La crise anglophone au Cameroun : raisons, enjeux et solutions (M. Pelatan)

Conformément à sa vocation, La Vigie est heureuse d’accueillir cette étude d’un très jeune chercheur : Marie Pelatan est chercheuse au sein du Centre d’Expertise et de lutte contre le Terrorisme (Fondation Saint-Cyr). Merci à elle pour ce texte très fouillé. JDOK

Alors que la lutte contre Boko Haram continue au Sahel, le Cameroun fait face à un deuxième défi sécuritaire : celui de la crise anglophone. L’extrême nord demeurant particulièrement fragile, le gouvernement camerounais a fait le choix de concentrer ses forces armées sur le front ambazonien[1]… négligeant la menace des djihadistes de Boko Haram.

Depuis 2016, et plus particulièrement depuis la déclaration d’indépendance de l’Ambazonie, émise le 1er octobre 2017 par Julius Ayuk Tabe[2], la sécurité des régions du nord-ouest et sud-ouest du pays s’est gravement dégradée. La protestation, initiée par une coalition d’intellectuels anglophones, pointait du doigt la discrimination et la marginalisation dont ils souffraient de la part du gouvernement camerounais, majoritairement francophone. En accusant le gouvernement et le président Paul Biya d’avoir réduit leur identité à néant, l’objectif était de reprendre place au sein de la vie politique, judiciaire et économique du pays. En effet, alors que les Camerounais anglophones représentent 20% de la population globale[3], leur faible représentation dans les institutions, entre-autre judiciaires, interroge[4]. Continue reading « La crise anglophone au Cameroun : raisons, enjeux et solutions (M. Pelatan) »

État des relations internationales à l’aube du XXIe siècle. (M. Cuttier)

Martine Cuttier, de l’université de Toulouse et qui écrit régulièrement pour La Vigie, nous propose cet « état des relations internationales à l’aube du XXIe siècle » (texte co-publié à la revue Contre-mesures du Master «  ingénierie, sécurité, sûreté, défense » de l’université Toulouse3 Paul Sabatier). Merci à elle. JDOK

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Saisir brièvement la spécificité de la société internationale en cette fin 2108 peut être tenté en mettant en perspective sur le temps long l’évolution du rapport des forces entre puissances. Un temps long commençant avec l’instauration d’un ordre international issu du système westphalien dans une Europe déjà ouverte sur le monde. L’évolution des relations internationales se découpe alors en grandes périodes allant d’un monde multipolaire et eurocentré (XVIIe-XXe siècles) vers un monde bipolaire (1947-1991) suivi d’une phase unipolaire (les années 1990) pour revenir à la multipolarité tournée vers l’Asie-Pacifique.

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La défense intérieure passe par une connaissance de la terre et des hommes

On croit souvent que tout part de l’histoire. Erreur profonde si elle oublie la géographie, ce que Fernand Braudel ou Yves Lacoste, dans un style différent, avaient déjà dénoncée. Un héritier reprend le plaidoyer pour une brève apologie des sciences sociales en général et de la géographie en particulier. Merci à lui. JDOK

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Avant de faire réfléchir à la défense intérieure de la France, je voudrais rappeler le parcours d’un officier non-conformiste (termes utilisés par la bio officielle, sur la page de la Fondation Charles de Gaulle) entre Première et Seconde guerres mondiales. De retour de captivité en Allemagne, il y a bientôt un siècle, le capitaine de Gaulle s’apprête à partir en Pologne. Comme conseiller militaire, il s’insère dans l’état-major d’un groupe d’armée, en marge de la guerre civile qui déchire l’ex-empire russe. Au bout de deux ans, il revient donner des cours d’histoire à Saint-Cyr, puis réussit le concours de l’École de guerre (1922). Se succèdent ensuite les mois passés à Mayence, le Conseil Supérieur de la Guerre présidé par le maréchal Pétain (lui même ancien professeur à l’École de guerre), la préparation des cours, la rédaction d’articles et de livres sur la Défense nationale. Le retour en unité (Trêves, Metz) n’empêche jamais par la suite l’officier de réfléchir à la stratégie française : au Levant ou en métropole. (…)

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La stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste (G. Mathias)

A lui seul, le sous-titre résume le contenu de l’étude où l’auteur dresse avec précision un état de la réponse institutionnelle française à la menace terroriste et islamiste. Le lecteur qui est aussi citoyen peut rapidement en conclure que bien des victimes auraient été évitées si depuis des décennies, les décideurs politiques avaient analysé la menace avec plus de réalisme. S’ils l’avaient moins sous-estimée au nom de présupposés idéologiques et faute de courage politique. Car notre faiblesse fait la force des islamistes.

