N°44: Limites russes | Stratégie navale de la France | Stratégie 2017 : vu de Berne

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44 Limites russes

Limites russes

Depuis plusieurs mois, nous avons régulièrement signalé l’habileté stratégique de la Russie poutinienne. Pour autant, cela ne fait pas de nous des fervents supporters du Kremlin. À l’heure où certains grossissent la menace, il nous paraît aussi utile d’évaluer les limites russes actuelles : une juste appréciation du rapport de force est seule gage d’un calcul stratégique adapté. Or, l’ours russe est plus faible qu’il n’y paraît à certains mais plus résilient que d’autres l’espèrent. Surtout, il est rationnel, ce qui constitue une force déterminante. […]

Stratégie navale de la France

La puissance a toujours eu une dimension maritime, et c’est chaque jour plus vrai (cf. LV 41, ambition maritime). Trois espaces clés du monde, les zones de coprospérité nord-américaine, euro-méditerranéenne et sud-asiatique, sont interconnectés par leurs façades maritimes et liés par leur forte dépendance à la mer pour leurs approvisionnements et leurs échanges. Dans ces espaces, les flottes de guerre les plus importantes du monde sont à l’Ouest mais celle, dominante, des États-Unis a désormais pivoté vers l’Asie où les puissances régionales de l’Est sont avides de stature militaire et navale, en Inde, en Chine, Corée du Sud ou au Japon. Bien des enjeux et des vulnérabilités se sont installés en mer mais derrière la ligne d’horizon au loin, comme toujours, l’action navale se fait sans témoins ni spectacle. Pour sécuriser les approches côtières nationales et les espaces océaniques communs, les marines de guerre doivent entretenir des missions permanentes, lourdes à supporter. Cela vaut évidemment pour la Marine nationale. […]

Lorgnette : Déboires à Ankara

Stratégie 2017 : vu de Berne (Alexandre Vautravers)

Une vision suisse de la stratégie française a-t-elle un sens pour un État neutre depuis 1815 ? Et pour un pays que la diplomatie, la volonté de défense et une armée de citoyens-soldats ont préservé de la guerre depuis… Napoléon Ier ? […]

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N° 43 : Éloge du débat stratégique en France | Priorités à l’Est de l’Europe | Stratégie 2017 : vu de Bamako

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Éloge du débat stratégique en France

A quoi servent les militaires, sinon à protéger notre pays des guerres et, quand elles sont là, à les gagner ? À quoi sert le débat stratégique, sinon à placer les intérêts et les responsabilités de sécurité de la France sur l’échiquier de la conflictualité actuelle pour faciliter la compréhension, la décision et l’allocation des ressources nécessaires à nos engagements au service de la défense du pays, de la paix et de la sécurité internationale ? Mais, il est vrai que, fatiguée de grandeur, la France demande plus de sécurité, moins d’initiatives, de responsabilités, moins d’aventures, ce que diagnostiquait Chaunu, il y a 20 ans déjà. Aussi le débat stratégique est-il atone comme si on renonçait à en faire dépendre notre sécurité et à mobiliser les Français. […]

Priorités à l’est de l’Europe

Les priorités stratégiques françaises sont bien connues : cadre européen réaffirmé, lutte contre le jihadisme, action en Afrique, présence active au Moyen-Orient, influence dans nos zones d’intérêt (océan Indien, Polynésie, Caraïbes). Mais à l’heure où les programmes des divers candidats à la présidentielle donnent tous la primauté à l’Europe, nul ne relève que les Européens de l’Est ont des perceptions différentes des nôtres. Or il n’y a pas de stratégie européenne possible sans politique russe. […]

Lorgnette : Tournant tunisien

Stratégie 2017 : vu de Bamako (Moussa Mara)

Le principal atout de la posture stratégique de la France aujourd’hui est son influence culturelle dans notre espace, qui est véhiculé par la langue, les pratiques administratives et étatiques et la devise de la République qui fait encore écho en Afrique francophone.  […]

