Jean-Vincent Holeindre, La ruse et la force : une autre histoire de la stratégie (fiche lecture)

Martine Cuttier, fidèle lectrice, nous envoie cette fiche de lecture de l’ouvrage de Jean-Vincent Holeindre, paru avant l’été. L’auteur est directeur scientifique de l’IRSEM depuis 2016, ce qui redouble l’intérêt pour son livre. Merci à elle. JDOK.

L’auteur étudie la guerre, « la plus extrême des violences politiques » à partir du double prisme de l’emploi de la force, source de mort et de désolation, et de l’ingéniosité humaine qu’est la ruse. Force et ruse, opposées et complémentaires, structurent les représentations de la guerre et de la stratégie dans l’aire occidentale. Il le montre en se plaçant du point de vue du temps long de l’histoire quant à  leur usage sur le plan de la stratégie et de la tactique. Afin d’en explorer la dialectique dans l’histoire de la stratégie, l’auteur fonde son analyse avec prudence sur la chronologie, plaçant son objet d’étude dans son environnement politique et social. Autre excellente méthode pour éviter les contresens. Continue reading « Jean-Vincent Holeindre, La ruse et la force : une autre histoire de la stratégie (fiche lecture) »

Le Cardinal de Retz, mots d’esprit pour temps de troubles (Th. F. de La neuville)

L’été est l’occasion de relire les classiques, ou tout simplement de les découvrir (voir la lecture faite de La Boétie dans égéa). Thomas Flichy de La Neuville, parrain fidèle de La Vigie, nous livre ici quelques leçons tirées du Cardinal de Retz, fameux mémorialiste du XVIIè siècle. Merci à lui. JDOK

Jean-François de Gondi se savait trop léger pour prétendre s’emparer du pouvoir. Cet agitateur professionnel nous a pourtant légué, au fil de ses Mémoires, quelques traits extraordinairement lucides sur la métamorphose d’un l’État en temps de guerre civile.

Le cardinal de Retz, 1613-1679 (portrait anonyme conservé au château de Blois). Photo © AFP

Source

L’une des caractéristiques de la Fronde fut en effet de mêler très étroitement la bataille judiciaire à celle des rues, et il ne fut pas rare de voir des robins abandonner soudainement le prétoire pour tirer l’épée. Ils n’étaient d’ailleurs pas seuls à se battre en un temps où l’on voyait des enfants de cinq et six ans avec les poignards à la main. C’étaient leurs propres mères qui les leur apportaient[1]

Ceci amène le cardinal de Retz à décrire crûment la déliquescence des pouvoirs publics : « Le dernier point de l’illusion en matière d’État, est une espèce de léthargie qui n’arrive jamais qu’après les grands symptômes. Le renversement des anciennes lois, l’anéantissement de ce milieu qu’elles ont posé entre les peuples et les rois, l’établissement de l’autorité purement et absolument despotique »[2].

Le mémorialiste en profite naturellement pour attaquer les actions d’intoxication du camp adverse, incarné par Mazarin, qui promit tout car il ne voulut rien tenir[3]. En effet, comme le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois est de saisir d’abord l’imagination des hommes par une action de circonstance[4], les bruits les plus spectaculaires ne pourraient être qu’écrans de fumée. Le vieux Prince d’Orange disait que le moment où l’on recevait les plus grandes et les plus heureuses nouvelles était celui où il fallait redoubler son attention pour les petites[5].

Encore fallait il constituer une opposition solide au pouvoir royal, ce qui n’était pas le cas du Parlement de Paris sujet aux pressions comme aux divisions. Gondi se fait la réflexion qu’on a d’ordinaire plus de peine dans les partis, à vivre avec ceux qui en sont, qu’à agir contre ceux qui y sont opposés[6]. N’est on pas plus souvent dupé par la défiance que la confiance[7] ? Le cardinal de Retz se défie du clergé qui donne toujours l’exemple de la servitude, et la prêche sous le titre d’obéissance[8]. Enfonçant plus avant la pointe, il ajoute n’y a t’il rien de si juste à l’illusion que la piété [9]?

Cerné de toutes parts, il ne reste plus au coadjuteur de Paris que de se reposer sur des intelligences plus ternes que la sienne mais plus persévérantes : Brion avait fort peu d’esprit ; mais il avait beaucoup de routine, qui en beaucoup de choses supplée à l’esprit[10]. L’appui de ces travailleurs fidèles ne fut pas suffisant pour lui éviter son éloignement définitif de la Cour. D’où une réflexion ultime dont la profondeur fut creusée à la solitude : « Il y a des temps où la disgrâce est une manière de feu qui purifie toutes les mauvaises qualités et qui illumine toutes les bonnes »[11].