L’analyse se divise en quatre parties. Continue reading « La stratégie française de lutte contre le terrorisme islamiste (G. Mathias) »

Europe de la Défense ou défense de l’Europe : quel(s) futur(s) possible(s) ? (C. Glock)

L’Europe et la défense : le sujet a pris de nouvelles teintes à la suite du sommet de l’Alliance début juillet, pour le moins mitigé, mais aussi de l’initiative européenne d’intervention, projet proposé par la France en juin, suivi de la proposition par le président Macron, la semaine dernière, d’une «solidarité quasi-automatique» entre États européens en matière de défense. Faisons le point sur cette si mal nommée « Europe de la défense » avec C. Glock. JDOK

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Le 25 juin 2018, neuf pays d’Europe signaient une lettre d’intention relative au lancement de l’Initiative européenne d’Intervention (IEI), projet novateur initié par la France, visant à développer avec quelques voisins « aptes militairement et volontaires politiquement » une culture stratégique et opérationnelle commune. Cette IEI se met en œuvre parallèlement au mécanisme de Coopération structurée permanente (CSP) qui, lui, a été adopté quelques mois plus tôt par l’UE – et qui réunit 25 des 27 États membres. Le lancement quasi-simultané de ces deux nouveaux outils de défense aux contours et perspectives différents,  révèle les divergences fondamentales de vision stratégique entre les deux « poids lourds » militaires restants de l’UE – après départ du Royaume-Uni – que sont la France et l’Allemagne. D’une part, le haut degré d’ambition opérationnelle vers lequel la France veut tirer la politique de défense européenne ; de l’autre, la volonté intégratrice de l’Allemagne, sans finalité opérationnelle immédiate. Dès lors, vers quoi la défense européenne est-elle en train de s’orienter, entre un couple franco-allemand pas si harmonieux qu’il n’y paraît et un divorce du Royaume-Uni avec ses voisins européens qui n’en est pas vraiment un ? Continue reading « Europe de la Défense ou défense de l’Europe : quel(s) futur(s) possible(s) ? (C. Glock) »

Les États-Unis et le monde (M. Kandel)

Martine Cuttier nous propose cette fiche de lecture d’un ouvrage récent de Maya Kandel, Les États-Unis et le monde, de George Washington à Donald Trump, récemment paru. Merci à elle. JDOK

Le livre passe en revue le rapport des États-Unis au monde depuis la proclamation de l’indépendance des Treize colonies, en 1776 à nos jours. Sur cette période de deux siècles et demi, l’auteure montre, au gré de quelques dates-ruptures : 1776, 1865, 1898, 1919, 1945,1973 et 1991, comment les Américains se perçoivent eux-mêmes, perçoivent leur puissance dans le monde et perçoivent le monde, en vertu des principes de Pères fondateurs réinterprétés au gré de leur montée en puissance, en fonction de leur identité, de leur culture, de leur religion, de leur histoire, de leur Constitution, de leurs intérêts économiques et de leur relation à l’Europe. Le propos consiste à réexaminer un certain nombre de mythes sur la politique étrangère en particulier leur prétendu isolationnisme alors qu’ils n’ont cessé d’intervenir, mus pas la défense de leurs intérêts, en fonction des enjeux de puissance et des rapports de force.

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La géographie, ça sert à apprendre la guerre (Judde de Larivière)

La Vigie est très heureuse d’accueillir les propos d’un géographe qui nous donne un plaidoyer pour sa discipline, absolument nécessaire pour comprendre le monde et la stratégie, et encore la géopolitique qui en est la continuation. Malheureusement, poursuivant en cela les regrets d’Yves Lacoste en son temps (hommage lui est rendu au travers du titre de l’article), elle reste encore négligée dans les enseignements supérieurs initiaux ou de milieu de carrière. Ce n’est pas seulement dommage : c’est une erreur. Merci à B. Judde de Larivière de nous le rappeler. JDOK

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La défense intérieure passe par une connaissance de la terre et des hommes. (Brève apologie des sciences sociales)

Avant de faire réfléchir à la défense intérieure de la France, je voudrais rappeler le parcours d’un officier non-conformiste (termes utilisés par la bio officielle, sur la page de la Fondation Charles de Gaulle) entre les Première et Seconde guerres mondiales. De retour de captivité en Allemagne, il y a bientôt un siècle, le capitaine de Gaulle s’apprête à partir en Pologne. Comme conseiller militaire, il s’insère dans l’état-major d’un groupe d’armée, en marge de la guerre civile qui déchire l’ex-empire russe. Au bout de deux ans, il revient donner des cours d’histoire à Saint-Cyr, puis réussit le concours de l’École de Guerre (1922). Se succèdent ensuite les mois passés à Mayence, le Conseil Supérieur de la Guerre présidé par le maréchal Pétain (lui même ancien professeur à l’École de Guerre), la préparation des cours, la rédaction d’articles et de livres sur la Défense nationale. Le retour en unité (Trèves, Metz) n’empêche jamais par la suite l’officier de réfléchir à la stratégie française : au Levant ou en métropole. Continue reading « La géographie, ça sert à apprendre la guerre (Judde de Larivière) »