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N° 40 : Paravents et remparts : l’Etat en danger | La solitude est tendance |Stratégie 2017 : vu de Varsovie

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Paravents et remparts : l’Etat en danger

Un  an avant l’élection du chef de l’État, faisons un peu de philosophie politique pour en délimiter la donne.  C’est à l’État d’assurer la stabilité et la sécurité nécessaires à la nation pour lui permettre de constituer une société offrant le cadre collectif de progrès et de justice auquel aspirent légitimement les citoyens.
Ce principe républicain rappelé, fondement vertueux de la démocratie, voyons où nous en sommes dans les « sociétés avancées », en particulier en France. La société internationale se compose de plus de 190 États parmi lesquels la France pointe au 6ème rang économique. Mais le président élu en 2017 sera loin d’avoir en main toutes les clés de la France car les États ne sont plus les principaux acteurs du monde. […]

La solitude est tendance

Souvenez-vous : l’an dernier, les éditorialistes se déchaînaient sur « l’isolement de la Russie » ! À La Vigie, nous ne savons pas si la Russie est vraiment isolée, nous constatons surtout qu’à défaut d’isolement, la solitude stratégique est un trait qui se répand. Les solidarités robustes d’hier s’affadissent et chacun, désormais, joue « seul dans son coin », sans réellement prendre garde à ce que pensent ses amis, ses alliés,  ses voisins. C’est vrai de la Russie mais aussi des États-Unis, de l’Allemagne, de la Turquie ou de la France, pour prendre quelques exemples. Au fond, alors que le XXIème siècle commençant nous avait promis solidarité et collaboration, voici qu’il se révèle solitaire et conflictuel. […]

Stratégie 2017 : vu de Varsovie (Andrzej Szeptycki )

Le principal atout de la France est son rôle international de grande puissance. La France reste l’un des membres permanents du Conseil de sécurité et le pays fondateur de l’UE. Il faut qu’elle en profite pour défendre ses intérêts et promouvoir sa vision du monde.  Au niveau global, la France devrait activement valoriser les principes du droit international. Au niveau régional, il lui faut défendre le projet européen contre aussi bien la menace de l’éclatement que les tendances hégémoniques de certains pays membres (Allemagne) ou voisins (Russie).  […]

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N° 38 (gratuit) : EUXIT ? | Escalade pour la désescalade | Stratégie 2017 : vu de Bucarest

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European Union Flags 2

EUXIT ?

Nécessité géopolitique, la construction européenne est pourtant portée par un projet géoéconomique. C’est son principal défaut. Est-il mortel ? Peut-on encore réorienter l’UE, la conformer au réel, la réparer? Faut-il y renoncer pour établir une autre Europe, plus petite ou plus grande? Depuis 2005 au moins, chacun peut observer une crise croissante de l’identité européenne tant les Européens s’opposent sur l’essentiel : leurs intérêts, leurs valeurs, leurs responsabilités, leurs solidarités et donc leur projet commun. La crise financière grecque l’avait mis en évidence, la crise migratoire l’a confirmé, le possible Brexit l’amplifie. Au point que des voix suggèrent de détricoter cette union-là, soit pour revenir à un noyau dur à 6 ou 10, soit pour l’intégrer dans un vaste ensemble occidental sous patronage américain. Car le format actuel ne convainc plus guère. […]

Escalade pour la désescalade

Le petit monde des stratégistes nucléaires s’émeut depuis quelques mois : la Russie aurait fait évoluer sa doctrine de dissuasion pour adopter maintenant une posture de « l’escalade pour la désescalade ». Autrement dit, l’emploi précoce (tactique ?) d’armes nucléaires dans un conflit conventionnel afin de marquer un coup d’arrêt et provoquer un arrêt des hostilités. Cet émoi s’ajoute à toutes les récentes inquiétudes stratégiques : ici sur la « guerre hybride » (on lira l’excellent dossier de la RDN mais aussi O. Kempf, L’indirection de la guerre, PE hiver 2015), là sur le « A2/AD » ou « anti access, area denial » qui ne serait plus simplement une affaire chinoise mais constituerait un fait stratégique russe, donc affectant l’espace euro-atlantique. […]

