LV 238 : Dissuasion et contournement | Impossible victoire | Lorgnette : Implosion de la Cédéao ?

Lettre de La Vigie du 20 mars 2024

Dissuasion et contournement

La nature même de la guerre en Ukraine nous interroge sur le rapport entre dissuasion et action conventionnelles. La recherche d’une intégration complète des actions militaires, au travers d’une approche en milieux physiques et champs immatériels, offre de manière paradoxale des possibilités plus fortes de contournement de la dissuasion par le bas du spectre. Cette question d’un éventuel contournement apparaît d’ailleurs de plus en plus critique pour l’Alliance atlantique, avec les enjeux liés à la crédibilité des moyens et à la solidarité entre Alliés, à l’heure des élections américaines.

Impossible victoire

Le mot de victoire paraît évident mais il recèle bien des pièges, tant il est marqué par l’histoire et un modèle occidental de la guerre. Or, les conflits de l’après-Guerre froide et les guerres les plus récentes montrent l’inadaptation de ce concept. Il nous faut repenser la victoire et la considérer comme une illusion : d’autres objectifs doivent être recherchés.

Lorgnette : L’implosion de la CéDéAO ?

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) vit des moments difficiles. Cette organisation « sous-régionale » (comme dit le jargon africain) réunissait 15 membres d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, du Nigéria au Sénégal et au Niger (mais sans la Mauritanie qui l’a quittée en 2000). Ayant une vocation à l’origine économique, elle s’adjoint à la fin des années 1990 une mission sécuritaire (création de l’Ecomog). Elle s’essaya à la médiation de crise (Mali 2013, Gambie 2017). Ses membres discutèrent à partir de 2019 d’une monnaie commune qui pourrait remplacer le franc CFA. Elle attirait puisque le Maroc et la Mauritanie demandèrent en 2017 à la rejoindre.

Mais les coups d’État à partir de 2021 entravent ce processus. Mali et Guinée sont suspendus, suivis du Burkina-Faso, quand le Niger voit ses transactions commerciales exclues et que certains évoquent une intervention militaire de l’organisation pour rétablir le président Bazoum. La rupture s’accentue puisqu’en janvier 2024, le Burkina, le Mali et le Niger annoncent quitter l’organisation. Le cœur sahélien s’éloigne du golfe de Guinée. L’avenir est incertain, comme suspendu.

JOVPN

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Crédit photo : Djof on VisualHunt.com

LV 224 : Afrique : changement de cycle | IA et cyberagressions (1/2) | Lorgnette : rentrée catastrophe

Lettre de La Vigie du 6 septembre 2023

Afrique : changement de cycle

La succession de coups d’État en Afrique de l’Ouest et Centrale manifeste un changement de cycle qui dépasse la perte d’influence française, due à beaucoup de maladresses et d’aveuglement. Il est temps de revenir à la méthode stratégique.

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IA et cyberagressions (1/2)

Le lien entre l’intelligence artificielle et les cyberattaques n’a curieusement pas été suffisamment exploré. Dans une série de deux articles, nous analyserons comment les deux se nourrissent mutuellement, que ce soit pour la défense ou pour l’attaque, quelles missions et quels procédés peuvent être mis en œuvre. Dans cette première partie, nous retraçons les grandes étapes de l’évolution de la cyberconflictualité depuis la révolution copernicienne de l’attaque contre l’Estonie en 2017.

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Lorgnette : Rentrée catastrophe

La rentrée est là, avec son lot habituel de stress, qui servira de cache-nez pour toutes sortes de retards et autres problèmes.

Lorsqu’on consulte les nouvelles, on est frappé qu’elles soient toujours mauvaises : tout va mal. Comme déjà noté l’année dernière (LV 203), la catastrophe semble être totale et les crises infinies : l’Ukraine ne gagne pas la guerre, les pays africains font des putschs à répétition, l’inflation continue, les prix à la pompe sont toujours aussi hauts, les fournitures scolaires sont trop chères, les restos du cœur reçoivent moins de dons mais doivent aider bien plus de personnes à mesure que la population sombre dans la précarité, l’insécurité gagne nos villes, les flots de réfugiés et d’immigrés augmentent, les citoyens n’ont plus confiance dans le gouvernement, il n’y a pas assez d’enseignants, le climat se dérègle, il n’a jamais fait aussi chaud, il n’a jamais fait aussi sec, il y a des incendies, des espèces invasives détruisent la biodiversité etc.

Nous devrions nous interroger sur cette mode de transformer les nouvelles en « mauvaises nouvelles » : le climat change, il devient effectivement délétère. À quoi sert l’alarmisme, le défaitisme et le déclinisme ?

Respirons et transformons l’avenir !

JOCVP

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Afrique : changement de cycle (LV 224)

La succession de coups d’État en Afrique de l’Ouest et Centrale manifeste un changement de cycle qui dépasse la perte d’influence française, due à beaucoup de maladresses et d’aveuglement. Il est temps de revenir à la méthode stratégique.

