Guerre au Rwanda, L’espoir brisé, 1991-1994 (GCA Delort)

Comment interpréter la guerre civile du Ruanda qui a conduit au génocide que l’on sait ? Un récent rapport a tenté de faire le point. Nous l’avions évoqué en parlant de la confrontation de la mémoire et de l’histoire (voir billet), registre souvent confondu dans les commentaires entendus ces dernières semaines.  Il nous a semblé important de rendre compte du livre d’un acteur de l’époque, le GCA (2S) Delort. Martine Cuttier et Jean Dufourcq signent ce billet, merci à eux. LV

Début mars 2021, les Mémoires du général (2S) Dominique Delort paraissent peu avant la remise, fin mars, du rapport Duclert sur le Rwanda au président de la République. Tous deux éclairent un épisode aussi sensible pour les militaires que précieux pour les sociologues, politologues et historiens des questions militaires. Il s’agit en effet du rapport, en temps de crise, entre pouvoir et armées, celles-ci formant avec la diplomatie l’instrument de conduite par l’exécutif de la politique étrangère.

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Les opérations extérieures de la France (J. Fernandez, JB Jeangène Vilmer)

Merci à Martine Cuttier de continuer ses fiches de lecture. Celle-ci porte sur un ouvrage académique traitnat des Opex. Merci à elle. LV

Hormis les témoignages de militaires ayant participé à des opérations extérieures, ces dernières sont l’objet de publications, de rapports officiels de la part des parlementaires et de récapitulations par les militaires eux-mêmes. D’un côté, en août 2014, les officiers généraux en 2e section regroupés au sein du « cercle de réflexion G2S » ont publié un numéro sur « Défense et opérations extérieures »  puis un an plus tard, le CDEF de l’armée de terre dans les Cahiers du RETEX, dressait un « bilan de 37 années d’opérations ininterrompues » de 1978 à 2015 suivi en novembre 2017 du numéro HS des chemins de la Mémoire, portant sur « La France en OPEX, 50 ans d’engagement ». Un sujet, source de colloques par le SGA[1] puis par le SHD qui deux années de suite a  privilégié un thème[2] auquel l’IRSEM, à son tour, a consacré son attention. Le présent ouvrage n’étant autre que les Actes du colloque organisé avec l’université de Paris II[3], l’une  des missions de l’IRSEM étant d’établir le lien avec le monde académique. Continue reading « Les opérations extérieures de la France (J. Fernandez, JB Jeangène Vilmer) »

Lectures de vacances (LV 148) (gratuit)

Pour ce sixième numéro d’été, voici quelques lectures hétéroclites pour vous distraire ou vous aider à approfondir des sujets complexes dont la pandémie du Covid 19 nous a appris à retrouver le goût et la nécessité. Bonne lecture. N’oubliez pas de vous réabonner et de nous diffuser largement. JOCV

Notre sélection :

Le crépuscule de l’universel Chantal Delsol, Ed. du Cerf, 2020

Retour de service John le Carré, Seuil, 2019

Le sous-marin qui a torpillé le mur de Berlin Thierry Dalberto A. Compte d’auteur, 2019

De l’autre côté de la machine Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes Aurélie Jean, Ed l’Observatoire, 2019

C’était mieux avant Michel Serres, Manifeste le Pommier 2017

Paris-Berlin ; la survie de l’Europe E. Husson, Gallimard, 2019

World War Z Brooks, Broadway Books, 2011

Opération Serval, notes de guerre B. Barrera, Seuil, 2015

La Bombe Glénat, 2020

Carnets sahariens, suivi de Cinquante ans de Sahara Frison-Roche, Arthaud, 2009

Révolution Cyberindustrielle en France L. Bloch, Economica, 2015

Sept jours avant la nuit G.-P. Goldstein, Folio Gallimard, 2017

Histoire de l’Atlantique Paul Butel, Perrin Tempus, 2012

Mondes en guerre (2 tomes sur 4) Dir H. Drévillon, Passés composés, 2019

Kisanga Emmanuel Grand, Livre de poche, 2019

L’utopie déchue Félix Tréguer, Fayard 2019

Le continent de la douceur Aurélien Bellanger

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Lits de cendres (J. Estoup)

Rédigée par M. Cuttier (que nos remercions encore) voici une fiche de lecture du dernier prix de la SAint-Cyrienne. JOCV

Depuis bien des années, les prix littéraires militaires fleurissent, l’un d’eux est décerné depuis 2007 par la Saint-Cyrienne[1]. Un prix spécial peut y être ajouté. Le prix est remis très solennellement sous les ors des salons de l’Hôtel de Ville de Paris lors du grand gala de Saint-Cyr. En 2019, le choix du jury s’est porté sur le livre de Joseph Estoup, officier saint-cyrien, qui servit en Indochine de la fin 1953 à janvier 1955 puis en Algérie de mars 1955 à avril 1961. Sa courte carrière militaire s’est déroulée au loin, là où la France tentait de maintenir l’Empire pour s’achever à la suite du putsch des généraux auquel il a participé.