TFLN

[1] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 127

[2] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 90

[3] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 88

[4] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 58

[5] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 248

[6] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 138

[7] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20

[8] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 66

[9] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 20

[10] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 42

[11] Cardinal de Retz, Mémoires, Paris, Librairie Garnier, 1934, p. 62

N° 58 bis : Finir l’année en relisant Bainville | Une année de La Vigie | Vœux et Index 2016 (Gratuit)

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Chers lecteurs, pour vos étrennes et parce que vous avez un peu de temps entre Noël et le nouvel an, La Vigie est heureuse de vous adresser cette lettre gratuite pour vous faire découvrir notre travail. Extrait des articles présents dans cette lettre :

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Finir l’année en relisant Bainville

L’année 2016 a tenu ses promesses avec ce tournant stratégique d’ampleur évoqué la semaine dernière. Montons maintenant sur la colline, échappons à cette fureur du monde que la « trêve des confiseurs » n’a guère atténuée. Y siègent en observateurs bien des penseurs pour temps difficiles ; nous avons choisi de nous asseoir auprès de Jacques Bainville pour écouter ses « Réflexions sur la politique » (Plon 1941).

Ce n’est pas, on s’en doute, pour sa proximité avec l’Action française ni pour son royalisme qu’est choisi cet académicien brillant, mort il y a 80 ans. Il livre ici des aphorismes politiques dont la pertinence nous éclaire en cette année d’élections présidentielles. C’est en expert stratégique que nous parle ici ce grand historien.  […]

Une année de La Vigie

La Vigie est née à l’automne 2014. Nous voici au milieu de notre troisième année qui marque pérennité et consolidation : la formule tient ses promesses et a trouvé son lectorat. Elle est même influente, si on en juge à quelques idées ou concepts que nous avons proposés et qui ont été repris dans le débat public : cela prouve que nous sommes écoutés et confirme la validité de notre projet.

Cela faisait un an que nous ne vous avions pas donné quelques comptes. Pour ce dernier numéro de l’année, en lecture libre, les voici. […]

Lorgnette : Meilleurs vœux

Index : des articles publiés sur le site ou la lettre depuis le 19 novembre 2015

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N° 48-49 : Postures et ruptures : plus rien ne sera comme avant | Lectures d’été

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Extrait des articles présents dans cette lettre :

Postures et ruptures : rien ne sera plus comme avant

Nous évoquions en janvier l’amorce d’un grand tournant à venir en 2016 (cf. LV 33). Nous y voilà sans doute avec cet été tendu. Le cadre stratégique évolue vite et rien ne sera plus vraiment comme avant. Comme de coutume, La Vigie parlera à deux voix pour explorer de nouvelles réalités qui s’installent, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Nous abordons ici les grandes questions qui vont désormais baliser le panorama de sécurité des Français et qui restructurent le cadre stratégique de la France. Côté cour, attentats à répétition, état d’urgence, désarroi politique ; côté jardin, afflux de réfugiés, reflux de l’EI, inversion syrienne et cristallisation turque, divisions libyennes et réplique malienne, Brexit et panne de l’UE, chambardement américain. […]

Précarité sécuritaire à l’intérieur

Bouleversement de la donne extérieure

Lectures d’été

Pour ce numéro double de l’été 2016 (nous ne publierons pas le 17 août et le numéro 50 paraîtra le 31 août), nous vous proposons quelques lectures : il est encore temps que vous les commandiez pour avoir quelque chose à méditer sur la plage ou la terrasse. Deux catégories : des essais et ouvrages sérieux, pour approfondir tel ou tel sujet ; et des ouvrages de détente, romans ou histoire. Bonne lecture, bonnes vacances. À très vite ; n’oubliez pas de vous réabonner et de nous diffuser largement. JDOK. […]

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Les guerres du président

Voici un livre qui intéressera tout lecteur curieux de stratégie française puisqu’il expose le tournant guerrier de la présidence de François Hollande. Écrit par David Revault d’Allones, journaliste au Monde, il tire sa source de nombreux entretiens avec la plupart des acteurs : le Président lui-même (quatre entretiens), le Premier ministre, les ministres de la défense, des affaire étrangères, de l’intérieur, de l’économie, mais aussi la plupart des acteurs civils et militaires qui firent la stratégie de la France depuis 2012.

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