Ça y est, elle a eu lieu, la grande attaque, celle que les Drogo du marché du cyber modélisaient depuis si longtemps, ce jour où l’ennemi viendrait qui les ferait héros. Mais comme pour la nouvelle souche du Covid, rien n’est prêt.
La faute en est aux agresseurs, ces vilains dont on ne saura jamais, en vertu du principe d’inattribution, s’il s’agit d’un homme seul ou d’une tribu de Tartares – pour citer un fameux monologue melvillien –, et qui se sont engouffrés dans les failles. L’ennemi, écrivait déjà Marc Bloch, est un « malappris qui ne fait jamais ce qu’on attendait de lui ». Le hacker devrait traverser dans les passages cloutés et attendre qu’on l’y pince : sinon il triche et c’est pas du jeu, comme on se lamente dans ces cours de récréation que sont les cyber-commandements. Répétons-nous : on n’a toujours pas compris le Théorème Maginot qui dit que des brèches de vulnérabilité sont non seulement créées à proportion des tentatives de verrouiller un front, mais que même lorsqu’on a prévu l’hypothèse des Ardennes, on échoue à la prévenir. La prochaine étape de cette bétonisation du numérique est la 5G et ses portes d’entrées démultipliées. Si les civilisations sont mortelles, il en est des carrément suicidaires.
Pourquoi s’épuiser à tenter d’investir ces espaces fluides qui ne pourront jamais l’être totalement, où nous serons toujours contournés ? L’adversaire y est ? Il est surtout présent au Sahel, en sandales et 125 cm3. Et les Russes n’en sont pas loin, qui nous ont déjà chassé d’Afrique centrale. Sans doute, mais il faut être sur le réseau pour défendre les serveurs – où 95 % des données n’ont rien à y faire – et agir comme influenceurs. Alors, tandis que le taux de disponibilité de certaines de nos armes sombre dans l’infinitésimal, on budgétise dans des régiments de Zouaves chers à Raymond Devos pour faire joujou devant des écrans. Jusqu’au jour où l’Amérique, via Facebook, nous retire le tapis de sous les pieds et supprime nos comptes. Une récente couverture de Time l’a montré : avec un tel allié, la France n’a pas besoin d’ennemi. Quel couillon, ce Louis XVI !
Ce qu’il nous faut également, dit un récent rapport, c’est un guerrier augmenté, comme dans les comics de Marvel. Puis on l’entourera d’une armure pour prévenir une prise de contrôle à distance de ses prothèses. Toujours le syndrome Maginot : créer des failles puis tenter de les colmater. C’est certainement plus urgent que de fournir des hélicoptères lourds à Barkhane (le Danemark retire les siens, les Britanniques récupèrent les leurs), de remplacer nos Transall en Afrique ou d’éviter d’avoir recours à un chausse-pied chaque fois qu’il faut charger un Griffon dans un A-400M. Même si c’est plus délicat que de greffer la Légion d’Honneur sur la veste d’un dictateur du Nil, espérons au moins que ça permettra à nos soldats de voler, faute de quoi les prochaines OPEX se feront sur la plage de Cavalaire. Des fois que les Tartares parviennent jusque-là.
Le Cadet