La transition algérienne en cours (2)
Un second tour de table sur ce thème s’est tenu le jeudi 6 juin. Il a permis de présenter aux présents le Dossier n°11 de La Vigie consacré à l’Algérie, d’évoquer la problématique du calendrier socio-politique de l’Algérie à venir, le travail d’analyse du Pr Mekkaoui et d’esquisser les travaux du CEM après l’été.
Le dossier Algérie de La Vigie
Réalisé à trois voix, ce dossier (L’Algérie, le Hirak et la France, en lecture gratuite ici) esquisse une approche de l’Algérie vue de France et propose une vision de la convergence des intérêts des deux rives de la Méditerranée occidentale. Avec d’abord une présentation de l’Algérie dans son histoire et sa géographie, du renouveau qu’elle vit et de la normalisation paradoxale qui s’y déroule. Puis une réflexion sur la relation algéro-française, avec ses moments de « face à face », de « dos à dos » et de la perspective du fort potentiel d’une action « côte à côte ». Dans ce cadre, la nécessité d’un axe préalable Alger-Paris pour organiser dans le bassin pilote d’une Méditerranée occidentale de 300 Mh et en faire un vrai laboratoire de la mondialisation. Suit une analyse de la transition algérienne et de ses données internes et externes (cf. CEM 17). Enfin ce dossier se termine par une réflexion sur les fragilités et les incertitudes actuelles et la dynamique qu’offrirait un projet ambitieux fondé sur des intérêts communs servant le développement de toute l’Afrique.
On a pu relever le handicap que constitue le fait que les pays euroméditerranéens sont souvent vus en Algérie comme des pays adverses, prompts à peser le développement du Maghreb et refusant des actions entre pôles égaux. La fierté algérienne se mobilise souvent pour dénoncer des actions intéressées et directives venant de la côte nord de la Méditerranée. On a également commenté la précarité juridique et entrepreneuriale pour les investisseurs étrangers en Algérie. La réglementation y est instable et l’administration obéit immédiatement aux mandements péremptoires du Système. On a également noté l’asymétrie algéro-française : Paris s’est progressivement désintéressé de l’Algérie alors que l’Algérie est restée, avec un regard critique, connectée aux réalités françaises au cours des dernières décennies.
La question du calendrier politique conduisant à l’Algérie de demain
Elle a fait l’objet d’une évaluation contradictoire. Aucune perspective ne semble clairement se dégager. « On peut tout dire à Alger mais aujourd’hui encore, on ne peut rien faire ». On attend que la table soit rase pour sortir de l’ombre et manifester un projet politique qui devrait conduire logiquement à une autre république algérienne. La situation de la transition au Soudan a également été évoquée avec soin pour ce qui s’y passe actuellement. On a relevé que la perspective d’une démocratisation progressive du régime soudanais était une perspective inacceptable pour les pétromonarchies du Golfe qui ont soutenu une contrerévolution brutale menée par des forces militaires jusque-là attentistes. Elle l’est tout autant s’agissant de l’Algérie dont le Hirak indispose par l’exemple qu’il donne aux sociétés arabo-musulmanes tout autant les EAU, l’Arabie saoudite que Qatar.
Les paramètres régissant la question du calendrier politique sont la préservation des apparences constitutionnelles (l’esprit plutôt que la lettre d’ailleurs) dont les militaires se font les gardiens, la patience de la rue et sa détermination intacte à dégager la totalité du Système et de ses figures, et la réalité du temps long nécessaire à la mise en place d’une vraie société politique qui n’a jamais existé en Algérie depuis l’indépendance : de vrais partis politiques, de vrais syndicats, des structures religieuses modernes, de vrais assemblées régionales, de vrais relais corporatistes, une société civile. D’un côté, une « patiente impatience » ; de l’autre, une mutation profonde qui nécessitera une génération.
On devrait assister prochainement à une passation de suite de velours entre le gouvernement intérimaire nommé par l’ancien régime et une autorité représentative des sensibilités en lice (militaires, religieux, droits de l’homme, milieux d’affaires, militants de la rue, femmes, régionalistes). Plusieurs personnalités sont déjà cooptées par la rue et les forces en présence. Mais l’armée voudra garder le contrôle de cette autorité tout en masquant au mieux son influence. On recherche toujours un président pour cette autorité intérimaire qui devra se mettre en place entre la fin du ramadan (le 4 juin) et le 9 juillet, date limite juridique d’existence de la structure d’intérim mise en place par le président sorti.
On pourrait ainsi voir s’ouvrir une période technique organisant une consultation nationale, si possible avant le mois de novembre, mois symbolique de renaissance algérienne. Il faudra en effet valider des instances incontestables pour consulter un corps électoral qu’il faudra mettre à jour au préalable. Ces élections conduisant à une chambre et un président au rôle intérimaire gouvernant le pays pendant un temps court avec ou engagement à ne pas se présenter à l’issue. Des formules techniques, de débat national ou de constituantes circulent comme des délais allant de 6 mois à 2 ans pour cette période intérimaire. C’est sans doute le facteur économique et les réserves de change accessibles qui pèseront le plus sur le calendrier.
L’analyse du Pr Mekkaoui
Jointe à ce PV, elle a été évoquée par les présents qui y ont vu une présentation soignée des manœuvres internes en cours au sein de l’ANP et de ses différentes tendances.
Perspectives du CEM
Le CEM suspend ses rencontres mensuelles pour l’été et les reprendra le mardi 24 septembre dans les conditions habituelles. Pendant toute cette période, des échanges et des communications seront maintenus avec l’équipe des chercheurs du Maghreb et notamment ceux d’Algérie pour apprécier les évolutions en cours.