Le Polisario: cause qui s’éteint ou point d’achoppement durable?
(PJ: cartes Sahara occidental. Source: P. Boniface, H. Védrine Atlas des crises et des conflits, Armand Colin, Fayard, Paris 2013, p. 66 – droits réservés)
La question du Sahara occidental, non résolue depuis plus de 40 ans, connait périodiquement des pics de tensions, qui pourraient être attribués, comme ces dernières mois, à des tentatives de peser sur les travaux de préparation des résolutions du Conseil de sécurité pour la prorogation du mandat de la MINURSO (fin de mandat le 30 avril 2018, résolution soumise au vote le 28 avril 2018). La MINURSO est déployée depuis le 29 avril 1991 (RCSNU n° 690) avec pour principales missions : faire respecter le cessez-le-feu, surveiller la consignation des troupes et organiser un référendum.
Le pic de crise actuel s’alimente, aux yeux du Maroc, par le non-respect du deuxième point par le POLISARIO qui a coupé les flux commerciaux routiers passant par Guerguerat (située en zone de responsabilité ONU). A ce constat sans appel, le Maroc ajoute l’accusation d’occupation de certains points de la zone démilitarisée, ce que démentent le POLISARIO et l’ONU. L’insatisfaction est grande au Maroc qui s’agite médiatiquement et militairement, alors que l’Algérie refuse de pendre partie entre les deux antagonistes.
Au-delà de ces risques de heurts militaires, le problème de fond demeure. Toutefois, la position de l’Algérie, qui s’alimente à d’autres raisons que celle d’un réel calcul stratégique visant à avoir une position dominante au sein du Maghreb, semble montrer une certaine lassitude à continuer à soutenir le POLISARIO, (coûts financier et diplomatique).
A son origine, la question du Sahara espagnol a été exploitée, par différents acteurs et par itérations successives : les mouvements maoïste et trokyste marocains, le général Oufkir qui voulaient s’attaquer à la monarchie et changer la donne à partir du désert (réminiscence du destin de la dynastie Almoravide), le Polisario est ensuite récupéré par la Libye mais aussi soutenu par l’Algérie. Il est donc le sujet de diverses influences et antagonismes régionaux qui dépassent la question territoriale.
En réalité, les dirigeants historiques algériens admettaient que le Sahara occidental puisse revenir au Maroc. Mais, dans les deux pays, l’entretien des tensions satisfait les intérêts de diverses officines et clans. Cette crise peut convenir aussi aux Européens (et à la France) qui semblent n’avoir aucun intérêt à voir les relations entre Algérie et Maroc se normaliser. Car au fond, la question du Sahara est, avant tout, la conséquence d’une absence de relation apaisée entre les deux pays. Relations tendues en façades, mais qui existent malgré tout par des voies détournées, notamment au plan commercial à travers des frontières fermées officiellement, mais poreuses dans l’intérêt de chacun.
Sur ce dossier, il y a des évolutions positives en cours quant à la perception de la position du Maroc, tant en Afrique que dans le monde (le POLISARIO, reconnu par 72 États lors de sa création, ne l’est plus que par 42 aujourd’hui. Il perd des soutiens importants dans l’OUA : Nigéria et Afrique du sud). Car, si l’on se penche sur la réalité de la situation, il apparait que la population historique du Sahara occidental est partagée entre ralliement au Maroc et dissidence (POLISARIO), cette population, à majorité Reguibat, vit de part et d’autre des frontières entre les deux pays ; enfin, elle ne représente, pour la portion dissidente, qu’une infime minorité par rapport aux populations algérienne et marocaine. Ce qui pose la question de savoir s’il est souhaitable d’entretenir des tensions entre des millions d’Algériens et de Marocains, pour satisfaire les aspirations indépendantistes de quelques centaines de milliers de Sahraouis dont l’avenir serait tout à fait incertain dans un si petit État. Il faudrait sortir d’une vision de jeu à somme nulle.
Cette question est donc une question de maturité politique et de haute stratégie. Maturité politique dans les deux pays dans lesquels il faudrait installer la réalité de l’état de droit, condition préalable à la volonté de respecter ensuite le droit international par chacun des protagonistes. Haute stratégie pour comprendre que l’intérêt des deux pays réside dans un Maghreb uni, et non dans des tentatives individuelles de rapprochement avec l’Europe. Cet aggiornamento politico-stratégique ainsi fait, une solution pourrait être trouvée pour le Sahara occidental, avec pour véritable enjeu l’insertion des sahraouis dissidents dans un ensemble marocain faisant droit à une autonomie bien articulée et aux besoins des populations transfrontalières (Reguibat). Un dialogue à deux s’impose pour construire le socle d’un Maghreb uni et un dialogue à trois pour régler la crise du Sahara occidental, avec l’aide de puissances extérieures, dès lors qu’elles ne jouent pas leurs propres partitions stratégiques.
Laisser perdurer ce problème ne se fait qu’au détriment du Maghreb. Il peut en outre offrir le flanc à de nouveaux foyers terroristes. Encore que les causes du terrorisme sont à traiter par un effort concerté de l’ensemble des États du monde, et surtout un effort qui devrait dépasser les pures dimensions sécuritaires.