Stratégie 2017 : vu de Bucarest (Gheorghe Ciascai)

Le statut de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU constitue un moyen stratégique très important dont dispose toujours la France pour protéger ses valeurs, pour mieux projeter ses intérêts et pour influencer les affaires internationales. C’est un instrument qui lui permet une réelle multiplication de sa puissance et de son influence à l’échelle mondiale. Mais depuis la fin des années 1990, une faiblesse de nature sociétale semble altérer le fonctionnement de l’État français et de la société française. […]

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N° 37 : Ennemis en Europe | Anciennes et nouvelles pistes | Stratégie 2017 : vu de Bruxelles

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Des ennemis en Europe

Ennemi. Le mot a été prononcé par un ministre européen à l’encontre d’un autre pays européen. Le journal Le Monde rapportait ainsi, vendredi soir, que « le ministre de l’intérieur grec a été très dur. Il a reproché longuement à l’Autriche d’avoir organisé, la veille, sans l’inviter, une réunion des Balkans. Il a dénoncé une démarche ennemie ». La crise des réfugiés est-elle donc si grave que le mot « ennemi » peut désormais avoir cours entre États européens, ceux-là même qui affirmaient que « l’Union, c’est la paix » ? On peut bien sûr mettre l’emploi de ce mot au compte de la tension, de la fatigue ou de tout autre état psychologique. Mais justement, les mots traduisent l’inconscient. Nous en sommes donc là : un stade où les différends politiques dominent tout, où l’animosité prend le pas sur la discussion. Terrible échec d’un modèle européen qui n’apporte plus de solution aux crises du moment. […]

Anciennes et nouvelles pistes

Un an avant la campagne présidentielle qui décidera d’un projet pour la France dont on souhaite qu’il permette la relance stratégique du pays, on est confronté à un dilemme pesant. De deux choses l’une, soit la marche du monde impose à la France d’assumer sa relégation stratégique et une forme de cogestion européenne de l’impuissance sécuritaire, sociale et économique (voir plus haut) ; soit un sursaut collectif réactive la voie réactionnaire classique du raidissement national, politique, policier et militaire. Habituée aux politiques éclairées de progrès, la France risque d’être bien en peine de se déterminer en matière de défense si elle se contente mimétiquement des vieilles recettes. Comment sécuriser cette fragile France-là ? Comment la sortir des turbulences ? Ces questions seront difficiles à traiter sans vision stratégique, sans volonté politique et sans mesures d’urgence : il nous faudra donc les réunir dans une même main. […]

Stratégie 2017 : vu de Bruxelles (André Dumoulin)

Le principal atout de la France est qu’elle est devenue la première puissance militaire de l’Europe occidentale. Son histoire, sa culture stratégique, ses intérêts mondiaux se traduisent par une série d’engagements opérationnels et une capacité d’entrer en premier de façon réactive dans les théâtres d’opération. Elle aide les plus petits États européens alliés à débattre de leur propre implication diplomatique, politique et militaire, et du degré de soutien coopératif à accorder à Paris. Elle les pousse à prendre position sur les questions de solidarité, de partage de risques, de tâches et de zones d’action. Elle garantit de fait le haut du spectre de la défense européenne commune par sa dissuasion nucléaire. […]

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Stratégie 2017 : vue de Rome (Eloge de la cohérence stratégique)

La Vigie est heureuse de publier le texte complet écrit par le Vice-Amiral d’Escadre (2S) Sanfelice di Monteforte, de la marine italienne. Il développe le bref texte qui a été publié en septième page de notre dernier numéro 36. Mille mercis à lui. La Vigie.

