Jonquille, de Jean Michelin (fiche de lecture)

Dans un article paru dans Le Figaro, le 18 janvier 2018, repris par l’ASAF, le 24 janvier, le CEMA, général François Lecointre qui a dirigé Le soldat, XXe-XXIe siècle[1], recommande à ses subordonnées, quelque soit leur grade : « Il faut écrire ! » jusqu’à considérer que « faire l’impasse sur l’écriture n’est pas admissible chez ceux qui se disposent à être des chefs militaires ».

Or les militaires d’active écrivent. Il suffit de regarder les dernières pages des revues officielles de l’institution telles Armées d’aujourd’hui, Terre information magazine, Cols bleus, Air actualités…y compris les revues des mutuelles militaires comme Unéo, pour le constater. Le nombre non négligeable de prix que distribuent les Armées encourage l’exercice. Et le Festival international du livre militaire : FILM qui se tient, chaque année à Coëtquidan[2], au moment du Triomphe, permet de le mesurer. Ils écrivent sur le passé et le centenaire de la Première Guerre mondiale[3] offre de multiples sujets mais aussi sur les opérations auxquelles ils ont participées. La Côte d’Ivoire[4] et surtout l’Afghanistan[5] ont inspiré bien des chefs militaires et les opérations au Sahel suscitent quelques titres[6]. Ils écrivent aussi sur la mort[7], la cyberdéfense[8] ou les questions éthiques[9]. Ils écrivent seuls, avec d’autres militaires[10] ou avec des civils[11]. Ils le font sans jamais critiquer les choix de l’institution et prennent souvent la précaution de préciser que le contenu de l’ouvrage ne constitue nullement la pensée officielle ou officieuse de cette dernière. Les éditeurs ne s’y trompent pas, ils publient car ils trouvent un public réceptif.

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Bruits de bottes en Asie ? (P. Tran Huu)

Notre expert partenaire, Pascal Tran Huu, nous propose un intéressant billet sur les incidents des mers de Chine. Merci à lui. JDOK

L’Amiral SHI-LANG était un officier sous les dynasties MING et QING.  Comme commandant de la flotte mandchoue, il a conquis l’île de Formose en 1683 et en devint l’un des premiers gouverneurs.  Il est l’un des rares à avoir obtenu un titre de Marquis transmissible héréditairement. (Dans la Chine impériale, les titres de noblesse étaient accordés à une personne, ses descendants devaient faire preuve de mérite pour se voir anoblis de nouveau par l’Empereur).  L’Amiral Shi-Lang a, d’ailleurs, fait l’objet d’une série télévisée en 2006 et de quelques films qui ont eu un énorme succès en Chine continentale mais beaucoup moins à Taïwan…Dans un contexte de regain de nationalisme, il n’est guère étonnant que le premier porte-avion chinois ait reçu, dans un premier temps, le nom de l’amiral avant de devenir le Liaoning.  Le retour de cet amiral impérial dans l’imaginaire collectif chinois permet, par la même occasion, à la Chine de conforter et de justifier sa position en Mer de Chine méridionale ce qui n’est pas sans inquiéter les Etats-Unis et ses alliés. Pour autant, doit-on craindre l’émergence d’un conflit de haute intensité dans les années à venir ?

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Forces armées africaines, 2016-2017, Laurent Touchard, fiche de lecture

Présentant son ouvrage au cours du « petit-déjeuner Afrique » de l’IRSEM,  le 15 septembre dernier, l’auteur précisa que son travail s’adressait plus aux militaires qu’aux chercheurs. La lecture approfondie du livre aboutit à nuancer ce propos dont le but, en ce début du XXIe siècle, est de rompre avec le cliché et « l’idée reçue selon laquelle les armées africaines seraient invariablement mauvaises » à quelques exceptions près. Rappelant qu’une armée est « un phénomène humain »,  il veut au contraire présenter « les forces africaines dans leur disparité, leur complexité », « leurs contrastes » et leurs succès[1]. Continue reading « Forces armées africaines, 2016-2017, Laurent Touchard, fiche de lecture »

Armements américains en Ukraine (M. Boulègue)

Matthieu Boulègue, un de nos partenaires experts, actuellement chercheur à Chatham House, nous adresse ce billet sur une nouvelle discrète à propos de l’Ukraine : celle de la fourniture d’armes défensives par les Etats-Unis. S’agit-il d’un effet de la nouvelle diplomatie trumpienne ou du résultat d’une politique de plus longue haleine ? Nous le remercions pour ces éléments de réponse. JDOK.

