Du Sahel au golfe de Guinée (LV 223)

Au Sahel, géographie, la démographie, l’environnement mais aussi les pratiques culturelles constituent des freins évidents au développement social et économique. Ils sont rarement diagnostiqués et l’excès de discours vertueux mais aussi l’inefficacité de notre action mènent au rejet de la France. Pendant ce temps, l’insécurité progresse vers le golfe de Guinée.

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La Vigie n° 186 : Coups africains | Géorgie tiraillée | Lorgnette : ouverture indonésienne

Lettre de La Vigie du 16 février 2022

Coups africains

Les récents coups d’État au Mali et au Burkina-Faso montrent la déception des élites et des populations africaines envers la France. Cela s’explique par une grande erreur stratégique, mélange de bonne conscience, d’utilisation trop longue de l’outil militaire, de manœuvres de gouvernance inadaptées et finalement, d’intérêts mal compris et donc mal mis en œuvre. La France a déçu et c’est de sa faute. Elle doit en tirer les conséquences.

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Géorgie tiraillée

La Géorgie est le seul pays du Transcaucase a être ouvert sur l’Occident, sur la Mer Noire, sur l’Europe. Le pays est hanté par les démons de conflits avec des provinces séparatistes et sa relation compliquée avec la Russie. Sa tentative de rapprochement avec les États-Unis s’est soldée par un échec, notamment militaire, mais la Géorgie a depuis entamé une nouvelle voie vis-à-vis de l’Union Européenne. Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée !

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Lorgnette : ouverture indonésienne

La récente vente de 42 chasseurs Rafale à l’Indonésie est bienvenue, pour des raisons industrielles évidentes. S’il n’est pas sûr que cela favorise la défense française, cela constitue en revanche un atout dans notre politique étrangère, notamment en Asie du Sud-Est, terme ici plus exact que l’Indo-Pacifique. Notons d’ailleurs que cette vente s’accompagne de celle de deux sous-marins Scorpène. L’affront AUKUS est réparé (LV 176).

Paradoxalement, il a peut-être servi. En effet, comme beaucoup de pays de la région, l’Indonésie veille à une politique d’équilibre entre la Chine et les États-Unis, veillant à ne pas trop dépendre de l’un ni de l’autre. Elle avait suivi avec intérêt notre partenariat stratégique et industriel avec l’Inde, ce qui l’a incitée à examiner notre offre avec attention. Mais il est fort probable que la décision unilatérale des Australiens a joué : en estimant que la France n’était pas assez sûre, l’Australie a prouvé qu’a contrario la France avait une position équilibrée dans la région ? Ce fut probablement l’argument décisif pour Jakarta. Ainsi, outre l’Inde et Singapour, la France obtient un troisième partenaire dans cette Asie du Sud et du Sud-Est. Espérons que ce ne soit pas le dernier.

JOCVP

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Crédit photo : alicroche on VisualHunt

Coups africains (LV 186)

Les récents coups d’État au Mali et au Burkina-Faso montrent la déception des élites et des populations africaines envers la France. Cela s’explique par une grande erreur stratégique, mélange de bonne conscience, d’utilisation trop longue de l’outil militaire, de manœuvres de gouvernance inadaptées et finalement, d’intérêts mal compris et donc mal mis en œuvre. La France a déçu et c’est de sa faute. Elle doit en tirer les conséquences.

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OSS 117, rentre à la maison ! (Le Cadet n° 87)

Une maladie de vaincus : on connait cette réponse de Foch aux négociateurs allemands qui se lamentaient à Rethondes de capituler non parce que leur armée était défaite, mais parce que les rues outre-Rhin se couvraient de barricades. Comment ne pas faire le rapprochement avec des médias africains remontés, nos convois attaqués, notre drapeau piétiné et brûlé et une junte malienne félicitant outrageusement les mercenaires russes de Wagner de premiers succès après tant d’années d’échecs français ? L’Afrique ne nous reproche pas tant de perpétrer le système colonial que d’être incapables de gagner la guerre contre le djihad. En un mot, de ne plus servir à rien. France go home ! Toute proportion gardée, la désillusion des Africains est la même qu’au soir du 17 juin 1940.

L’opération était globale, s’excuse-t-on à Paris, et ce sont ses aspects politiques et économiques locaux qui n’ont pas été implémentés (comme on dit dans les cabinets de consultants américains qui nous gouvernent). Mais c’est précisément parce que le plan était global qu’il a échoué ; non qu’une victoire militaire soit le sésame de la géopolitique, mais sans elle il n’y a rien de pérenne. Et il ne peut plus en être autrement : il est loin le temps de Serval, quand nos unités aéroblindées étaient fêtées en libératrices, nous sommes désormais incapables de rééditer l’exploit, et avant longtemps [1]. On a ainsi appris en fin d’année, la même semaine, que si la Corée du Sud et Israël ont budgété des hélicoptères lourds, ceux qui nous manquent dans le Sahel et que Barkhane a dû se faire prêter, les actuaires de Bercy ont opposé une fin de non-recevoir à nos Armées, qu’il s’agisse d’achats américains ou d’un appareil européen à concevoir. Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sou, chantait Brel. Quoique, quand il s’agit de nettoyer les bas de bilan des banques d’affaires ou de subventionner des start-up éphémères, les sous, on les trouve rapidement. La dépense oui, la défense jamais !