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L’Occident a peur, face à l’agressivité du Daesh, et la France, durement frappée, a beaucoup de peine à réagir psychologiquement au choc des attentats de Paris. Malheureusement, ce type de situation n’était pas inattendu. Elle résulte, en fait, de ceci : nous vivons dans un monde en transition très rapide où le revanchisme arabe a amassé des ressources humaines et une force financière considérables pour essayer de nous contraindre à accepter ses objectifs de puissance. Cela a produit une situation de « fluidité stratégique »1 qui, selon plusieurs études, mettrait en danger l’Europe – et la France en particulier – leur bien-être, leur façon de vivre et leur culture, et les opinions publiques pressent les gouvernements de réagir. C’est que nous vivons dans une sorte de nuage rose, à l’abri des tempêtes de la vie, qui ne nous touchent que lorsqu’une fenêtre s’ouvre soudainement et que l’orage nous frappe. Et les attentats de Paris ne sont pas autre chose qu’une fenêtre qui, en s’ouvrant sous la pression du vent, nous a exposé violemment au monde qui nous entoure. Le résultat est que nous nous trouvons dépourvus, face à ce que nous n’avions pas prévu. Continue reading « Stratégie 2017 : vue de Rome (Eloge de la cohérence stratégique) »

N° 36 : Quelles sont les causes de l’État Islamique ? | Pour sortir de l’impuissance | Stratégie 2017 : vu de Rome

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

Quelles sont les causes de l’État Islamique ?

Certains responsables continuent de parler de « guerre contre le terrorisme », refusant d’analyser les ressorts de l’ennemi nommément désigné, l’État Islamique. Or, il n’est de bonne stratégie que procédant d’un bon diagnostic qui exige la compréhension des sources de la puissance de l’ennemi. S’agissant d’un mouvement terroriste qui se prétend État, il convient donc de dresser le diagnostic des causes qui ont conduit à son apparition. Trois thèses sont couramment avancées : des racines socio-économiques, culturelles ou politiques. Étudions-les successivement. […]

Pour sortir de l’impuissance

Nous évoquions en début d’année le grand tournant stratégique qui se profilait en 2016 et les risques de dérapage (cf. LV 33). Comment notre posture de défense et de sécurité se prépare-t-elle à des évolutions d’une telle ampleur ?

La leçon inaugurale de la chaire des grands enjeux stratégiques nous apporte la réponse du ministre de la défense (texte ici). Ce tour d’horizon daté du 18 janvier, à la fois réaliste, pragmatique et serein, vaut d’être lu. On pourra certes déplorer des angles morts stratégiques, réticences politiques implicites à mener une véritable analyse de défense et de sécurité permettant de sortir d’une forme assumée d’impuissance. Mais il y a là une réflexion de qualité d’un ministère qui vient de migrer sur le site de Balard, l’Hexagone français, avec sa matière grise militaro-stratégique et sa capacité de décision et de conduite technico-opérationnelle. […]

Stratégie 2017 : vu de Rome (Amiral F. Sanfelice di Monteforte)

L’Occident a peur, face à l’agressivité de l’EI, et la France, durement frappée, peine à réagir psychologiquement aux attentats de Paris. Ce type de situation n’était pas inattendu. Nous vivons en effet dans un monde en transition où le revanchisme arabe a amassé tant de ressources humaines et une force financière si considérable qu’il peut nous opposer ses objectifs de puissance. Aujourd’hui, nos valeurs, nos idéaux et notre culture même, qui ont modelé le système international, sont durement contestés, voire rejetés. […]

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« L’UE et ses voisinages : entre intérêts et valeurs »

La Vigie est heureuse de vous annoncer qu’elle parraine et participe à la Conférence annuelle de l’Institut d’Études Européennes – Université Saint-Louis – Bruxelles. Thème : « L’UE et ses voisinages : entre intérêts et valeurs », le 28 janvier 2016, 9h-17h, Salle des Examens (2e étage) Université Saint Louis, Bld du Jardin Botanique 43, 1000 Bruxelles. Avec entre autres S. Biscop, M. Otte, et P. Vimont. Programme ci-dessous.