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Géopolitique de la Russie (Pinot & Réveillard)

Souvent, les ouvrages collectifs sont peu considérés : ils souffrent généralement de deux défauts. Le premier, c’est une dispersion des thème d’étude et donc un assemblage de chapitres moyennement reliés au sujet principal ; Le second, c’est une qualité inégale des contributions. D’ailleurs, les deux défauts sont régulièrement liés.

Tel n’est pas le cas de cet ouvrage que nous vous présentons aujourd’hui : au contraire, il nous a réellement conquis par sa qualité, réunissant aussi bien la cohérence du discours que le niveau des contributions. Voici pourtant un sujet qui n’est pas inconnu, car le thème de la Russie (et de sa géopolitique) est régulièrement analysé par les spécialistes, qu’ils soient de Relations Internationales, de diplomatie ou de géopolitique. Il paraît donc difficile de réaliser un ouvrage actualisé de synthèse qui permette réellement de faire le point et de donner des précisions heureuses que, bizarrement, on lit peu dans les articles spécialisés, et qui évite le piège de la banalité. Continue reading « Géopolitique de la Russie (Pinot & Réveillard) »

Cyber et drones (P. Etcheverry)

Ce livre paru il y a un an n’a pas reçu l’écho qu’il mérite. Il s’inscrit dans ce champ classique de l’art de la guerre qui consiste à analyser le recours à la technique, source de révolution, de rupture et de bouleversement stratégiques.

Après l’arme atomique dont on avait pensé que l’usage interdirait la guerre, ce qui ne fut pas, car la guerre entre sociétés semblables et « du fort au fort » fut remplacée durant les décennies de la guerre froide par des guerres périphériques, révolutionnaires, de décolonisation, où chacun des leaders de chaque camp, détenteur de l’arme ultime, s’ingérait. L’URSS abattue, on pensa alors « tirer les dividendes de la paix » puisque les États-Unis, vainqueurs du duel, se retrouvaient sans ennemi de leur niveau. C’était même la fin de l’histoire[1] par la victoire de la liberté.

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Qu’est-ce qu’un chef (P. de Villiers, fiche de lecture)

Notre fidèle lectrice, Martine Cuttier, nous transmet la fiche de lecture du dernier opus du général de Villiers. Elle avait déjà proposé une lecture du premier opus (ici).  Merci à elle. JDOK.

Le général (2S) Pierre de Villiers introduit son livre en racontant comment les conférences et les séances de dédicaces lors de la promotion de Servir[1] lui ont permis de rencontrer le monde civil dans toute sa diversité tout en retrouvant des militaires et des anciens des guerres d’Indochine et d’Algérie.

Il a retenu le ton d’«une désespérance ambiante », d’une déception, de la part de gens «  ne trouvant plus leur place dans notre société fracturée. ». Témoignages « de gens simples, dévoués, courageux, généreux dont le regard de solitude révélait une vraie attente.  Des solidaires solitaires »[2]. En ce début de 2019, ces mots ne renvoient-ils pas au phénomène dit des « gilets jaunes », imprévu à l’automne 2018 mais devenu une surprise politique en décembre pour ceux qui refusaient de prendre en compte bien des signaux faibles ? Continue reading « Qu’est-ce qu’un chef (P. de Villiers, fiche de lecture) »

Dans les griffes du Tigre (B. Erbland)

 

Bien que parus, il y a cinq ans, ces Récits d’un officier pilote d’hélicoptère de combat, méritent quelques lignes. Non pas parce que l’ouvrage a reçu le prix spécial de la Saint-Cyrienne, en 2013 ni à cause d’une introduction élogieuse de Jean Guisnel et d’une quatrième édition, ni parce que comme l’indique l’éditeur dans sa note, il a « obtenu l’aval des autorités militaires, indispensable pour tout militaire d’active désireux de publier un ouvrage racontant ses combats ». Cette précision ne pouvant au contraire que faire hésiter le lecteur craignant le Livre d’or.

De ce point de vue, le texte est lisse de tout jugement mais résume ce que l’on nomme la spécificité militaire dont le point central est le combat au profit de la mission, la raison d’être première du soldat. Car soldat, le capitaine Erbland l’est dans un monde multipolaire devenu instable et violent avec son corollaire de la judiciarisation. Continue reading « Dans les griffes du Tigre (B. Erbland) »

La Méditerranée, conquête, puissance, déclin (J.-P. Gourévitch)

S’agit-il d’un essai ? d’un conte ? en tout cas, Jean-Paul Gourévitch a une très belle plume pour nous raconter des choses sérieuses avec vista et nous emmener de l’Antiquité à nos jours autour de la Méditerranée. L’objectif de l’auteur consiste en effet à reprendre les différents « rêves » de la Méditerranée. Le lecteur retrouve ici l’approche classique de l’école française de géopolitique qui s’interroge toujours sur les représentations géopolitiques. Mais alors que celles-ci sont souvent vues des peuples, J.-P. Gourévitch élargit  la méthode pour s’interroger aussi sur le rêves de certains dirigeants (Justinien, Soliman, Hitler, Nasser ou Sarkozy).