Et tandis qu’Américains et Russes se découpent une nouvelle fois le continent, les Français et cette fois les Britanniques étant aussi absents qu’à Yalta, l’Union Européenne annonce une réflexion, envisage de débattre, prévoit de se doter d’une boussole stratégique dans un futur hypothétique à anticiper à l’horizon d’une décennie. Mais les institutions censées la représenter sont aux abonnés absents. Si Kissinger se plaignait que l’Europe n’ait pas de numéro de téléphone, le progrès est qu’il sonne désormais dans le vide – à supposer que l’Amérique appelle. Quand on est incapable de formuler l’ombre du soupçon d’un semblant de volonté pour son voisinage, on ne prétend pas régenter des horizons lointains. Le temps de Faidherbe et Laperrine est clôt. Celui d’OSS 117 également.

[1] Voir Le Cadet : n° 67, « Sahelistan, poil aux dents », janvier 2020 ; n° 77, « Le Cyber des Tartares », décembre 2020 ; n° 82, « Sur la pointe des pieds », juin 2021.

Le Cadet

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Analyses initiales et perspectives régionales post-Barkhane

Voici la dernière tribune de notre dossier Mali (ici), co-publié avec la RDN. LV

La veille du coup de force du 24 mai, La Vigie a présenté au Forum de Bamako une analyse et les recommandations sur la sécurité au Mali que voici. L’évolution de la situation depuis lors (dossier Mali) a donné un relief particulier à ces préconisations au regard des projets prêtés au colonel Goïta (tribune 1) et des calculs probables de l’imam Mahmoud Dicko (tribune 2).

Analyse sécuritaire du Mali dans la sous-région au printemps 2021

La situation qui prévaut au coeur de la région saharienne est celle d’une transition politique rapide entre des pouvoirs anciens et affirmés qui ont été éliminés, au Mali, au Niger et au Tchad, et des équipes de transition ou de remplacement à base militaire arrivées pour exercer par défaut un pouvoir transitionnel.

Au Mali où l’essentiel des problèmes sécuritaires se focalise aujourd’hui dans la « zone des trois frontières », la situation est critique avec une tension vive exercée par des groupes armés que les forces extérieures de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, déployée depuis 2013) et de Barkhane n’arrivent pas à contrer. Un sentiment d’échec prévaut. Au Nord du Mali, les trois pays du Maghreb central connaissent un regain de tension focalisé sur le Sahara occidental à l’Ouest et la décomposition libyenne à l’Est. Les causes sont d’abord domestiques et à rechercher en Algérie et au Maroc. Dans ces trois pays, les structures politiques sont fragiles et la pression islamiste est forte. Au Sud du Mali, l’instabilité tend à se propager aux pays côtiers limitrophes et à se raccorder à la forte criminalité qui s’est enracinée dans le golfe de Guinée. Continue reading « Analyses initiales et perspectives régionales post-Barkhane »

La dialectique de l’imam Dicko : de la chaire au pouvoir

Voici la deuxième tribune de notre dossier Mali (voir ici). La première a décrit le colonel Goïta (voir ici).

Cela fait quinze ans que la silhouette toujours vêtue et coiffée de blanc de Mahmoud Dicko est familière des Maliens. Époux de deux femmes et père d’une dizaine d’enfants, originaire d’une famille de notables de Tombouctou, il est passé par les écoles coraniques d’Arabie saoudite, avant de revenir dans sa première mosquée, à Bamako, dans les années 1980.

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Dans un pays à 95 % musulman, Mahmoud Dicko incarne le courant rigoriste inspiré du wahhabisme saoudien, qui a pris le contrôle du Haut conseil islamique (HCI) malien au détriment de l’islam local malékite. Chef du HCI (jusqu’en 2019), il a mené et gagné, en 2009, la bataille contre la réforme du Code de la famille jugée « anti-islamique ».

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L’action déterminée du colonel Goïta : plus Sankara que Poutine

Voici la première tribune de notre dossier Mali (voir ici).

Un profil prétorien affirmé

Le nouveau président par intérim du Mali, le colonel Assimi Goïta, surnommé « Asso » par ses proches, a 38 ans, est marié et père de trois enfants.

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Il est décrit comme un homme « rigoureux, tenace, adepte des défis et apte au commandement ». Selon les militaires français qui l’ont côtoyé et le décrivent en des termes analogues, c’est « un homme droit, un pro qui ne laisse rien passer, déterminé et peu disert ». Fils d’un officier de l’armée de Terre, il fréquente le prytanée militaire de Kati et le lycée de la Défense nationale.