La fourniture d’armes létales américaines à l’Ukraine n’a insidieusement rien à voir avec l’Ukraine elle-même…En effet, la fourniture d’armes est le prix du compromis entre les lobbies de la défense, dont la tête de pont est John McCain (R-AZ), et le leadership American sous les présidences d’Obama puis de Trump. 

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Comment gagner une guerre perdue ? P. Bellanger

Pierre Bellanger est le PDG de Skyrock. Quelqu’un a priori de très loin des préoccupations de La Vigie. Détrompez vous : il a publié il y a trois ans un livre saisissant, « La souveraineté numérique« . Il y  montrait à quel point l’avènement des résogiciels aliénait totalement notre richesse actuelle et future, celle de la maîtrise de la donnée. A l’époque décrié, il a depuis conquis les esprits car peu à peu, après les différentes affaires de perte de contrôle national de nos champions économiques, on s’est peu à peu aperçu qu’il était prophète. Pour vous en rendre compte, voici le texte de sa dernière conférence, prononcée au Ministère des Armées 21 décembre 2017  (nous remercions l’OGTDA ainsi que M. Bellanger de nous autoriser à le publier). Où l’on s’aperçoit que les choses ne se sont pas vraiment améliorées. Et que c’est absolument stratégique de se réveiller. Bonne lecture. JDOK

Nous ne reconnaissons pas les choses d’après ce qu’elles peuvent être en soi, mais seulement telles qu’elles apparaissent. Voilà ce qu’enseignait le philosophe grec Démocrite, il y a 2 500 ans. Nous connaissons le monde objectif par la médiation de nos sens dont la compréhension par notre mental établit une représentation. Schopenhauer, poursuivant cette thèse, réduisit notre connaissance du monde à la seule façon qu’à notre esprit d’en élaborer une reproduction : le monde est ma représentation, écrivait‐il. Et la conjugaison collective de ces représentations individuelles, nous l’appelons la réalité. Mais, entre le réel et notre médiation biologique, formatrice de notre représentation, vient désormais s’intercaler une médiation technologique nouvelle : le réseau numérique. Notre présent passe par l’écran. Notre quotidien n’est plus envisageable sans un terminal mobile à portée de main. La part d’information provenant de cette intermédiation électronique est croissante. Les machines nous donnent les réponses. Cette interface informatique est une nouvelle peau entre le monde et nous, un technoderme, par lequel l’essentiel transite. Parallèlement, le réseau est le nouveau système nerveux : il innerve la ville, le pays, la planète. De notre battement cardiaque au trafic aérien, il capte, collecte, traite et intègre les données. Continue reading « Comment gagner une guerre perdue ? P. Bellanger »

Où va l’Arabie saoudite ? De Al-Saoud à Al-Salman… (Pr. A. Mekkaoui)

De nombreux observateurs occidentaux suivent avec intérêt, et parfois une certaine angoisse, les changements radicaux entrepris par le Prince héritier et nouvel homme fort de l’Arabie saoudite, car le récent tournant majeur opéré dans l’ordre de succession du royaume s’y traduit d’une manière révolutionnaire et rapide.

La famille Al-Saoud va être phagocytée par le clan d’Al-Soudar ; cette dernière se divisera en deux en fondant une nouvelle dynastie héréditaire appelée les Al-Salman. Le mode adelphique a disparu au profit d’un système politique plus ouvert aux composantes de la société saoudienne qui étaient marginalisées depuis la création de ce jeune État de 1932. C’est aussi un glissement risqué à cause de la purge en profondeur d’un système archaïque. De plus l’émergence du Prince Mohamed Ben Salman comme moteur de ce changement radical a été validée par les plus grandes puissances, les États-Unis, la Russie et la Chine.

Arabie saoudite: Mohammed ben SalmaneSource

Depuis janvier 2017, le Prince héritier a lancé trois réformes globales, une restructuration du champ religieux, une réforme en profondeur du système politique et développé une vision économique ambitieuse.

Dans cette perspective, énumérons les principaux chantiers en cours.