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LV n° 213 : Afrique adieu ! | Nouvelles questions nucléaires | Lorgnette : Accord arabo-persique

Lettre de La Vigie du 15 mars 2023

Afrique adieu !

Du discours de Ouagadougou en 2017 à celui de Paris en 2023, une constante apparaît : l’inexistence de la politique africaine de la France. À cela s’ajoutent des relations délicates que l’on voit dans des gestes peu diplomatiques. Face à ce constat, sommes-nous condamnés à dire : Afrique adieu ?

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Nouvelles questions nucléaires

Obnubilés par la guerre en Ukraine, nous ne voyons pas les profondes modifications stratégiques qui s’exercent ailleurs, par exemple dans le domaine nucléaire : fin du monopole balistique, ambiguïté des porteurs, sanctuarisation agressive, décès du contrôle des armements, mise en question de la non-prolifération sont autant de questions qui rétroagissent sur le théâtre européen.

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Lorgnette: Accord arabo-persique

La récente annonce d’un accord irano-séoudien, conclu qui plus est sous les auspices de la Chine, a sonné comme un coup de tonnerre. L’Arabie annonçait depuis quelque temps sont désir de s’affranchir du pacte du Quincy (LV 205). Elle n’a pas signé les accords d’Abraham entre Israël, les EAU et Bahreïn et le récent raidissement israélien ne doit pas la rassurer. Quant à l’Iran, la poursuite de l’enrichissement d’uranium malgré les sanctions et les négociations du JCPOA, l’entente avec la Russie et la récente grogne populaire favorisent un changement de posture stratégique.

L’accord donne l’impression d’un simple rétablissement des relations diplomatiques entre Riyad et Téhéran. Il semble comporter une dimension sécuritaire dont on verra la mise en œuvre au Yémen, où les Séoudiens semblent négocier tandis que les EAU et les Américains s’y refusent. Au fond, l’Arabie semble vouloir diversifier ses sources de sécurité et ne s’en remet plus uniquement aux États-Unis. Washington qui s’est désintéressé du Moyen-Orient paye ainsi son abstention et sa perte de crédit. Quant à la Chine, elle réunit deux des principaux fournisseurs d’hydrocarbures : cela lui suffit.

Le puzzle bouge dans la région…

JOCVP

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Afrique Adieu !

Du discours de Ouagadougou en 2017 à celui de Paris en 2023, une constante apparaît : l’inexistence de la politique africaine de la France. À cela s’ajoutent des relations délicates que l’on voit dans des gestes peu diplomatiques. Face à ce constat, sommes-nous condamnés à dire : Afrique adieu ?

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Illusions perdues (LV 212)

La politique étrangère de la France fait face à un champ de ruines : toues les ambitions européennes sont réduites à néant à la suite du réalignement provoqué par la guerre d’Ukraine, notre situation en Afrique est dévastée, nos ambitions de par le vaste monde brouillonnes et incomprises. C’est donc le moment parfait d’arrêter de parler à tort et à travers, de réfléchir et de choisir.

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De 2021 à 2022,encore l’incertitude ! (LV 183)

L’année 2022 s’annonce encore très incertaine : une Amérique banale, une Russie déclassée, une Chine crispée, un Moyen-Orient hésitant, une Afrique en panne et une Europe indécise ne favorisent pas de grands bouleversements stratégiques. La rivalité sino-américaine demeure le principal facteur structurant. Quant à la France, il faudra passer l’élection présidentielle pour y voir clair.

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Sur la pointe des pieds (Le Cadet n° 82)

Du temps de Giscard – comme on dit du temps de Foccart –, on racontait cette histoire d’un chef d’État africain houspillant un de nos ambassadeurs parce qu’un bataillon de Marsouins s’était installé dans l’État voisin, interrompant les excuses embarrassées de notre diplomate rassurant le président qu’il n’y avait pas d’intention maligne, d’un tonitruant : « J’entends bien. Mais j’y ai droit, moi aussi ! ». Voilà que l’heure de vérité a sonné. Les Africains s’aveuglent : non, la France ne traite pas ses ex-colonies comme des sous-préfectures ; non, le retrait de Barkhane n’est pas une fausse sortie pour se faire supplier de revenir, coup de bluff pour revivifier la Françafrique ; c’est le signal que la France s’en va. Elle le savait depuis la faute de l’intervention en Libye, qui lui revient en boomerang.

Qu’apporte-t-elle de différent des autres, à part ses Légionnaires qu’on y croit toujours disponibles parce qu’ils sont prépositionnés et connaissent le continent ? Depuis le Rwanda et les délires sur sa prétendue responsabilité, le ressort s’est cassé. L’armée française est usée de décisions politiques inconséquentes qui ont découragé plusieurs CEMA, comme la France l’est des flatteries d’Africains qui la prennent pour une puissance surtout lorsqu’ils la traitent de faiseuse de rois et de pilleuse de minerai. Elle ne veut plus tenir ce rôle de gendarme auquel elle tient moins que ceux qui croient ne pas pouvoir se passer d’elle, soixante ans après les indépendances. Elle s’épuise au moment où elle doit redéfinir son format – pas celui OTAN-Scorpion qui ne fait qu’accélérer sa déqualification, mais celui qui lui permettra de retrouver l’art français de la guerre. Elle tire sur la corde d’un matériel chichement compté et inadapté au Sahel (bombardement de Bounti le 3 janvier 2021 [1]), et de militaires qui ne reçoivent en retour de leurs efforts que l’accusation de perpétrer le régime colonial de grand-papa.

