La Vigie n° 29 : Balkans difficiles, Europe incertaine | La guerre encore et toujours

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Balkans fragiles, Europe incertaine

Angela Merkel a très récemment évoqué (ici) le risque qu’il y ait des conflits armés en Europe (« I do not want military conflicts to become necessary there again », ici). De façon extrêmement surprenante, la déclaration n’a pas été commentée en France. Pourtant, alors qu’on ne cesse de nous chanter que l’Europe, c’est la paix, entendre la dirigeante du plus puissant pays du continent prononcer un tel avertissement aurait dû susciter un débat public sur une question tellement stratégique. Il n’en a rien été. Il n’est pas anodin que la déclaration d’A. Merkel ait porté sur la question des réfugiés, sur celle des frontières et sur celle des Balkans. En effet, son raisonnement est le suivant : […]

La guerre encore et toujours

La guerre hante la mémoire collective. Il est vrai que l’histoire montre que des désordres économiques et sociaux puis des escarmouches militaires ont souvent précédé les grandes guerres. Alors, vu les tensions actuelles, chacun d’annoncer la guerre même si personne ne la prépare vraiment. À l’Ouest, on est en quête de dictateurs à abattre, d’ennemis à désigner, de complots à dénoncer, de déflagrations naissantes à détecter, de précautions militaires à prendre, voire de préemptions à préparer … La situation stratégique actuelle se prête, de fait, aux parallèles inquiétants et on ne s’en prive pas.

Mais pourquoi ce sinistre vertige et ces surenchères alarmistes? […]

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Quand l’Allemagne montre les crocs (T. Wattelle)

Les récentes annonces d’un renforcement de l’engagement allemand au Mali, puis au sein de la coalition contre Daech, contrastent avec une politique allemande de défense d’ordinaire prudente et peu encline à déployer des troupes à l’étranger. Pour rappel, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble avait déclaré début 2013 : « l’Allemagne ne veut plus être une grande puissance en politique étrangère. (…) Comment le pourrions-nous après Hitler et Auschwitz ? L’histoire laisse longtemps des traces ». Les attentats du 13 novembre 2015 auraient-ils réussi à faire prendre conscience à l’exécutif allemand de l’importance d’une contribution accrue à la lutte contre le terrorisme ? Rien n’est moins certain tant ces décisions différent, l’une s’inscrivant en trompe-l’œil et l’autre tranchant par son caractère véritablement révélateur des forces à l’œuvre sur la scène politique outre-Rhin.

L’engagement accru au Mali, une réponse préparée
Cinq jours après le déclenchement de l’opération Serval, Angela Merkel avait surpris son monde en annonçant un soutien actif de Berlin qui se traduira finalement par l’envoi de deux avions de transport C-130 Transall au profit de la MISMA et un Airbus 310 au profit des forces françaises. A l’époque, la chancelière avait justifié ainsi son rétropédalage : « Chacun doit agir en fonction de ses moyens. Nous ne refusons pas de prendre nos responsabilités, nous le faisons sur différents terrains, en Afghanistan ou au Kosovo, où nous fournissons le plus gros contingent » . Au lendemain des attentats, Paris a décidé de faire appel à l’article 42-7 du traité de l’Union Européenne, censé permettre à un pays-membre de requérir l’assistance de tous en cas d’attaque. Néanmoins, l’initiative allemande de renforts au Mali (650 hommes) ne s’inscrit pas dans le cadre de cette clause comme on a pu le lire. Comme l’a fait remarquer le journaliste Thomas Wiegold, l’augmentation de l’effectif de la Bundeswehr au Mali était dans les cartons depuis août et est avant tout dû à une pression des Néerlandais en charge de la ville de Gao dans le cadre de la MINUSMA. En aucun cas, il ne s’agit de se substituer à l’opération Barkhane ou de l’appuyer dans ses missions.
Au-delà du sensationnalisme de l’annonce, il faut analyser cette décision par le prisme des rouages législatifs allemands, particulièrement compliqués lorsqu’il s’agit de défense. En effet, tout déploiement de soldats à l’étranger doit être autorisé par le Bundestag qui fixe une limite maximum des effectifs. Or, comme le pointe du doigt Jean-Dominique Merchet , la différence entre le contingent prévu (500 hommes ) et celui effectivement sur place (218 hommes) est énorme. Autre sujet d’inquiétude, les soldats de la Bundeswehr étaient cantonnés à un rôle d’entraînement de l’armée malienne. S’ils partent relever le contingent néerlandais, ils devront effectuer des missions dangereuses de combat, peu compatibles avec les attentes de nos voisins outre-Rhin, comme le souligne Die Welt, qui doute de la pertinence du concept de « mission de maintien de la paix » avancé par la ministre de la Défense Ursula von der Leyen .