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La Vigie n° 32 : 2015, la double inflexion | L’UE, point de non-retour

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2015, la double inflexion

Reprenons la tradition de l’« aide-mémoire au roi » (cf. LV n°6) pour esquisser un bilan : tendances stratégiques observées en 2015 (ce numéro, LV n°32) et perspectives de sécurité françaises en 2016 (le prochain, LV n°33). On pressent que cette année 2015 se termine pour la France sur une double et forte inflexion, celle de la prise en compte dans l’urgence du grave défi de sécurité intérieure qu’est le terrorisme et celle d’un changement de pied brutal dans l’action extérieure en Syrie sur la base d’un nouveau réalisme stratégique collectif. […]

L’UE, point de non-retour

Signe des temps, on ne compte plus les commentaires suggérant des solutions de la dernière chance pour sauver l’Europe. Les éditorialistes de nos quotidiens se relaient à longueur de colonnes pour « sauver le projet européen ». Signe que l’optimisme de rigueur qui prévalait est parvenu à son terme et qu’il ne s’agit plus de corriger tel défaut mais de préserver un chef d’œuvre en péril. Or il nous semble condamné.

Les problèmes sont de taille, il est vrai. L’Union européenne semble être entrée en agonie, souffrant d’un logiciel inadapté aux temps nouveaux qu’elle avait cru pouvoir dominer. Car cette Europe-là était en effet fondée sur le rejet du politique traditionnel, et voici que c’est le politique la rejette. […]

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Quand l’Allemagne montre les crocs (T. Wattelle)

Les récentes annonces d’un renforcement de l’engagement allemand au Mali, puis au sein de la coalition contre Daech, contrastent avec une politique allemande de défense d’ordinaire prudente et peu encline à déployer des troupes à l’étranger. Pour rappel, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait déclaré début 2013 : « l’Allemagne ne veut plus être une grande puissance en politique étrangère. (…) Comment le pourrions-nous après Hitler et Auschwitz ? L’histoire laisse longtemps des traces ». Les attentats du 13 novembre 2015 auraient-ils réussi à faire prendre conscience à l’exécutif allemand de l’importance d’une contribution accrue à la lutte contre le terrorisme ? Rien n’est moins certain tant ces décisions différent, l’une s’inscrivant en trompe-l’œil et l’autre tranchant par son caractère véritablement révélateur des forces à l’œuvre sur la scène politique outre-Rhin.

L’Europe aider France effort guerre. La ministre allemande Défense Ursula von der Leyen notamment promis Jean-Yves Le Drian l’Allemagne allait renforcer présence Afrique l’Ouest notamment Mali.   Source

L’engagement accru au Mali, une réponse préparée

Cinq jours après le déclenchement de l’opération Serval, Angela Merkel avait surpris son monde en annonçant un soutien actif de Berlin qui se traduira finalement par l’envoi de deux avions de transport C-130 Transall au profit de la MISMA et un Airbus 310 au profit des forces françaises. A l’époque, la chancelière avait justifié ainsi son rétropédalage : « Chacun doit  agir en fonction de ses moyens. Nous ne refusons pas de prendre nos responsabilités, nous le faisons sur différents terrains, en Afghanistan ou au Kosovo, où nous fournissons le plus gros contingent »[1]. Au lendemain des attentats, Paris a décidé de faire appel à l’article 42-7 du traité de l’Union Européenne, censé permettre à un pays-membre de requérir l’assistance de tous en cas d’attaque. Néanmoins, l’initiative allemande de renforts au Mali (650 hommes) ne s’inscrit pas dans le cadre de cette clause comme on a pu le lire. Comme l’a fait remarquer le journaliste Thomas Wiegold, l’augmentation de l’effectif de la Bundeswehr au Mali était dans les cartons depuis août[2] et est avant tout dû à une pression des Néerlandais en charge de la ville de Gao dans le cadre de la MINUSMA. En aucun cas, il ne s’agit de se substituer à l’opération Barkhane ou de l’appuyer dans ses missions.

