Ukraine et inflation : le budget post-covid des Armées va donner lieu aux chamailleries habituelles avec Bercy. Le logiciel comptable des LPM n’est pourtant plus de mise, dette irremboursable ou pas, et il faut remettre du gras dans les casernes comme les hôpitaux, les arsenaux comme les universités, faute de quoi tout va disparaître et à brève échéance. Revenons deux siècles en arrière.
Lorsque le baron Portal prit le portefeuille de la Marine fin 1818, celle-ci portait encore beau grâce à l’Empire, mais « les progrès de la destruction s’étendaient avec une telle rapidité, beaucoup plus vite que l’entretien et les nouvelles constructions, que si l’on persévérait dans le même système, après avoir consommé 500 millions de plus, il ne nous resterait dans dix ans presque plus ni un vaisseau ni une frégate. C’est dire que sans perdre des moments qui nous coûtaient cher, il fallait abandonner l’institution pour épargner la dépense, ou augmenter la dépense pour maintenir l’institution. Nous n’avions pas d’autre alternative ». Le budget de la Marine, fixé à 45 millions de francs par an, était la cause du dépérissement : il fallait au moins 65 millions « pour obtenir un approvisionnement de réserve et une puissance maritime de 40 vaisseaux, 50 frégates et 80 corvettes, bricks ou goélettes ». Car pour les trois-quarts d’un budget on n’a pas trois-quarts d’armée, on n’a pas d’armée du tout.
Mais injecter, comme le font les Allemands, 100 milliards dans un matériel qui n’a pas été redéfini à l’aune de l’Ukraine nous ramènerait au dilemme du Front Populaire, lorsqu’il s’agissait de produire en masse les engins existant, ou d’attendre les nouveaux mais retarder le réarmement. Et ne parlons pas de la mauvaise volonté, comme en 1936, d’industriels plus soucieux de dividendes et de technologisme que de défense nationale. C’est à nos militaires de fixer leur besoin en hélicoptères lourds, en avions de transport tactique ou en roues-canon de 120, matériels indispensables qui pourtant leur font aujourd’hui défaut.
Il s’agira ensuite de trouver l’argent ; ce n’est pas le plus difficile. Le patrimoine français, foncier, épargne ou assurance-vie, c’est 15.000 milliards. « Le consentement à l’impôt et la justice fiscale sont intrinsèquement liés à la vie des démocraties. Taxer, c’est permettre de financer les États au nom de l’intérêt général. Il est essentiel que chacun paie sa juste part de l’impôt. Or ce n’est pas le cas [1]. ». Une dîme républicaine, comme il y eut un Vingtième du temps des rois [2], c’est 1.500 milliards tout de suite. Ramassage des copies dans six semaines.
Le Cadet
[1] Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, Le Figaro, 22 octobre 2018.
[2] Voir Le Cadet in Revue Défense Nationale : « City versus Navy », janvier 2012 ; « Soldats soldés », avril 2015. Sur La Vigie : n° 60, « Don gratuit », avril 2019.