PV CEM 5 : Medays – Algérie et transition

Compte-rendu de la 5ème séance du cercle euromaghrébin, le 17 novembre 2017. La séance a porté d’une part, brièvement, sur les Xe Medays de Tanger, et d’autre part, sur l’Algérie face à la transition économique et politique. 10 personnes y ont participé.

Les Medays

L’institut Amadeus est une organisation marocaine qui s’apparente à un think thank ; il est dirigé par Brahim Fassi-Fehri. Son fonctionnement repose en principe sur la participation de la société civile aux réflexions, aux débats et aux comptes rendus. En même temps, c’est un institut dont les recherches sont orientées vers des secteurs stratégiques pour l’Etat et qui bénéficie de l’appui du Palais.

Les Medays, organisés par Amadeus, sont un évènement qui a pris de l’ampleur au fur et à mesure des années. Sa dixième édition regroupe aujourd’hui près de 4000 personnes, participants ou assistants avec près de 150 interventions. Parmi les participants, il n’y a que 10% d’Occidentaux, ce qui confirme qu’il s’agit d’un dialogue afro-africain.

Depuis quelques années, les éditions sont très tournées vers l’Afrique, tandis qu’auparavant, elles étaient tournées vers la Méditerranée. La présence africaine était illustrée cette année par la participation d’Alpha Condé, mais aussi d’autres dirigeants importants. Elle est destinée à participer aux efforts du Maroc pour s’intégrer au sein du continent.

Parmi les thématiques abordées cette année :

  • Le sommet d’Abidjan et celui de la CEDEAO
  • Les nouvelles opportunités business en Afrique
  • Les divisions dans le monde musulman et la politique étrangère du président Trump
  • Les enjeux du développement durable en Afrique

Malgré la forte présence de la société civile dans les débats et les discussions, les Medays demeurent d’abord un instrument de soft power au service du pouvoir central. La qualité de l’évènement (tant dans son contenu que dans ses aspects logistiques), comparée à celles d’autres forums du même type, confirme qu’il s’apparente véritablement à un puissant instrument de diplomatie parallèle.

L’Algérie face à la transition politique et économique

Depuis 1962, les services de renseignements et de sécurité sont au cœur du pouvoir en Algérie. Ils « contrôlent » l’armée et le gouvernement. En effet, l’Etat algérien est un système politique complexe et fortement hiérarchisé, dirigé et régulé par des représentants de la société militaire, et plus précisément par le département de renseignement et de sécurité (DRS).

Il est vain de chercher à personnifier le pouvoir algérien, à identifier des personnes clefs qui le représentent où qui l’incarnent. Tous les dirigeants médiatisés et dotés de responsabilités au sein de l’Etat ne sont pas les véritables détenteurs du pouvoir, car ces derniers demeurent dans l’ombre. En effet, comme on l’a indiqué « le pêché capital dans ce système est de prétendre le diriger ». Ainsi, pour véritablement comprendre le fonctionnement du pouvoir, il faut s’intéresser au système de renseignement et à ses mécanismes plus qu’aux personnes qui l’animent, car ces dernières peuvent être facilement écartées et remplacées, sans mettre en danger le système. Le pouvoir repose sur un régime autoritaire et reproductif, financé grâce aux ressources énergétiques, et consolidé par une corruption endémique. Il est aussi inclusif, puisque tous les agents de l’Etat, y compris les hauts fonctionnaires, sont nommés avec l’accord des services de renseignement. En principe, les ministres, walis, ambassadeurs et autres dirigeants sont nommés par le chef de l’Etat ou le chef du gouvernement. Cependant, chaque nomination est accompagnée d’une validation émanant des services de sécurité, confirmant leur poids dans la décision.

Parallèlement à cette apparente centralité et cohérence du pouvoir, des clans aux intérêts divergents peuvent être identifiés, et sont plus visibles depuis 2008. Le premier clan est composé des frères du Président, avec ses généraux, ses syndicats et son patronat. Le deuxième clan est celui de l’ancien patron du DRS, qui dispose encore de nombreux appuis au sein de l’appareil militaire. Le troisième clan est représenté par le général CEMA, qui contrôle en particulier la 6e région militaire (Tamanrasset) et les grands commandeurs. L’identité et les intérêts de ces clans sont de plus en plus identifiables dans les médias.

Dominée par un appareil étatique puissant, et prise en étau entre différents clans qui luttent pour maîtriser cet appareil, la société n’est pas représentée non plus par une réelle force d’opposition qui prenne en compte ses intérêts. Cette marginalisation est d’autant plus marquée que le système a aussi infiltré la population à des niveaux différents, diminuant les risques de contestation. Ainsi de nombreux jeunes algériens, au lieu de réclamer la considération de leurs droits, réclament le partage des bénéfices de la rente pétrolière et gazière. La société algérienne s’est « clochardisée », pour reprendre l’expression de Germaine Tillon. Elle est maintenue à un faible niveau d’éducation (le budget alloué à l’éducation a baissé de 20% cette année, confortant le postulat d’une dictature étatique) et ne maîtrise pas plus que les observateurs extérieurs les rouages et le fonctionnement du système politique.

Le bilan établi sur l’Algérie est en général pessimiste. Le système économique sur lequel repose le pouvoir et l’avenir de la population est précaire. Tandis que le gouvernement n’a pas été en mesure d’exploiter les richesses pétrolières pour investir dans une économie durable, les citoyens demeurent dépendants de la rente issue de la vente des matières premières. Le seul indicateur économique pertinent actuellement demeure le taux des réserves. Cette situation de dépendance est d’autant plus inquiétante qu’une partie des financements est d’origine masquée à l’instar de la croissance du marché noir des devises. Si les dirigeants et la société ne réussissent pas à reconstruire un nouveau modèle économique dans les prochaines années, l’Etat algérien risque de défaillir à brève échéance.

JDOK