Au-delà du sensationnalisme de l’annonce, il faut analyser cette décision par le prisme des rouages législatifs allemands, particulièrement compliqués lorsqu’il s’agit de défense. En effet, tout déploiement de soldats à l’étranger doit être autorisé par le Bundestag qui fixe une limite maximum des effectifs. Or, comme le pointe du doigt Jean-Dominique Merchet[3], la différence entre le contingent prévu (500 hommes ) et celui effectivement sur place (218 hommes) est énorme. Autre sujet d’inquiétude, les soldats de la Bundeswehr étaient cantonnés à un rôle d’entraînement de l’armée malienne. S’ils partent relever le contingent néerlandais, ils devront effectuer des missions dangereuses de combat, peu compatibles avec les attentes de nos voisins outre-Rhin, comme le souligne Die Welt, qui doute de la pertinence du concept de « mission de maintien de la paix » avancé par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen[4].

La contribution à la coalition contre Daech, symbolique et responsable

Suite à l’entretien qu’elle a eu avec François Hollande le 25 novembre, Angela Merkel a décidé de porter assistance à la France dans sa lutte contre l’Etat Islamique autoproclamé en faisant plusieurs gestes significatifs. Tout d’abord, comme l’a indiqué le porte-parole de la CDU pour les questions de défense Henning Otte, l’Allemagne va « aussi (agir) en Syrie avec des avions de reconnaissance Tornado pour augmenter [son] engagement dans le combat contre le terrorisme de l’EI ». Berlin, qui n’avait que livré des armes et formé des combattants kurdes peshmergas, a de même décidé d’augmenter sensiblement le limite autorisée de ses effectifs de 100 à 150, avec les réserves déjà exprimées à ce sujet. Ursula von der Leyen a insisté sur la multitude des moyens que notre voisin est disposé à engager : « Nous pouvons fournir trois composants : une protection, de la reconnaissance et de la logistique »[5]. En l’occurrence, une frégate viendrait compléter le dispositif de protection du Charles de Gaulle tandis que les Tornado ainsi qu’un satellite s’occuperont de la reconnaissance. La logistique serait gérée par des avions Airbus 310, qui pourront venir soulager l’effort de nos ravitailleurs constamment sollicités.

Plus important, ce choix stratégique montre une réelle avancée dans le périlleux chemin de la responsabilisation de l’Allemagne. Porté outre-Rhin par Ursula von der Leyen mais aussi par Franz-Walter Steinmeier, ministre des Affaires étrangères, et Joachim Gauck, président fédéral, cet effort est avant tout l’apanage du parti chrétien-conservateur CDU, auquel s’oppose son partenaire de coalition social-démocrate, le SPD. En particulier le ministre de l’Economie Sigmar Gabriel s’oppose aux exportations de l’industrie de défense de son pays, pénalisant par là ses acteurs nationaux. Alors qu’elle avait adopté une position neutre sur le débat, la chancelière a néanmoins déclaré suite à l’entretien avec le président français : « Lorsque le président [Hollande] m’invite à réfléchir aux responsabilités supplémentaires que nous pourrions assumer, pour moi c’est une véritable mission ».

Il semblerait donc que nous soyons en train d’assister aux prémisses du changement de mentalité tant attendu. Un autre axe de progression à privilégier serait désormais un approfondissement de la coopération franco-allemande, encore stagnante.

Tancrède Wattelle est étudiant à Science Po

[1]    Entretien le 15 janvier 2013 donné à la radio NDR Info

[2]    Wiegold Thomas, « Bundeswehr prüft Einsatz im Norden Malis », Augen Gerade Aus, 06/08/2015

[3]    Merchet Jean-Dominique, « Renforts allemands : pourquoi il faut prendre les chiffres avec prudence », L’Opinion, 25/11/2015

[4]    Jungholt Thorsten, « Friedensmission ? Ein hochgefährlicher Einsatz », Die Welt, 25/11/2015

[5]    Lagneau Laurent, « L’Allemagne compte renforcer sa participation à la coalition anti-EI », Opex360, 26/11/2015