Ainsi, au lieu d’un traité strictement historique ou de géographie politique, l’auteur montre que la Méditerranée échappe à tous les rêves que l’on en fait, à toutes les approches unifiées que l’on en a. Elle ne peut être dominée malgré son unité apparente. Objet de désirs, on ne peut l’obtenir alors pourtant qu’elle ne cesse de les susciter. La Méditerranée devient une tentatrice qu’on ne peut conquérir et pour laquelle on s’épuise.

Tout commence avec Ulysse, premier héros méditerranéen mais qui a la prudence de refuser l’illusion de l’éternité proposée par la nymphe Calypso, afin de retrouver l’Ithaque prosaïque. Les Romains ont un autre rêve, celui du Mare Nostrum, celui du lac intérieur. Il est de courte durée car la bataille d’Actium, qui voit le triomphe d’Octave,  futur Auguste et fondateur de l’empire, marque finalement la coupure de la Méditerranée en deux, cette coupure durable qui court encore de nos jours. Justinien, l’empereur byzantin du VIè siècle (celui de Théodora et de Bélisaire) espère réunifier la mer intérieure : il s’y épuise et échoue. C’est d’ailleurs l’épuisement de l’empire byzantin (qui s’affronte aux Perses) qui permettra la fulgurante razzia musulmane, au siècle suivant. Les rivages est et sud sont dominés, l’ouest également avec la saisie de l’Espagne mais le nord reste chrétien. Le croissant ne dominera pas le pourtour méditerranéen, encore moins la mer qui le définit.

En réaction, la Chrétienté rêve de reprendre le contrôle de ces rivages et notamment de la Terre Sainte : cela sera l’épisode des Croisades qui menèrent chevaliers et servants d’armes de l’Anatolie à la Palestine mais aussi en Égypte ou à Tunis. Des ordres militaires seront créés sur les îles méditerranéennes (à Rhodes ou à Malte) mais le rêve s’évanouira aussi. Venise , du XIIIè au XVè, pense construire avec  ses comptoirs maritimes une autre domination, fondée sur le commerce et l’argent : là aussi, la réussite est transitoire et l’effort vain. Mais un autre empire se lève, celui de Soliman et de l’ottomanisme. Il conquiert de vastes parts des rivages méditerranéens mais l’effort est trop important et peu à peu, l’empire recule. Les Barbaresques prennent la relève : eux ne veulent pas les territoires mais juste contrôler les masses liquides et obtenir un tribut de ce qui y circule. Du XIVè au XIXè siècles, ils rançonnent les mers. La liberté du commerce pousse les Européens à intervenir et à les faire tomber. Mais un autre rêve survient, celui de la colonisation : Anglais, Français, Espagnols et Italiens se partagent les rivages sud…. jusqu’aux décolonisations qui interviennent dès le XXè siècle.

J.-P. Gourévitch évoque ensuite les rêves contemporains, qu’ils soient politiques (Nasser, ligue arabe, Union pour la Méditerranée) ou transversaux (héliotropisme, rêve insulaire).

Ainsi, en 17 chapitres passionnants, l’auteur mélange poésie et lucidité, le tout appuyé sur une connaissance très fine de l’histoire de la Méditerranée. Il permet un regard renouvelé de cette Méditerranée source de tant de fantasmes et dont la réalité géopolitique est au contraire très fragmentée.

Jean-Paul Gourévitch, La Méditerranée, Conquête, puissance et déclin, Desclée de Brouwer, 2018, 367 pages : lien vers le site de l’éditeur

JDOK

 

 

Théorie de la puissance (F. Argounès)

Cet ouvrage est paru en février 2018 et il s’installera rapidement comme un incontournable de toute bibliothèque stratégique et géopolitique. Il constitue en effet une étude serrée et érudite de la notion de puissance, que nous ne cessons d’utiliser sans jamais vraiment nous interroger à son sujet. Certes, un auteur comme Bertrand Badie a bâti sa réputation sur cette thématique (La fin des territoires, 1995; L’impuissance de la puissance, 2004). Il signe d’ailleurs une préface à l’ouvrage. Pour notre part, nous avions lu récemment l’ouvrage de Pierre Bühler (un des parrains de La Vigie), qui avait publié un ouvrage marquant sur le sujet, La puissance au XXIe siècle – Les nouvelles définitions du monde (CNRS éditions, 2011), où il s’interrogeait sur ce que pouvait signifier la puissance en ce nouveau millénaire (voir billet).

Le livre de Fabrice Argounès a une approche différente et très complémentaire. C’est un petit ouvrage universitaire de 225 p. L’auteur enseigne la géographie à l’université de Rouen, il est également le commissaire de la remarquable exposition « Le Monde vu d’Asie », actuellement au musée Guimet et que nous vous conseillons d’ailleurs vivement. Continue reading « Théorie de la puissance (F. Argounès) »