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Aline Leboeuf, « Coopérer avec les armées africaines », IFRI, Focus stratégique n° 76, octobre 2017

Martine Cuttier nous propose une lecture de « Coopérer avec les armées africaines« , rédigé par Aline Leboeuf et édité dans la collection des Focus stratégique de l’IFRI. JDOK

Depuis les indépendances, tout en s’adaptant au contexte historique donc  stratégique[1], l’armée française pratique la coopération auprès des armées africaines et particulièrement celles de la zone subsaharienne confrontée à de nouvelles menaces : terrorisme, criminalité, insurrections, piraterie… avec des résultats très discutables. L’auteur tente de dresser un état des lieux de la coopération militaire et de saisir les raisons des piètres performances d’armées[2] le plus souvent professionnelles pourtant très sollicitées et tenues à bout de bras par nombre d’Etats dont la France au titre de la coopération.

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La première partie décrit la diversité de la coopération militaire : les très nombreux acteurs étatiques (p14-20), les rapports au cadre diplomatique (p 21-22), les différents types de conseillers et de coopérants (p 26-27), les formations proposées et les exercices p 23 – 28), le soutien matériel (p29) et l’aide financière (31)[3]. (cliquez pour lire la suite) Continue reading « Aline Leboeuf, « Coopérer avec les armées africaines », IFRI, Focus stratégique n° 76, octobre 2017 »

« Paix ou Sécurité en Afrique ? L’Intelligence sécuritaire comme nouveau paradigme » (JM Lavoizard)

Jean-Michel Lavoizard est un expert en intelligence stratégique installé en Afrique depuis plus de dix ans : il connaît parfaitement le terrain, ses qualités, ses défauts aussi. A la suite du Forum de Dakar, il nous propose des pistes de réflexion et d’action. Merci à lui. JDOK

La CGEM prend part à Abidjan au Forum d’Affaires UA-UE

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La quatrième édition annuelle du ‘Forum international de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique’ a porté sur la recherche de solutions intégrées aux défis sécuritaires. Entrepreneur en Afrique, l’auteur évoque les apports possibles du secteur privé à cette perspective. Continue reading « « Paix ou Sécurité en Afrique ? L’Intelligence sécuritaire comme nouveau paradigme » (JM Lavoizard) »

Le terrorisme dans le monde en 2016 (PTH)

Pascal Tran Huu, fidèle correspondant de LV, nous envoie cet article qui, sur la base d’une étude australienne, fait le point de l’évolution du terrorisme dans le monde, en 2016. Par moments contre-intuitif. Merci à lui. JDOK

L’« Institute for Economics and Peace (IEP) », organisme de réflexion australien, a publié, récemment, son étude annuelle sur le terrorisme dans le monde.

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Le nombre total de décès dus au terrorisme a chuté de 13% en 2016 par rapport à l’année précédente, indique le Global Terrorism Index. 2016 marque cependant un record en termes de nombre de victimes d’actes terroristes dans les pays de l’OCDE depuis 2001, année des attentats du 11 septembre. Continue reading « Le terrorisme dans le monde en 2016 (PTH) »

Pourquoi a-t-on besoin de redynamiser le dialogue Euro-Africain ? (Moussa Mara)

Moussa Mara, ancien premier ministre du Mali, nous fait le grand honneur de nous envoyer ce texte écrit à l’occasion du sommet Europe Afrique d’Abidjan (29 et 30 novembre). Nous le remercions chaleureusement. JDOK.

L’Afrique de la Guerre froide a suivi celle de la colonisation avec le maintien des positions stratégiques des anciennes puissances tutélaires. Elle devint ainsi une zone d’influence, un pré-carré, une chasse gardée, un terrain de jeu des puissances où des conflits se déroulaient par procuration. La bipolarisation du monde a figé les grands enjeux géostratégiques. Ensuite, le vent des ouvertures démocratiques suite à la chute de l’Union Soviétique, la construction européenne et l’ouverture à l’Est sous l’égide de la réunification allemande, portèrent le désintérêt stratégique de l’Europe vis-à-vis de l’Afrique jusqu’au milieu des années 2000.

Et puis, peu à peu, avec d’une part les investissements faramineux de la Chine – cette dernière venue en Afrique en vue de chercher des débouchés pour ses produits et faire du commerce- et, d’autre part, la croissance économique africaine entrée dans un cycle continu sous l’effet de politiques publiques favorables et de dynamiques internes porteuses (démographie, urbanisation, cours des matières premières, diversification économique soutenue par un essor des TIC), l’Afrique « terre d’opportunités économiques » remplace l’Afrique « terre des désastres et de la commisération ». Le continent africain s’impose maintenant comme celui des opportunités. De quoi motiver l’Europe à engager avec lui un dialogue fécond et un partenariat mutuellement avantageux. Continue reading « Pourquoi a-t-on besoin de redynamiser le dialogue Euro-Africain ? (Moussa Mara) »