Depuis que nous traitons de la guerre d’Ukraine, nous avons relancé la notion de RAPFEU (rapport de feu) qui vient compléter celle de RAPFOR (rapport de forces). Au début, en décembre 2022 (ici), nous ne savions pas très bien si la notion était usitée par nos anciens, notamment artilleurs. C’est pourquoi nous sommes très reconnaissants au Lieutenant-Colonel (ER) Aubagnac, ancien conservateur du musée de l’artillerie, de nous faire le point sur cette notion qui depuis s’est largement diffusée chez les analystes. La guerre d’Ukraine nous l’a fait redécouvrir. Merci à lui. LV.
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Le conflit en Ukraine a rappelé, depuis deux ans, quelques fondamentaux de l’art de la guerre connus depuis la motorisation du fait guerrier[1] et que les guerres périphériques menées par la France depuis 1962 avait fait en partie oublier[2]. L’infanterie est nécessaire pour tenir le terrain ; l’artillerie permet de conquérir ou de sauvegarder de grands espaces profonds ; les chars donnent de l’amplitude à la manœuvre ; le génie est nécessaire dans l’aménagement du terrain ; les transmissions rapides et sécurisés participent à la cohérence d’une ensemble complexe ; la maîtrise des airs donne de la liberté au sol ; la logistique est la reine des batailles. Et la quantité est aussi une qualité. Bien sûr il y a des nouveautés : le cyber et les drônes.
Le chef d’état-major de l’armée de terre, avec une grande honnêteté, vient de déclarer le 19 mars 2023 : « Les nouvelles formes de conflictualité s’ajoutent aux anciennes sans les remplacer : la guerre électronique n’est pas exclusive de corps-à-corps dans les tranchées ; les attaques cyber de duels d’artillerie ; les manipulations informationnelles de combats urbains maison par maison ; les missiles hypervéloces de frappes de drones à bas coût. » [3]
La guerre en Ukraine a aussi montré que nous étions encore très loin de l’emploi de l’artillerie et des consommations de munitions durant les deux guerres mondiales[4]. En effet, durant l’été 2023, il a fallu redécouvrir la question du nombre de canons et des approvisionnements en obus, domaine de l’artillerie sol-sol. Ce seul sujet va être traité ici dans un souci de vulgarisation même s’il faudrait pour être exhaustif traiter la question des missiles et des roquettes qui permettent de prendre en compte la profondeur du champ de bataille, y compris les arrières et les lignes logistiques mais dont l’emploi relève parfois plus du registre politique que strictement militaire.