Même si nous allons en partir sur la pointe des pieds, comme demandait naguère Antoine Pinay de l’Indochine, il s’agit d’une vraie décision stratégique qui solde un passé suranné qu’il ne sert à rien de pérenniser. Les Africains découvriront l’ouverture d’esprit des soldats russes et l’amabilité, dénuée de toute trace de racisme, des bataillons d’ingénieurs chinois qui s’isoleront dans leurs dortoirs sécurisés, avec leurs magasins interdits aux locaux et leur remake du Paris-Dakar dans les rues de Bamako. Ils savent déjà apprécier l’empathie des rares membres des forces spéciales américaines qu’ils aperçoivent parfois de loin au côté de Barkhane. Et quand la Banque de France cessera de contre-garantir la nouvelle monnaie africaine sur ses propres réserves, les grands argentiers du continent iront négocier à la BCE de Francfort sa libre convertibilité avec l’Euro et un taux de change fixe, avec des Allemands et des Néerlandais qui adorent qu’on leur parle de relance par le déficit et l’inflation. Mais ne rêvons pas : l’Afrique regrettera aussi peu la France que la France regrettera l’Afrique.

Cadet n° 82

[1] Le problème n’est pas que la présence d’hommes en armes ait induit en erreur sur la nature festive du regroupement, mais que le matériel made in USA et le mode opératoire qui lui est consubstantiel – on l’a vu à d’innombrables reprises en Afghanistan, mais c’était déjà le cas au Viêt Nam – arbitre en faveur de la destruction d’un mariage lorsqu’il permet de neutraliser quelques djihadistes, et non l’inverse. L’otanisation de nos armées est à ce prix, qu’il faut désormais assumer – ce qui posera un jour la question de l’adhésion de la France à la CPI.

La Vigie n° 166 : Fin de l’État ? | Posture stratégique de l’Italie | Lorgnette : Domino tchadien

Lettre de La Vigie datée du 28 avril 2021

Fin de l’État ?

Il nous semble évident de vivre dans un État. Pourtant, l’organisation étatique moderne est le résultat d’un long processus et l’État de droit contemporain n’est pas une constante. Aujourd’hui, les États sont remis en cause par divers moyens, ce qui les fragilise et décrédibilise. Comment dès lors renforcer la légitimité de l’État ?

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Posture stratégique de l’Italie

L’Italie contemporaine, héritière de trois Rome, est fondamentalement méditerranéenne et existentiellement européenne. Ces déterminants ne l’empêchent pas d’avoir une alliance très profonde avec les États-Unis tout en conservant une relation spéciale avec la Russie. En Europe, elle entretient une relation compliquée avec l’Allemagne, fruit d’une expérience multiséculaire. Le Brexit provoquant une remise à jour des équilibres européens, la période est favorable à un rapprochement entre Paris et Rome, malgré les frictions récentes et pour peu que la France oublie sa condescendance.

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Lorgnette : Domino tchadien

La mort violente (dans des circonstances troubles) d’Idriss Déby, le président tchadien, constitue un tremblement de terre géopolitique. Il est d’abord intérieur car en bon despote, il n’avait pas préparé sa succession. Sans même parler de la représentation des aspirations populaires, son système aura du mal à se perpétuer et devrait relancer les rivalités entre clans. Rappelons que la conquête du pouvoir s’est toujours faite par les armes, notamment par les tribus du Nord.

Mais c’est surtout l’équilibre régional et le dispositif sécuritaire français qui sont fragilisés. Dans le dispositif militaire laissé en Afrique après la Guerre froide, N’Djamena a toujours occupé une place de choix grâce à sa position centrale. Elle s’est plus que jamais renforcée à la suite des troubles dans la bande sahélo-saharienne qui se succèdent depuis une décennie et notamment de l’intervention au Mali. Rappelons que le PC de l’opération Barkhane est justement situé à N’Djamena et que les troupes tchadiennes étaient les seules efficaces du G5 Sahel sur lequel Paris fonde tant d’espoir. Par effet de domino, tous les pays de la région peuvent désormais chuter. C’est une mauvaise nouvelle.

JOCV

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Crédit photo : pixabay

Turbulente rentrée (LV 150)

L’été a permis au Français de retrouver une certaine normalité. Le monde, quant à lui, a plutôt aggravé les tensions : entre une inquiétante Amérique, une Chine ambiguë, une Afrique qui va toujours mal, une Méditerranée qui s’échauffe, un Est européen douloureux, la rentrée est turbulente et agitée. Convenons que notre diplomatie a du mal à ordonner ces désordres et à imprimer des lignes claires.

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