucun cas, il ne s’agit de se substituer à l’opération Barkhane ou de l’appuyer dans ses missions.

Au-delà du sensationnalisme de l’annonce, il faut analyser cette décision par le prisme des rouages législatifs allemands, particulièrement compliqués lorsqu’il s’agit de défense. En effet, tout déploiement de soldats à l’étranger doit être autorisé par le Bundestag qui fixe une limite maximum des effectifs. Or, comme le pointe du doigt Jean-Dominique Merchet[3], la différence entre le contingent prévu (500 hommes ) et celui effectivement sur place (218 hommes) est énorme. Autre sujet d’inquiétude, les soldats de la Bundeswehr étaient cantonnés à un rôle d’entraînement de l’armée malienne. S’ils partent relever le contingent néerlandais, ils devront effectuer des missions dangereuses de combat, peu compatibles avec les attentes de nos voisins outre-Rhin, comme le souligne Die Welt, qui doute de la pertinence du concept de « mission de maintien de la paix » avancé par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen[4].

La contribution à la coalition contre Daech, symbolique et responsable

Suite à l’entretien qu’elle a eu avec François Hollande le 25 novembre, Angela Merkel a décidé de porter assistance à la France dans sa lutte contre l’Etat Islamique autoproclamé en faisant plusieurs gestes significatifs. Tout d’abord, comme l’a indiqué le porte-parole de la CDU pour les questions de défense Henning Otte, l’Allemagne va « aussi (agir) en Syrie avec des avions de reconnaissance Tornado pour augmenter [son] engagement dans le combat contre le terrorisme de l’EI ». Berlin, qui n’avait que livré des armes et formé des combattants kurdes peshmergas, a de même décidé d’augmenter sensiblement le limite autorisée de ses effectifs de 100 à 150, avec les réserves déjà exprimées à ce sujet. Ursula von der Leyen a insisté sur la multitude des moyens que notre voisin est disposé à engager : « Nous pouvons fournir trois composants : une protection, de la reconnaissance et de la logistique »[5]. En l’occurrence, une frégate viendrait compléter le dispositif de protection du Charles de Gaulle tandis que les Tornado ainsi qu’un satellite s’occuperont de la reconnaissance. La logistique serait gérée par des avions Airbus 310, qui pourront venir soulager l’effort de nos ravitailleurs constamment sollicités.

Plus important, ce choix stratégique montre une réelle avancée dans le périlleux chemin de la responsabilisation de l’Allemagne. Porté outre-Rhin par Ursula von der Leyen mais aussi par Franz-Walter Steinmeier, ministre des Affaires étrangères, et Joachim Gauck, président fédéral, cet effort est avant tout l’apanage du parti chrétien-conservateur CDU, auquel s’oppose son partenaire de coalition social-démocrate, le SPD. En particulier le ministre de l’Economie Sigmar Gabriel s’oppose aux exportations de l’industrie de défense de son pays, pénalisant par là ses acteurs nationaux. Alors qu’elle avait adopté une position neutre sur le débat, la chancelière a néanmoins déclaré suite à l’entretien avec le président français : « Lorsque le président [Hollande] m’invite à réfléchir aux responsabilités supplémentaires que nous pourrions assumer, pour moi c’est une véritable mission ».

Il semblerait donc que nous soyons en train d’assister aux prémisses du changement de mentalité tant attendu. Un autre axe de progression à privilégier serait désormais un approfondissement de la coopération franco-allemande, encore stagnante.

Tancrède Wattelle est étudiant à Science Po

[1]    Entretien le 15 janvier 2013 donné à la radio NDR Info

[2]    Wiegold Thomas, « Bundeswehr prüft Einsatz im Norden Malis », Augen Gerade Aus, 06/08/2015

[3]    Merchet Jean-Dominique, « Renforts allemands : pourquoi il faut prendre les chiffres avec prudence », L’Opinion, 25/11/2015

[4]    Jungholt Thorsten, « Friedensmission ? Ein hochgefährlicher Einsatz », Die Welt, 25/11/2015

[5]    Lagneau Laurent, « L’Allemagne compte renforcer sa participation à la coalition anti-EI », Opex360, 26/11/2015