Seuil nucléaire militaire en Asie-Pacifique : le cas de la Corée du Sud et du Japon (E. Hazane)

Après le sommet de Singapour entre MM. Trump et Kim, et avant que la prochaine Vigie ne revienne sur cette événement, il nous a paru utile de revenir sur la notion de « pays seuil » du nucléaire (militaire). La notion est fréquente, malaisée à définir même si beaucoup citent le Japon comme l’archétype de cette posture. Que signifie-t-elle ? en quoi la Corée du sud peut-elle s’accrocher à une telle approche ? Autant de réponses qu’Eric Hazane décrypte avec talent. Merci à lui. JDK

Seuil nucléaire militaire en Asie-Pacifique : le cas de la Corée du Sud et du Japon

Comme le rappelait Igor Delanoe dans un récent article[1] « la zone Asie-Pacifique recèle une série de défis sécuritaires « durs » » parmi lesquels la « menace de nucléarisation des États de la région ». Elle est devenue l’un des probables points de pivotement internationaux des prochaines années. Depuis l’élection du président étasunien Trump fin 2016, les échanges verbaux et belliqueux avec Kim Jong-un ont dangereusement fait monter la pression sur la péninsule coréenne. Ni l’apparente détente observée depuis les Jeux Olympiques d’hiver de février 2018 à PyongChang en Corée du Sud ni la promesse d’un dialogue direct entre Donald Trump et Kim Jong-un ne semblent , à ce stade, empêcher la République démocratique de Corée de franchir rapidement le seuil de capacité nucléaire militaire.

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Cet article interroge les conséquences directes que la possession d’armes balistiques porteuses d’engins nucléaires nord-coréennes pourrait avoir sur son voisinage notamment pour deux pays eux-mêmes potentiellement proches du seuil nucléaire militaire : la Corée du Sud et le Japon. Continue reading « Seuil nucléaire militaire en Asie-Pacifique : le cas de la Corée du Sud et du Japon (E. Hazane) »

Retrait des Etats-Unis de l’accord de Vienne : une injustice pour les Iraniens (A. Amir-Aslani)

A la suite de notre numéro 95 (lire ici gratuitement), nous sommes heureux d’accueillir Maître Ardavan Amir-Aslani qui est avocat d’affaires à Paris. Il a publié plusieurs livres sur l’Iran et le Moyen-Orient dont le dernier, De la Perse à l’Iran, 2500 ans d’histoire (L’Archipel, 2018).

Le 8 mai dernier, les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire iranien signé à Vienne le 14 juillet 2015, une décision assortie du rétablissement de l’intégralité des sanctions levées, et de nouvelles sanctions à l’encontre des multinationales qui voudraient investir en Iran.

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Vu de Téhéran, cette décision constitue une injustice d’autant plus grande que l’Iran a toujours respecté ses engagements à la lettre. Ce point fut formellement confirmé par l’AIEA dans onze rapports successifs, et rappelé dès le 9 mai par son président Yukiya Amano. Continue reading « Retrait des Etats-Unis de l’accord de Vienne : une injustice pour les Iraniens (A. Amir-Aslani) »

Revue stratégique : la guerre du papier (J.-Ph. Immarigeon)

Revenons à la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale d’octobre 2017 qui reste d’actualité puisqu’elle est censée cadrer la politique française pour les années à venir. Il serait intéressant de la confronter aux autres productions de ces derniers mois comme la National Defense Strategy, la National Security Strategy ou la Nuclear Posture Review, récents avatars des Papers et Reviews qui fleurissent depuis un quart de siècle de l’autre côté de l’Atlantique. Ceux qui lisent cette littérature se seront rappelés la vieille blague qui circulait jadis Place du Colonel Fabien : si L’Humanité est plus chère que la Pravda, c’est qu’il faut compter les frais de traduction.

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Pour produire du papier, serait-il numérique, l’Amérique ne craint personne. La Revue Stratégique française entre dans ce qu’un officier allemand nommait en juin 1940, devant le spectacle d’un camion de notre état-major versé dans un fossé avec son chargement de rapports, « la guerre du papier ». Et comme à l’époque, la France la perd. (cliquez pour lire la suite) Continue reading « Revue stratégique : la guerre du papier (J.-Ph. Immarigeon) »