La contribution à la coalition contre Daech, symbolique et responsable
Suite à l’entretien qu’elle a eu avec François Hollande le 25 novembre, Angela Merkel a décidé de porter assistance à la France dans sa lutte contre l’Etat Islamique autoproclamé en faisant plusieurs gestes significatifs. Tout d’abord, comme l’a indiqué le porte-parole de la CDU pour les questions de défense Henning Otte, l’Allemagne va « aussi (agir) en Syrie avec des avions de reconnaissance Tornado pour augmenter [son] engagement dans le combat contre le terrorisme de l’EI ». Berlin, qui n’avait que livré des armes et formé des combattants kurdes peshmergas, a de même décidé d’augmenter sensiblement le limite autorisée de ses effectifs de 100 à 150, avec les réserves déjà exprimées à ce sujet. Ursula von der Leyen a insisté sur la multitude des moyens que notre voisin est disposé à engager : « Nous pouvons fournir trois composants : une protection, de la reconnaissance et de la logistique » . En l’occurrence, une frégate viendrait compléter le dispositif de protection du Charles de Gaulle tandis que les Tornado ainsi qu’un satellite s’occuperont de la reconnaissance. La logistique serait gérée par des avions Airbus 310, qui pourront venir soulager l’effort de nos ravitailleurs constamment sollicités.
Plus important, ce choix stratégique montre une réelle avancée dans le périlleux chemin de la responsabilisation de l’Allemagne. Porté outre-Rhin par Ursula von der Leyen mais aussi par Franz-Walter Steinmeier, ministre des Affaires étrangères, et Joachim Gauck, président fédéral, cet effort est avant tout l’apanage du parti chrétien-conservateur CDU, auquel s’oppose son partenaire de coalition social-démocrate, le SPD. En particulier le ministre de l’Economie Sigmar Gabriel s’oppose aux exportations de l’industrie de défense de son pays, pénalisant par là ses acteurs nationaux. Alors qu’elle avait adopté une position neutre sur le débat, la chancelière a néanmoins déclaré suite à l’entretien avec le président français : « Lorsque le président [Hollande] m’invite à réfléchir aux responsabilités supplémentaires que nous pourrions assumer, pour moi c’est une véritable mission ».

Il semblerait donc que nous soyons en train d’assister aux prémisses du changement de mentalité tant attendu. Un autre axe de progression à privilégier serait désormais un approfondissement de la coopération franco-allemande, encore stagnante.

Le Vigie n° 25 – De l’Allemagne, entre vertus et rigueurs | Fronts d’Asie

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

De l’Allemagne, entre vertus et rigueurs

L’Allemagne est de retour. Certes, l’affirmation a de quoi surprendre tant on n’a jamais eu l’impression, ces dernières années, qu’elle ait été vraiment absente. Au contraire, chacun pouvait constater à quel point elle avait pris la direction de l’Europe, pour le meilleur comme pour le pire. Chacun s’accordait à penser que sa puissance économique lui conférait des privautés politiques, notamment pour diriger la barque européenne. Mais personne ne la jugeait pour autant aimable. Au contraire, on dénonçait son égoïsme et le traitement de paille de fer qu’elle imposait au reste de l’Europe.