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Dossier Mali

La France par la voix de son Président de la République a décidé le 10 juin 2021 de changer le cadre de son intervention au Mali et de mettre fin à l’opération extérieure Barkhane qui avait été lancée en 2014 pour prolonger et amplifier l’intervention lancée en urgence en janvier 2013 (Opération Serval). Cette décision unilatérale a été prise rapidement après la suspension le 4 juin des opérations conjointes avec les forces maliennes. On s’inquiétait alors de la déposition brutale le 25 mai du président et du premier ministre de la Transition par le vice-président, le colonel Assimi Goïta, instigateur du coup d’état d’août 2020 qui avait chassé le président Ibrahim Boubacar Keita. Chef des forces spéciales du Mali, l’homme fort du Mali a justifié son coup de force par le non-respect de la charte de transition par les autorités politiques nommées pour conduire le pays à des élections générales en février 2022. En tranchant ainsi nettement le nœud gordien malien, la France rebat les cartes militaires du Sahel et veut engager les Européens dans la sécurité régionale de l’Afrique de l’Ouest.

La Vigie qui observe de près les réalités maliennes depuis 2014 était invitée à Bamako au 21ème forum annuel qu’organise « le Président » Abdullah Coulibaly à présenter ses vues sur la sécurité au Sahel. Le Pr Kader Abderrahim, directeur de recherche, y a passé une semaine.

C’est pendant le Forum qu’a eu lieu « le coup de force » du 25 mai qui a accéléré et cristallisé le changement de posture envisagé par la France depuis quelque temps. Quel est le sens de la démarche assurée du colonel Goita qui défie la communauté internationale, la France et la Cedeao et quelles sont les dialectiques en jeu dans ce second coup de force ? Qui est l’imam Dicko, souvent présenté comme le véritable homme fort et l’arbitre politique du pays ? Quels sont les enjeux et les perspectives de ce changement de cadre de la sécurité du Sahel ?

La Vigie a établi un dossier présentant trois tribunes libres pour présenter son témoignage et ses réflexions sur ce sujet complexe. Il est co-publié par la Revue Défense Nationale (ici)

  • Tribune 1 : l’action déterminée du colonel Goïta : plus Sankara que Poutine
  • Tribune 2 : la dialectique de l’Imam Dicko : de la chaire au pouvoir
  • Tribune 3 : Analyse initiale et perspectives post-Barkhane

La Vigie et Kader Abderrahim

Les initiatives maliennes de démobilisation à l’épreuve des tribulations politiques bamakoises (G. Lemarchand)

Nous sommes heureux d’accueillir ce texte d’un jeune chercheur, Gildas Lemarchand, étudiant en master 2, sur le processus DDR au Mali. Merci à lui/ LV

La profusion d’analyses sur la crise du Sahel occidental s’est récemment recentrée sur l’idée d’une solution purement malienne. Cela résulte d’abord de la transition nationale engagée suite au renversement d’Ibrahim Boubacar Kaïta (IBK) le 18 août 2020, mais plus encore des premières négociations du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) avec les groupes armés terroristes (GAT) maliens qui aboutissent à la libération d’otages le 9 octobre 2020, contre celle de deux cents djihadistes et le versement d’une rançon conséquente. Si ces capacités à communiquer entre maliens constituent une bonne nouvelle en soi pour les perspectives de pacification du Mali, la priorité est de gérer ces échanges entre les différents acteurs locaux afin de conserver un positionnement français cohérent.

Lien vers carte du processus DDR : Cliquez ici

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Putsch du 18 août 2020 au Mali ou les 10 commandements pour réussir son coup d’État (G. Mathias)

Gregor Mathias nous adresse ce long texte analysant le coup d’État au Mali de cet été. Il est docteur en histoire et travaille sur les problèmes de sécurité et de défense en Afrique. Il a publié plusieurs ouvrages et articles sur Le Mali et la Centrafrique au moment du déclenchement des opérations Serval et Sangaris. Mille mercis à lui pour son texte détaillé. LV.

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Le coup d’État reviendrait-il en force en Afrique ? Deux cent sept coups d’État, avortés ou réussis, ont eu lieu sur le continent en Afrique depuis 1950 avec une prédilection des putschistes pour l’Afrique subsaharienne et l’Afrique de l’Ouest. Néanmoins, le phénomène est en déclin, les décennies 2000 et 2010 n’ont connu qu’une vingtaine de coups d’État en moyenne, contre le double, dans les décennies précédentes.

Quant au Mali depuis 60 ans, il a eu 4 coups d’État et a renversé 4 chefs d’État (1968, 1991, 2012, 2020) sur les 5 présidents de son histoire. Le coup d’État est donc classique pour ce pays et les pays voisins pour accélérer les transitions politiques, comme, en 2010 au Niger, en 2011 en Côte d’Ivoire, et en 2014 au Burkina Faso.

Après une interview le 19 août pour La Croix sur la situation au Mali après le putsch des officiers (voir ici) et deux mois après le coup d’État, nous avons décidé de revenir sur les dix grandes étapes qui ont permis aux 7 colonels de prendre le pouvoir au Mali de s’imposer à la communauté internationale et à l’opinion publique malienne.

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