Voici donc qu’à l’occasion de la crise des réfugiés, l’Allemagne se découvre aimable, (…)

[…]

Fronts d’Asie

L’Histoire a trois fonctions principales, l’académique (relater scientifiquement une réalité d’hier), la politique (donner du sens aux faits d’alors) et la nationale (convoquer une dynamique collective d’aujourd’hui). Ainsi en va-t-il de la réintégration du 9 mai et du 3 septembre 1945 dans la chronologie de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Marquée par d’importantes cérémonies politiques et des grandes parades militaires à Moscou et Pékin, elle est à lire dans le contexte stratégique actuel.

Au retour de Pékin après le 3 septembre, voici quelques réflexions à partager. (…)

[…]

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Les voisinages sud après les printemps arabes

Voici le texte d’une conférence prononcée en février dernier à ‘institut Saint Louis à Bruxelles. Elle a été suivie d’une série de réunions au cours du printemps, organisées par l’institut, auxquelles La Vigie a été associée. L’enjeu consistait à soumettre quelques propositions à la Commission, à l’heure où elle réfléchissait à la rénovation de la politique des voisinages. Le texte de synthèse peut-être lu sur le site de l’institut : :  « Politique de voisinage de l’Union européenne: réforme ou refonte », Jacques Kellet-Noëllet, juin 2015. . La Vigie  a surtout travaillé sur la question du sud, ou plus exactement des sud, comme le texte ci-dessous l’illustre. Continue reading « Les voisinages sud après les printemps arabes »

Le déchainement irrémédiable (Grèce et UE)

L’accord obtenu entre les Européens et le Grèce, lundi matin, est incontestablement perdant-perdant. S’il a soi-disant sauvé l’Eurozone, il a engagé la destruction de l’UE. Les torts sont partagés mais les dégâts profonds.

A. Tsipras a été inconséquent : on ne choisit pas une ligne ultra dure si on n’est pas prêt à aller jusqu’au bout. Jouer gros au poker suppose des nerfs solides et une capacité à tenir une forte intensité dans l’affrontement que le dirigeant grec n’avait manifestement pas. Il n’avait d’ailleurs pas de plan B, celui d’organiser la sortie de l’euro. A partir de ce moment, son bluff ne pouvait pas fonctionner. Les Européens l’ont compris la semaine dernière lorsqu’après le référendum, ils ont vu que A. Tsipras ouvrait toutes les portes aux compromis : renvoi de I. Varoufakis, proposition d’un plan très proche de celui qui avait été refusé par référendum, discours convenable au Parlement européen. Par ces signes, A. Tsipras signalait qu’il était prêt à aller à Canossa. Il en est revenu comme les bourgeois de Calais, en pénitent et la corde au cou. Continue reading « Le déchainement irrémédiable (Grèce et UE) »

Grèce : le pari de la souveraineté (par A. Seiti)

 

Le 5 juillet 2015, date du référendum grec, demeurera inscrit comme un moment d’exception, doté d’une intensité susceptible d’infléchir substantiellement le cours de l’histoire européenne. Beaucoup de commentateurs ont souligné à juste titre le contraste entre ces réunions feutrées de l’Eurogroupe où l’on cultive un entre soi européen codifié par une grammaire technocratique opaque et l’irruption d’un peuple éprouvé par la dureté des programmes d’austérité successifs mais renaissant pour s’affirmer comme un acteur politique soucieux de reprendre en main son destin.

Un moment souverain

La proclamation des résultats ne consacrait pas seulement une victoire éclatante de Tsipras dans cette douloureuse partie de bras de fer qui l’opposa aux créanciers de son pays. Il n’adressait pas seulement un cinglant démenti aux oracles approximatifs, sondeurs et autres faiseurs d’opinion grecs et européens, aux institutions européennes, aux marchés financiers et aux responsables politiques s’immisçant sans retenue dans la vie politique d’un pays en situation d’asphyxie bancaire. Le 5 juillet marqua le retour d’une idée consubstantielle à l’idée démocratique qui dispose que le peuple grec est dépositaire de la souveraineté et qu’il est libre de choisir de ce qu’il juge souhaitable ou indésirable pour l’avenir de son pays. Continue reading « Grèce : le pari de la souveraineté (par A. Seiti) »